Ça y est, je n’ai officiellement plus assez de doigts pour dénombrer les albums de KORPI. Malgré le bien terne "Kulkija", fêtant tristement le passage à la dizaine d’albums, les Finlandais ne se sont pas laissés abattre, en publiant un split avec POWERWOLF, et pas moins de QUATORZE collaborations avec divers artistes de la scène, reprenant l’hymne "Beer Beer". Et une nouveauté en l’entité de "Jägermeister". C’est bon les gars, j’ai la famille complète "Alcools forts", j’ai gôgné !

Bref, il était temps de repasser de façon studieuse derrière les instruments et les platines, cette cure de jouvence à base de liquides fermentés ayant été plus que bénéfique pour le sextet. Comme quoi et pour les citer mot pour mot : "Drinking is good for you!". De fait, KORPIKLAANI s’est plus que risqué à s'expérimenter (à défaut de s’être réellement challengé) vers du Folk allant du plus extrême (sur "Karkelo"), au plus ronflant (sur "Kulkija" donc), en passant par le plus dansant (sur "Noita"), et n’ayant plus rien à se prouver, le combo arrive pépère avec "Jylhä" (traduisez "robuste", habile auto-flatterie) pour une heure pile poil d’un patchwork décomplexé de Folk qui ne révolutionnera pas le genre… mais ne lui fera pas de mal non plus.

Je passe sur l’artwork représentant leur sempiternel chaman-clochard qui a revêtu sa plus belle peau de bête pour manifestement mieux vous poignarder dans une ruelle sombre, et me concentre donc sur le généreux contenu de la galette qui ne fera pas consensus tant cette dernière ratisse large afin que chacun y trouve son compte. Débutant par un "Verikoira" dans une veine néo-KORPIKLAANIenne tout ce qu’il y a de plus classique (c’est-à-dire des titres plutôt longs et en plusieurs actes déconstruits type intro instrumentale/refrain/speed/break acoustique/solo chiant/outro reprenant le refrain), l’album s’oriente vers des aspects plus audacieux comme ce "Leväluhta" Reggae, ce "Pidot" Country, des "Kiuru" et "Miero" plus Heavy, ou un "Niemi" bien plus Speed. La surabondance des styles ne permettra pas de les approfondir réellement, sans que l’expérience n’en soit totalement désagréable.

Non, là ou KORPI "excelle", ou tout du moins s’épanouit, c’est dans des titres succincts et catchy, à l’instar des dansants "Mylly", "Pohja" singeant "Sahti" de "Noita", "Huolettomat" sorte de "Ievan Polkka" version 2, et surtout "Sanaton Maa", single parmi les singles du groupe, avec sa mélodie inratable qui fera forcément mouche. Le dualité d’Olli Vänskä et de Sami Perttula, respectivement au violon et à l’accordéon, n’est pas étrangère à ces quelques instants de grâce, ces derniers gratifiant la galette de superbes soli et accompagnements tout du long.

Derrière le micro, Jonne s’adonne à quelques frasques vocales coutumières, mais sans en abuser, évitant les transes délirantes et gênantes auxquelles il nous avait habitués de longue date. Comme ses compatriotes, le gaillard aux dreadlocks semble s’être assagi et évolue au beau milieu d’un sentier battu, au gré de ses (leurs) envie(s), sans pression ni enjeu, ce qui semble être le sel de la quasi-réussite de cet onzième opus. Oui, ne sabrons pas le champagne avant d’avoir tué la peau de l’ours, la plupart de la treizaine des titres non cités précédemment remplissant sans grand panache le tour du cadran, que le conclusif et poussif "Juuret" pourrait incarner à lui seul, malgré un final flamboyant.

L’enjeu de noter un album des KORPIs est de le jauger à la fois au regard de leur disco qui représente un échantillon désormais suffisamment représentatif pour le classer objectivement en son sein, et le reste du Folk Metal-game, souvent avec un coup d’avance sur eux (ALESTORM, FINNTROLL, TURISAS, etc.). Pour conclure, en 2021, "Jylhä" se situe dans la mêlée : clairement pas mauvais, parfois bon, indiscutablement au-dessous de "Noita", mais à des années lumières de "Kulkija". KORPIKLAANI poursuit joyeusement sa vie, ne se soucie manifestement pas vraiment de l’avenir et encore moins du passé, et c’est cette ingénuité doublée d’un flegme qui les rend attachants. Et "Jylhä" en est l’expression inconditionnelle.

Morceaux préférés : "Sanaton Maa", "Mylly", "Niemi".