Au moment où nous écrivons ces lignes, la cagnotte en ligne lancée par CRYSTAL THRONE afin de financer son deuxième album frise les 20 000 euros. Une sacrée reconnaissance pour ce groupe à l'origine un peu potache, formé par le Youtubeur et guitariste Max Yme (ici Max Waynn), ancien membre de DRENALIZE, qui adopte sur les réseaux un ton volontairement provocateur et revanchard, et dont les raccourcis maladroits et tentatives évidentes de "faire le buzz" ne l'empêchent pas de frapper souvent juste. Ce premier album sans titre du projet CRYSTAL THRONE a la particularité d'avoir été composé en grande partie en live sur YouTube, par le dit Max et son camarade chanteur Terry Defire (ex-HORACLE). Le cahier des charges est somme toute simple, rendre hommage au Heavy Metal traditionnel avec des compositions rappelant une époque précédant la scission du genre en deux styles distincts, le Heavy/Power d'un côté, et le Speed de l'autre. Si le groupe peut faire sourire en s'attribuant l'étiquette New Wave Of French Heavy Metal, il y a derrière la musique du groupe un vrai talent, parfois masqué derrière des choix d'arrangement et d'interprétation douteux.

Avec un line-up complété par le batteur Alex Gricar et le bassiste Jefferson Brand, CRYSTAL THRONE propose ainsi un Heavy Metal résolument nostalgique, qui va chercher du côté des grands noms de la tradition, et peut notamment évoquer QUEENSRŸCHE par le timbre de Terry Defire, qui n'est pas si loin de celui de Geoff Tate. Le chant est d'ailleurs un premier point d'achoppement, puisque s'il tente d'émuler le côté artisanal et juvénile du Heavy des années 80, il manque cruellement de nuances et se fait même parfois faux. Voici qui tranche avec des compositions par ailleurs plutôt bien ficelées et dotées d'une production claire et puissante qui n'a résolument rien de passéiste. Pouvant rappeler un Bruce Dickinson fatigué sur "Crystal Warrior" ou le Tobias Sammet criard des débuts d'EDGUY ("Shades Of Exystence"), le chanteur n'est en plus guère épaulé par des chœurs souvent à côté de la plaque ("Foreshadowed Sands") voire ridicules ("Valkyrie Ride").

Il y a des bonnes idées, notamment dans ce côté intransigeant qui voit CRYSTAL THRONE proposer un Heavy sans fioritures, combinant ce qu'il faut d'agressivité et de mélodie pour frapper les esprits. "Mechanical Tyranny", par exemple, combine le meilleur des deux mondes et nous balance ce qui est sans doute le meilleur refrain de l'album, et s'impose presque sans forcer comme la plus grande réussite de cette sortie inaugurale. Et puis, allant chercher dans des influences tour à tour Prog' ou Néo-Classiques (voire plus extrêmes comme ces growls sur "Valkyrie Ride"), le groupe parvient à s'élever pour balancer des constructions audacieuses qui servent de socle solide, permettant à la guitare bavarde de Max Yme de s'exprimer avec dextérité, audace et virtuosité. C'est bien le musicien qui tire ici son épingle du jeu, même si ses solos se font parfois trop "propres" et génériques, sans saveur réelle et n'apportant aucune richesse supplémentaire aux morceaux qu'ils habillent. Le genre de morceaux qui se font un peu "peine-à-jouir" sur album, qui plus est affadis par un mixage qui, à trop gommer les aspérités, donne un côté un peu trop lisse à l'ensemble. Il ne fait guère de doute en revanche que, sur scène, la musique des Français doit bénéficier d'une dimension supplémentaire.

Finalement, ce premier album de CRYSTAL THRONE se fait plus intéressant par la documentation de sa tambouille interne (les processus de composition et de mixage ayant été largement présentés sur YouTube) que par le résultat, qui génère un enthousiasme modéré plus qu'un engouement inconditionnel. Si musicalement le talent est au rendez-vous, que le son est de qualité, l'interprétation vocale assez bancale et un côté un peu fourre-tout ne nous permettent pas de rentrer pleinement dans ce premier album prometteur plus que témoignage d'un groupe ayant mûri son art.