La situation pour DOOL n’était pas enviable. Le groupe Batave avait sorti avec "Summerland" un disque solide, mais confinement oblige, il n’a pu le défendre sur scène, qui reste son terrain de jeu de prédilection. Aussi, quand la formation s’est vue la possibilité de jouer à l’église Arminius de Rotterdam, elle ne s’est pas fait prier deux fois et a investi les lieux. Non seulement DOOL jouait à domicile, mais il le faisait avec un certain éclat en jouant dans un lieu qui appelle plus au recueillement qu’à la débauche Rock. Et se fut aussi un déchirement car ce fut également le dernier show en compagnie du batteur Micha Haring.

Comme le nom de ce live l’indique, l’accent est mis sur "Summerland". Une façon de lui rendre hommage pour la tournée à laquelle l’album n’a eu droit. Sept morceaux en sont extraits (sur neuf possibles !), trois autres sont tirés de "Here Now Here Then" tandis que la reprise "Love Like Blood" est extraite de l’EP du même nom. On va dire que l’intro ne compte pas, cela laisse tout de même 72 minutes bien pleines, sans temps morts. Raven Van Dorst ne perd pas de temps en bavardage (comme à son habitude), tout est misé sur l’efficacité. Le public est présent, bien que peu expressif (la solennité de l’endroit y joue aussi), mais il marque son approbation dès qu’il est sollicité.

Certes, un disque live après deux opus studio, ce n’est pas forcément l’idéal pour jauger de façon satisfaisante les capacités d’un groupe. Il va lui manquer de la variété, tout va sembler trop compact, avec peu de variations de style. Ce qui est un peu le cas ici, donnant un aspect assez monolithique à l’ensemble. Il n’y a pas de grands écarts dans les sonorités, certes, mais "Visions Of Summerland" n’est pas anecdotique pour autant. Il est le premier témoignage de ce que vaut DOOL sur une scène. Et le résultat s’avère très satisfaisant, tant au niveau du son que de l’interprétation.

Parlons-en du son. D’une clarté exceptionnelle, certainement dû en partie à l’acoustique de l’endroit, DOOL ayant fait pas ou peu d’overdubs, offrant le témoignage live le plus fidèle possible de ce live. Les guitares dressent des murs de son dopés par les rythmiques, mais les mélodies doucereuses prennent place, elles distillent leur venin au travers la voix tout en maîtrise de Raven, qui livre une excellente prestation. On sent pourtant sa retenue, que le point de rupture pourrait être atteint mais qu’il ne l’est jamais. C’est peut-être un peu trop propre, mais le lieu n’est pas le plus propice aux débordements. En cela, tout se tient, tout est logique.

Les titres du premier album se fondent à merveille parmi ceux de "Summerland" et que dire de "Love Like Blood" qui semble avoir été écrit par le groupe tant ce morceau s’accorde parfaitement avec les autres. Le résultat sonne de façon plus dense, plus Heavy qu’en studio, certaines compositions se drapent d’une aura épique ("Be Your Sins", "Summerland"…), d’autres se font encore plus mystiques ("God Particle"). Le final composé d’"Oweynagat" et de "Dust & Shadow" en devient dantesque, ahurissant de feeling et de précision, si les deux termes sont compatibles !

Il ne faut pas voir dans ce disque un live comme un autre. Il possède une ambiance qui lui est particulière, qui lui est propre et à ce sens, il faudrait le rapprocher du "Requiem" de TRIPTYKON qui, bien qu’issu d’une démarche totalement différente, est également marqué par une solennité quasi religieuse. Pour les Suisses, c’était lié au thème, pour nos Hollandais, par le lieu qui a déteint sur les compositions. Mais cela n’empêche en rien les musiciens de livrer une excellente prestation, libérée des contraintes studio pour devenir très organique.

Bien entendu, "Visions Of Summerland" reste un instantané du groupe à ce moment M, avec deux albums à son actif et aucun inédit à proposer pour rendre la set-list plus variée ou plus attractive (et encore, ceux qui ont loupé l’EP auront le bonheur de découvrir la cover du "Love Like Blood" de KILLING JOKE). Et c’est au final bien cela que je regrette, ce manque de variété de la set-list, totalement dévouée à "Summerland" ou presque, faisant l’impasse sur des compositions tumultueuses de "Here Now Here Then" et n’offrant, en définitive, qu’une vision biaisée de DOOL, dont la force créative prend bien des chemins.

"Visions Of Summerland" est donc un aperçu live exceptionnel de DOOL, il n’est pas à considérer comme un enregistrement en public classique, l’énergie et l’interprétation ne sont pas les mêmes, mais le rendu est fort appréciable. Pour ceux qui ne connaissent pas, la découverte peut être intéressante, cela peut être considéré comme une introduction à leurs deux premiers albums, si proches et si éloignés à la fois. Mais encore une fois, DOOL ne fait rien comme les autres et c’est tant mieux, pourvu que ça dure.