Voilà un beau coup de maître ou un album de première classe qui hume la marque de fabrique typiquement suédoise de ces années-là. Il avait tout d’un grand ce "Lay Eden In Ashes". À bien l’écouter et de plus près, cette unique sortie de ce groupe éphémère me rappelle l’autre chef d’œuvre bien plus reconnu depuis lors qu’a été le "Welcome My Last Chapter" de VINTERLAND. Mais cette comparaison ne vaut que pour l’anonymat relatif certes que ces deux groupes ont reçu malgré les fulgurances géniales qu’ils nous ont assénées. Dans le cas de SARGOTH, sa nécessaire renommée ou du moins sa réhabilitation n’ont pas encore véritablement abouti. Et quel dommage de ne pas porter cette œuvre importante davantage encore, elle le mérite tant.

Peut-être que les dés sont jetés d’ailleurs. Les générations se succédant avec leurs références respectives, leurs histoires singulières et leurs autres rapports à la musique, le flot des nouveautés aidant, il est somme toute difficile de trouver de nouveaux archéologues si ce n’est des quadras ou des quinquas particulièrement nostalgiques de ces années dorées qui, sans doute, sont en partie uniquement les leurs. Quoiqu’il en soit réanimer cet album ou le déterrer est un devoir pour tous adorateurs du Black Metal qui plus est suédois des années 90. Plonger dans sa demi-heure savoureuse sera donc un beau cadeau que vous vous ferez.

D’ailleurs le label français Impure Wedding Productions qui s’est démarqué pour sa propension à nous ressortir quelques perles en format tape (le format du début du Black Metal qui a fait circuler cette musique infernale aux quatre coins de la planète avec de multiples échanges) – notamment en commençant cette histoire en rééditant sous ce format tous les albums de DJEVEL - a ressorti cet album il y a quelques années avec d’autres pépites des labels d’Invasion records et de Black Diamond Productions. Cela n’a l’air de rien, mais quel honneur pour SARGOTH ! Enfin un peu plus de lumière après des décennies tapies dans l’ombre.

Pour en revenir à ce qui vous intéresse le plus, imaginez un SACRAMENTUM qui aurait croisé un DARK FUNERAL (époque "The Secrets Of The Black Arts") ou un SETHERIAL (période "Nord…") et vous ne serez pas très loin d’examiner de manière exacte "Lay Eden In Ashes". Confraternel d’un MÖRK GRYNING ou d’un THRONE OF AHAZ, SARGOTH s’en détache cependant par une attitude plus belliqueuse des riffs et une propension à nous dresser un mur sonore bien givré sur toute sa hauteur. Implacables et dominatrices les guitares nous ensorcellent, bien aidées par les incantations vocales de Fredrik Sundin. Les processions des riffs ont cette superbe qui nous glace instantanément, les trémolos sont d’une efficacité remarquable, les rythmes restent énergiques et déploient une mitraille efficace quoiqu’attendue.

Certains titres sortent davantage du lot, je pense au très prenant "Evil Dawn", à l’enivrant "Mot Ovigd Jord Skolen De Vandra" ou au passionnant titre éponyme qui nous envoient avec furia leur sommités haineuses dans un bain mélodique intéressant. Appuyés par quelques notes plus atmosphériques, ces titres développent des motifs sonores plus entêtants et que l’on remarque davantage. Si je dois rajouter un bémol, j’indiquerai que l’album peut souffrir de sa propre homogénéité et que les influences évidentes du "Secrets Of The Black Arts" de DARK FUNERAL pourraient encourager certains à reporter leur attention principale sur la bande à Lord Ahriman. À ce petit jeu-là, SARGOTH ne peut se voir attribuer la note maximale mais ne démérite pas. Un bel oublié, que dis-je un grand oublié surtout que ce "Lay Eden In Ashes".