En continuant la route sinueuse et rêveuse de sa série « Airut », après le majestueux "Airut: Ciwi" et son titre légendaire "Kielo", sorti en 2000, les Finlandais nous déposaient, il y a plus de vingt ans de cela, un album de Folk Néo-Classique mélancolique, initialement composé par Ilmari Issakainen et Tyko Saarikko au sein d’un autre projet nommé HARMAA. En le rééditant au sein de TENHI deux ans plus tard, en 2006, Prophecy Records incluait ce nouvel album à la discographie passionnante du groupe, dans laquelle trônait déjà le majestueux premier album : "Kauan".

Avec ce quatrième album, finalement enchevêtré avec la sortie récente de "Maaäet", "Airut: Aamujen" accentue une ouverture plus Pop, qui pouvait parfois avoir tendance à courir le long de certains morceaux. La part belle et la lumière sont concentrées autour d’un piano tout à la fois virevoltant ("Luopumisen Laulu", "Kuvajainen", "Hiensynti") ou sanglotant ("Seitsensarvi", "Oikea Sointi", "Kahluu", "Läheltä"). Ce qui est marquant au sein de cet opus, c’est ce pan lumineux et gracile qui se dresse devant nous au fil de l’écoute de l’album et qui chasse – temporairement – les ombres et les vertiges des précédents albums. Les atmosphères mélancoliques sont donc moins denses et profondes, au profit d’une ambiance plus bucolique et rêvasseuse.

Mais TENHI reste TENHI, et les compositions de "Airut: Aamujen" sont toujours empreintes d’une beauté agile et délicate. La production est toujours aussi soignée et fourmillante de détails. Si vous y prêtez attention, vous entendrez la frappe des doigts sur les touches de piano, notamment sur l’assez enjoué "Kuvajainen". L’acmé de l’album, selon moi, réside dans les quatre petites minutes de "Oikea Sointi", qui synthétise tout ce que j’apprécie dans TENHI : cette capacité exceptionnelle de peindre la tristesse et la nostalgie. La voix de Tyko – avec son grain délicat et sa tessiture envoûtante – fait à nouveau des ravages dans ma tête, tant sa palette émotionnelle est bariolée d’éclats gracieux et miroitants.

Si l’album s’avère assez copieux et un peu long, il n’en reste pas moins admirable pour trouver l’apaisement ou se libérer du joug du temps et de ses contrariétés. Si son côté plus Pop ne me convainc guère, j’ai appris avec le temps à apprécier cette incursion plus enjouée. "Airut: Aamujen" reste une berceuse soyeuse et un album intimiste qui parle d’âme à âme, s’en fait tout à tour le reflet et l’écho. Œuvre intemporelle et méditative, imprégnée d’un clair-obscur contrasté entre ténèbres moroses et lumière naissante, "Airut: Aamujen" est moins liturgique qu’un "Kauan" ou un "Maaäet", mais son écoute vivante reste vaporeuse et intangible. TENHI est intouchable, car au royaume de la rêverie, il reste l’un des projets, si ce n’est LE projet, qui structure le mieux toutes nos veillées introspectives.