Un premier album est un point dans l'espace, à partir duquel il est possible d'explorer, d'expérimenter, d'aller dans toutes les directions. Ajoutez un deuxième album, et voici que s'additionne un nouveau point. Entre les deux, une ligne. Si vous êtes musicien, vous voici désormais invité à suivre un chemin, dont les contours sont encore flous et ouverts. Un troisième album, et voici que les points forment un triangle. Votre univers est désormais plus ou moins figé, et l'intérieur de ce triangle constitue votre terrain de jeu. S'éloigner des contours du triangle, c'est maintenant prendre le risque de surprendre, de déstabiliser, de décevoir. Ainsi, plus les points constituant votre triangle sont éloignés les uns des autres, plus votre espace de liberté sera vaste. Ainsi, plus vos albums de jeunesse auront fait preuve de diversité, plus vous aurez de chance de pouvoir manœuvrer comme bon vous semble au cours de votre carrière.

KISSIN' DYNAMITE a peu ou prou suivi ce précepte. Au rythme d'un album tous les deux ans depuis le fondateur "Steel Of Swabia" en 2008 (notons un trou notable en 2020 pour d'évidentes raisons), le groupe allemand s'est créé un large espace au sein duquel les frères Braun et leurs camarades ont eu tout le loisir de pouvoir créer sans contraintes, portés par un talent précoce qui les a vu toucher aussi bien au Hard Rock, au Heavy, aux sonorités Électro, au Glam, à la Country, créant au fil des ans un corpus musical varié et bariolé.

Depuis quelques temps, KISSIN' DYNAMITE semble néanmoins très à l'aise dans les limites de son triangle. "Ecstasy", et plus encore "Not The End Of The Road", ont vu le groupe allemand américaniser sa musique et se lancer dans une sorte d'Arena Rock dont les chansons constituent un mélange intéressant entre collagène et testostérone. La formule semble la bonne, en tout cas si l'on s'en fie à la réaction du public, puisque les dernières réalisations du quintet ont laissé leur trace dans les charts, jusqu'à ce nouveau rejeton, "Back With A Bang", premier album du groupe à se hisser au sommet des classements de ventes en Allemagne.

Il faut dire qu'il y a ici de quoi s'enthousiasmer. KISSIN' DYNAMITE n'a pas changé grand-chose à son Hard Rock de stade, mais il a ajusté ses curseurs, soigné ses mélodies et ses ambiances, proposé un gros son grâce à son leader Hannes Braun, également performant derrière la console (on le retrouve par exemple à l'œuvre sur les derniers albums de BLACK RAIN), tant et si bien que ce nouvel album est l'enfant naturel de ses deux prédécesseurs. Le groupe allemand ne retravaille pas sa formule, mais il l'affine. Est-ce que le résultat apporte réellement quelque chose ? Il permet en tout cas d'enrichir le répertoire du groupe d'une douzaine de titres aux ambiances variées, lui permettant ainsi d'atteindre sereinement l'âge de raison.

L'écoute est un plaisir, intense malgré une durée limitée. Il y a une véritable saveur qui se dégage de cet album à la pochette cartoonesque, que l'on ressent lors des cinq/six premières écoutes, puis qui s'étiole, tout simplement parce que KISSIN' DYNAMITE se "contente" ici d'exécuter, alors qu'auparavant il nous donnait la sensation d'inventer. Il y a un positivisme forcé, beaucoup de lumière et une joie communicative sur ces morceaux aux airs de célébrations. Une célébration de la vie pour elle-même, à travers "The Best Is Yet To Come", titre Hard Rock très mélodique porté par un refrain punchy, dont les paroles sont du Jon Bon Jovi dans le texte, c'est à dire du sous-Springsteen et une tentative honorable bien que vide de sens de critique sociale. Le groupe a ici également décidé de célébrer sa carrière, suivant la mode de l'autocongratulation qui voit les artistes présenter comme un exploit le fait de continuer à exister dix, vingt ou cinquante ans après leurs débuts. "Raise Your Glass" est un titre Arena Rock pur jus dont les couplets adolescents sont fort heureusement complétés par un refrain autrement plus réussi, qui permet d'offrir un semblant d'intérêt à ce morceau. Ce titre nostalgique, exaltation de la camaraderie qui unit les musiciens, est tellement cliché qu'il en devient presque malaisant.

Il y a des paillettes partout, et pourtant c'est lorsque KISSIN' DYNAMITE se fait plus nuancé, moins foncièrement positif, que le groupe se fait aussi le plus intéressant, en atteste "My Monster" et ses arrangements imposants qui n'empêchent pas au refrain bombastic d'offrir une puissante montée en intensité à ce morceau à classer parmi les grandes réussites de l'album. Des réussites auxquelles nous pouvons ajouter "More Is More", un titre direct aux chœurs imposants, dont la simplicité est contrebalancée par quelques intéressants ajouts (une talk box notamment). En réalité, il n'y a rien d'autre ici que du savoir-faire, qui donne à des morceaux d'apparence plus convenus une véritable saveur ("The Devil Is A Woman" et ses intonations sudistes, "When The Lights Go Out" et son riff aux airs de tronçonneuse). Mais tout cela est assez éphémère et, passé un accueil enthousiaste, ce huitième album s'essouffle assez rapidement. Johannes Braun, pourtant s'impose ici comme un interprète de grand talent, et le groupe se fait carré et solide, ne sacrifiant aucun des codes permettant à l'album de s'inscrire dans une tradition Hard Rock 80s à laquelle il fait honneur. Dans une société où tout est jetable, le plaisir procuré par ce "Back With A Bang", bien que sincère, ne passe pas l'épreuve du temps, et là où le groupe se faisant intéressant pour lui-même sur certains albums passés ("Megalomania" notamment), il nous donne ici surtout envie d'écouter les AC/DC, BON JOVI et AEROSMITH dont il s'inspire. Si l'espace de jeu de KISSIN' DYNAMITE est désormais clairement défini, il nous semble malheureusement un peu étriqué.

2,5/5.