S’il y a un groupe qui incarne à lui seul la bamboche, c’est bien KORPIKLAANI. Ou TROLLFEST. Ou ALESTORM. Ou FINNTROLL. Ou LAGERSTEIN. Bref, KORPIKLAANI est un groupe à la bonne humeur communicative sous fond de décapsulage de votre meilleure cervoise du rayon du bas avec le packaging qui fait peur, et il était presque logique qu’un Live officiel sorte après neuf albums (déjà). Et nous sommes plus que servis, telle la mousse qui déborde de partout par le biais d’une mauvaise appréciation du débit de versage, car nous avons le droit à une double prestation aux Masters Of Rock de République Tchèque en 2016 et 2014, si l’on suit la chronologie des galettes, sous le format d’un double CD plus un blu-ray. La manœuvre est plutôt habile pour poursuivre la promotion de ce qui était leur dernier album en date, à savoir "Noita" sorti l’année précédente, l’écart entre les deux sets étant plus que notable.

En effet, "Noita" était un bon album. Sur une échelle KORPIKLAANIenne, mais tout de même, c’est à souligner. Afin d’objectiver ce constat et dans une démarche purement arithmétique, voici la répartition par album des dix-huit titres (hormis l’inaugural "Tanhuvaara" en commun), permettant de se rendre compte de l’évolution de la setlist. Oui, je n’ai que ça à faire, ça vous pose un problème ?
Album 2016 vs. 2014
Spirit Of The Forest 1 vs. 2
Voice Of Wilderness 2 vs. 0
Tales Along This Road 0 vs. 1
Tervaskanto 1 vs. 0
Korven Kuningas 2 vs. 2
Karkelo 3 vs. 4
Ukon Wacka 1 vs. 2
Manala 2 vs. 7
Noita 6 vs. 0 (logique, vous l’aurez compris)

Ainsi, le Live de 2016 pioche allègrement dans "Noita", truffé de titres catchy et dimensionnés pour le public en présentiel, se permettant ainsi de répartir la charge sur la totalité de leur discographie. En 2014 en revanche, le choix était bien plus cornélien, plus d’un tiers du set étant concerné sur le banal "Manala", et deux albums se voyant totalement laissés dans les cartons.

Côté dynamique, il n’y a pas photo : ça attaque fort en 2016 (*) avec un enchaînement redoutable des premiers morceaux à 110% des capacités des joyeux lurons (ce qu’ils paieront par la suite), jusqu’à "Lempo" - au passage un des loupés de "Noita" - où Jonne chevrote sur son baryton le plus mal interprété, ce qui semble désarçonner la troupe, plus du tout en rythme… Et bordel quelqu’un peut dire à Jarkko que le bruit vrombissant de sa basse (car il s’agit bien de cela) est insupportable ? Le backliner était aussi de dégustation de Jägermeister dans les loges ? Bon an mal an, le tir sera vite redressé, et ce Live de 2016 alternera plutôt habilement de hits fédérateurs ("Pilli On Pajusta Tehty", "Sahti", "Vodka", etc.) et de moments plus calmes ("Kipumylly", "Ämmänhauta"), où Jonne pourra s’adonner à sa transe chamanique de Wish habituelle. Le dispensable dans l’absolu mais pourtant obligatoire "Rauta" sera de sortie et nous aurons même le droit à un titre de Thrash Metal, introduit comme tel par le frontman. Que nenni of course, "Kylästä Keväinen Kehto" n’étant rien d’autre que du Folk un tantinet énervé, que je m'abstiens de qualifier de Thrash avec un "h" en moins. Cessons les moqueries, cette première prestation est de qualité, et défile toute seule, au point où l’on redemanderait presque malgré l’épuisement audible de ce petit marathon en bout de course.

Difficile ainsi pour le Live de deux ans plus vieux de rivaliser, ce dernier cumulant les points noirs : Jonne a un chat dans la gorge comme disait ma défunte aïeule, la bande semble avoir davantage abusé de la bouteille avant de monter sur scène, résultant par des approximations de synchro des nombreux instruments, et la tracklist est plus que médiocre. Il faut attendre "Metsämies" et surtout "Petoeläimen Kuola" (le titre le plus puissant du Live) pour que l'œuf de leur Pisco monte en neige. Une sieste de sept titres plus tard et nous v’là-déjà-t’y pas à "Vodka" dans l’hilarité générale de la clique, annonçant joyeusement la fin du concert. Un petit caviar pour les nostalgiques du meme d’Internet avec la petite dame qui fait tourner sa ciboule à fond la caisse (**) nous est offert avec une reprise de la chanson populaire finlandaise "Ievan Polka"... Et merde revoilà "Rauta" et ses iske insupportables ! Zappons donc au triptyque final dont l’instrumental "Pellonpekko" assez osé pour un "rappel", ouvrant sur "Happy Little Boozer" pour finir en beauté. Ouf, dix-neuf titres, on est bon !

Parlons prestations désormais, et à ce niveau les deux Lives jouent à armes égales. Je ne remettrai nullement en cause l’affection du sextet pour le festival en question, mais qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, le public semble relativement peu enclin à sauter dans tous les sens dans une liesse populaire, ne réagissant que peu aux harangues de Jonne, annonçant presque scolairement chaque titre. En regardant les images, le groupe lui-même semble plutôt sage, debout en rang d’oignon et changeant ponctuellement de place pour mieux s’y remettre par la suite. La communication avec le public ne se résume qu’à des thank you appuyés, mais sans aucune pause amicale pour discuter ou échanger avec lui, ce qui me rend d’autant plus circonspect sur le constat d’avoir voulu produire deux Lives pour un même rendu… On s’en contentera. Pour rappel, il y a quand même deux heures vingt-quatre à se mettre dans le gosier, donc mollo sur le cul-sec.

2016 : 4/5.
2014 : 2/5.
Faites la moyenne.

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(*) Un regret d’entrée cependant : "Viinamäen Mies" est remplacée par son homologue anglaise "A Man With A Plan", la rendant au mieux insipide, au pire gênante.
(**) Je sais, Loituma Girl, calmez-vous les geekos.