GRAND MAGUS a su se forger au fil des années une solide réputation de groupe de Heavy Metal fidèle à une doctrine traditionnelle. Cependant une certaine uniformité a fini par s’imposer au fil du temps, ce qui n’a en soit rien de particulièrement surprenant, c’est le lot commun de la majorité des musiciens. Il n’empêche que cette évolution peut susciter une certaine lassitude chez les auditeurs, c'est alors sans doute le moment idéal pour se replonger dans le passé du groupe, d’autant que ce dernier n’a cessé d’évoluer durant la première décennie de son existence.

S’il y a bien une œuvre de GRAND MAGUS qui tend à sombrer dans les abîmes de l’oubli, c’est ce premier album éponyme (oui, j’utilise cette expression même si elle n’est pas correcte selon les gardiens du temple de la langue française). Ce dernier, rétrospectivement, peine à trouver sa place dans la discographie du groupe. Quelque part, cela permet à GRAND MAGUS de pouvoir être comparé à des grands anciens comme SCORPIONS, même si ici le fossé entre le premier album est les suivants n’est tout de même pas aussi grand. Mais il existe, et certains auront peut-être du mal à le franchir. On pourrait presque croire qu’il ne s’agit pas du même groupe.

Rappelons le contexte. GRAND MAGUS est avant tout la création de Janne « JB » Christofferson. La formation existe sous ce nom depuis 1999 mais elle semble être l’évolution du précédent groupe de JB, SMACK, dont je ne sais rien. Christofferson est un pur produit métallique fondu dans le creuset de Stockholm, tellement foisonnant à cette époque. Parfaitement intégré dans le milieu, notre mage côtoyait surtout les acteurs du Metal extrême suédois (et notamment du Death), ce qui l’amènera en toute logique à travailler avec Fred Estby, batteur de DISMEMBER, qui produira ce premier album et y jouera quelques notes de mellotron. En revanche, la section rythmique qui va compléter le power trio est avant tout issue du milieu du Rock/Stoner. On retrouve déjà à la basse Fox Skinner, qui restera toujours fidèle au groupe jusqu’à présent. Fort d’une première démo, le combo se fit repérer par Lee Dorian (CATHEDRAL) qui les signera sur son label Rise Above. Une collaboration qui peut nous renseigner sur la couleur musicale de ce premier album.

Le fait est que GRAND MAGUS n’a jamais sonné aussi Stoner qu’ici. Le genre avait le vent en poupe à cette époque. JB avait cependant un parcours de metalleux des plus conventionnels : ces grands frères l’ont éduqué dès son plus jeune âge avec les grands classiques des 70s, lui-même à plonger de plus belle dans le chaudron du Heavy 80s, en écoutant les grands du genre mais aussi ses avatars les plus extrêmes comme VENOM et BATHORY. Mais au sortir des 90s c’est surtout ELECTRIC WIZARD ou ORANGE GOBLIN qui semble l’avoir particulièrement marqué. Certains avaient tendance à y voir une influence KYUSS, chose dont se défend totalement JB, indiquant qu’il n’écoutait pas ce groupe et que d’une manière générale la scène US ne l’influençait pas du tout. En effet, si cette première œuvre sonne clairement Stoner, c’est bel et bien l’influence anglaise qui est la plus perceptible. JB se réclamant à ce moment-là avant tout de BLACK SABBATH et notamment de sa facette la plus Bluesy.

Album parfaitement mis en boîte, son attrait principal reste avant tout le chant. C’est la grande force de GRAND MAGUS : cette signature vocale unique, rendant le groupe très vite identifiable. JB est une révélation vocale et c’est bien pour cela que SPIRITUAL BEGGARS le recrutera ce qui aboutira à un "On Fire" plus enjoué, paradoxalement moins Stoner mais plus entraînant et accrocheur que ce premier GRAND MAGUS. Notons que si parfois JB peut faire penser à Coverdale dans ses instants les plus Bluesy et calme ("Black Hole"), il n'est comparable qu'à lui-même le reste du temps, notamment lorsqu'il aborde des registres plus agressifs ou recherchant un certain lyrisme encore balbutiant ("Mountain Of Power"). Cette identité vocale bien affirmée compense le manque d’originalité des riffs.

Un titre comme "Black Hound Of Vengeance" peut rappeler dans son riffing l’écriture de Tony Iommi à l’époque de "Master Of Reality", mais l’aspect Doom et inquiétant des Anglais n’est pas de mise chez les Suédois. En revanche, au niveau des textes nous retrouvons déjà ces thématiques pré-chrétiennes chères au groupe et un certain goût pour des propos épiques. "Lodbrok" en est d’ailleurs la plus belle illustration, titre qui est sans doute celui qui se rapproche le plus de ce que deviendra GRAND MAGUS quelques années plus tard.

Si vous aimez le Stoner, le Hard Rock lent et Bluesy, alors ce "Grand Magus" devrait certainement vous plaire, et vous pourrez peut-être ignorer totalement le reste de la disco des Suédois, ces derniers mettront très vite de côté ce style pour évoluer d’abord vers le Doom avant de se rappeler que finalement il n’y a rien de mieux que le Heavy.

Un bon album, mais qui manque cependant d’un morceau réellement porteur, d’un classique le rendant indispensable. Intéressant cependant, rien que pour constater l’évolution du groupe. À titre personnel, je dois bien admettre que le Stoner n’est pas vraiment mon genre favori et de fait cet album n’est à mon sens pas leur plus passionnant. Je lui accorde cependant trois étoiles tout ce qu'il y a de plus neutre.