Après plus de trente années de service au sein de OOMPH!, Dero Goi a décidé de quitter le groupe. Ce qui allait forcément être un coup dur pour la formation allemande, qui allait être ébranlée sur ses fondations. Mais si les musiciens ont tremblé, vacillé, ils ne se sont pas écroulés pour autant et en juin 2023, Crap et Flux ont présenté leur nouveau chanteur : Der Schulz, frontman du groupe UNZUCHT et un nouvel album, "Richter Und Henker", voit le jour en septembre de la même année, marquant officiellement les débuts de ce OOMPH! Mark II. La pochette semble être un mélange entre celle de "Ritual" et de "Warheit Oder Pflicht" avec un côté animalier en plus. Et une guillotine ayant visiblement servie au fond (de quoi conquérir le public français !).

Seulement voilà, OOMPH! va faire illusion le temps... d’un couplet. Autant dire que sur les 55 minutes de cet album, cela ne représente pas grand-chose. Dès que le groupe embraye sur le refrain de "Wem Die Stunde Schlägt", c’est la débandade. Sans prétendre que Dero Goi était l’équivalent de Bruce Dickinson ou Rob Halford, il possède une capacité à varier son chant, pouvant être très agressif, mélodique, voire crooner à ses moments perdus, il apportait un plus, une emphase qui a quasiment disparu ici. Parce que le refrain est d’un classicisme pour OOMPH! qui aurait dû être réconfortant pour les fans, des refrains comme ils en ont pondu à la pelle durant leur carrière, et qui se trouve être très poussif ici.

Et à partir de là, c’est parti pour une farandole de titres plus ou moins mollassons, aux guitares parfois plus tranchantes mais sans pour autant avoir retrouvé tout leur tranchant, une batterie maladivement peu inventive (c’était Goi qui la tenait auparavant sur disque et il mixait ses différentes influences pour ne pas être simplement martial). L’aspect Électro est bien présent, c’est peut-être finalement le seul point rassurant même si là encore la formation se contente d’un pilotage automatique un peu crispant. On se souvient du retour à une certaine forme d’agressivité sur "Ritual", "Richter Und Henker" se veut bien plus policé et, disons-le crânement, parfaitement inoffensif.

La faute à cela n’incombe pas qu’à Der Schulz. Les deux rescapés d’origine sont complètement en pilotage automatique et semblent avoir fait cet album comme on se torche le cul : machinalement, parce que c’est ce qu’il faut faire. Ils ne tentent pas de sortir des sentiers battus, d’essayer d’autres choses, de prendre des risques. Quitte à ce que Dero se soit cassé, autant apporter des idées qu’il aurait refusées ou qui ne lui seraient pas passées par l’esprit. Mais non. Nous sommes dans la lignée du OOMPH! un peu Pop, à la "Glaubeliebetod", avec toujours quelques éclairs plus Metalliques, mais sans parvenir à pondre une mélodie aussi entêtante que pouvait l’être celle de "Gott Ist Ein Popstar" qui, dans le domaine, reste référentielle.

Non. Au lieu de cela, Crap et Flux se contentent de faire ce que OOMPH! fait depuis quelques années, depuis Monster pour faire court, à savoir tenter de retrouver la superbe de "Warheit Oder Pflicht" et "Glaubeliebetod", mais cette fois-ci sans même chercher à y arriver (car chaque disque contenait son lot de bonnes choses. Ici…). Certes, le groupe est généreux, douze pistes, cinquante cinq minutes, c’est sympa, mais c’est un peu trop long dans ce cas, trop copieux, pour ne pas réussir à vraiment se souvenir exactement ce que l’on a pu écouter, sans pouvoir citer un titre qui nous a réellement marqué (ok, j’exagère : si on s’attarde un peu sur "Nur Ein Mensch", on pourrait presque se laisser surprendre par ce riff tellement RAMMSTEIN dans l’esprit que c’en est presque drôle).

Puis bon, Der Schulz, c’est un peu le même ton monocorde, le mec qui va un peu pousser sa voix par moments, mais qui ne parvient pas forcément à faire ressortir l’agressivité dont certains morceaux auraient besoin. Là encore le pauvre se tape la comparaison avec Dero Goi, qui forcément a été une empreinte vocale pour le groupe, en plus de trente ans, les deux frontmen ne devraient pas être comparés tant ils n’ont rien à voir entre eux, mais c’est malheureusement inévitable. Der Schulz fait le job, mais il n’apporte pas grand-chose finalement à l’ensemble.

On notera également ce featuring étrange de Joachim Witt sur "Wut". Alors pour ceux qui ne le connaissent pas, il s’agit d’un vétéran de la scène Rock allemande, ayant commencé dans les années 70, acteur à ses heures perdues. Du haut de ses 76 ans, il est l’un des parrains de la Neue Deustche Härte, officiant en solo et dans des styles s’inspirant de l’Electro depuis le début des années 80. On l’a entendu dernièrement dans le projet MONO INC en compagnie de Tilo Wolff (LACRIMOSA) et Chris Harms (LORD OF THE LOST). Et là… Ben il ne se passe rien de franchement excitant. Cela s’inscrit dans la logique et la dynamique de l’album que l’intérêt s’effiloche rapidement, le morceau étant encore une fois quelconque.

Voilà le drame de cet album : il est quelconque. Vous pouvez avancer que je suis de parti-pris, je m’en tamponne l’oignon. J’ai essayé d’imaginer certains titres avec le style de Dero Goi, ce n’est pas excellent non plus, ça aurait peut-être eu une étoile de plus, mais cela serait resté relativement médiocre. Et c’est surtout cette médiocrité orchestrée par Crap et Flux qui est condamnée ici, alors qu’ils tiennent en grande partie le style OOMPH! depuis sa création. Je parlais de papier toilette plus haut, ils vont devoir sacrément se sortir les doigts du cul pour leur prochain album, parce que Dero Goi, lui, ne s’est pas laissé aller à la facilité avec son essai solo "1984" et que lui, il a réussi son pari. Et que, forcément, ça donne du poids à son départ.