Ceux qui connaissent la carrière d’ALDEBERT ou les lecteurs de Rock Hard ne seront pas surpris : l’artiste a sorti un disque de Hard Rock (résumons au terme le plus large, celui qui englobe tout et qui était celui qu’ALDEBERT et moi-même devions utiliser au collège avant qu’il ne soit supplanté par Metal et l’exclusion qu’il implique). Son cinquième volet des Enfantillages est donc réservé au genre qui nous réunit tous ici et le musicien a été malicieusement été renommé HELLDEBERT pour l’occasion, sorte de jumeau maléfique d’ALDEBERT. "Faux-Semblants" en moins trash si vous voulez.

Comme à son habitude, nous retrouvons une tripotée d’invités sur ce nouvel album. Si M ou Laura Laune sont des artistes qui auraient pu figurer sur un album antérieur à celui-ci, certains noms ont de quoi surprendre, voire impressionner : comment un chanteur français – pour enfants ! – a t'il pu s’adjoindre les services de Serj Tankian (SYSTEM OF A DOWN), Johan Hegg (AMON AMARTH) ainsi que Max et Igor Amadeus Cavalera (CAVALERA CONSPIRACY) ? À côté, Fetus (ULTRA VOMIT), Stéphane Buriez (LOUDBLAST), Mouss (MASS HYSTERIA) et Niko Jones (TAGADA JONES) et IGORRR font tellement « produits locaux » que leur présence semble naturelle. À noter qu’Amélie Nothomb, fan notoire de TOOL, participe également à la fête, ainsi que Yarol Poupaud au CV impressionnant.

Maintenant que le name-dropping est fait, dire ce que l’on pense de ce disque s’avère bien plus délicat. ALDEBERT va se frotter à différents styles, allant du Hard Rock le plus binaire ("Rock’N Roll") au Heavy Metal pur et dur ("Le Cartel Des Cartables"), en se frottant même à des incursions vers des sonorités plus Industrielles, voire flirtant carrément avec le Black Metal. Soit. On sent qu’il s’est fait plaisir à taper dans ce qu’il aime, en compagnie de musiciens (et autres) qu’il apprécie certainement beaucoup, comme s’il réalisait un rêve de gosse en quelque sorte. De fait, cela part dans tous les sens et pour de vieux briscards comme vous et moi, ce n’est pas forcément assez creusé ou cinglant pour nous satisfaire totalement.

Ne nions pas en revanche l’attention particulière que le chanteur porte à ses textes. Ce n’est pas du Chantal Goya, ni du Douchka. Comprenez que ça ne prend pas son auditoire pour plus bête qu’il ne l’est, il va tourner ses paroles pour différents âges et toucher des sujets de société qui peuvent parler aux gamins (en vrac, le harcèlement scolaire, l’état pitoyable de notre monde, l’égalité homme-femme ramenée aux enfants) et certaines chansons se transforment en espèces de sketchs ultra référencés qui peuvent larguer nos têtes blondes, mais parler aux nôtres, plus dégarnies, mais qui ont accumulé de l’expérience, voire de la sagesse pour les moins fous d’entre nous.

Et c’est là que se produit très certainement la bascule entre un intérêt poli et quelque chose qui tend plus vers la curiosité. Et si vous avez des enfants, c’est encore mieux. J’ai écouté l’album à plusieurs reprises avec les miens. Le plus jeune, deux ans, n’en a pas grand-chose à cirer, il était concentré sur un livre. L’aînée, en revanche, a été très studieuse, presque religieuse dans un premier temps, debout devant la chaîne, l’air pensive. Puis les questions ont commencé à pleuvoir, elle demandait de quoi parlaient les chansons, si je connaissais aussi Lemmy Kilmister (bon, à ma belle-mère, elle demandera un peu plus tard si elle aussi a fumé son testament. Je n’ai pas pu garder mon sérieux).

Certains morceaux ont particulièrement bien fonctionné avec elle : "La Marche Du Monde" l’a emporté avec ses inspirations orientales (et surtout avec les interventions de Tankian), "Super Momie" – forcément – ou encore "L’Apprentie Sorcière" et "Seum 51". Mais globalement, elle a beaucoup chanté, un peu dansé et surtout, elle a posé énormément de questions souvent intéressantes ; les paroles ont su la toucher ou lui faire analyser ce qu’elle vit dans son quotidien à sa manière (« tu sais papa, c’est pas toi qui est vieux, c’est maman parce qu’elle baisse toujours le son quand elle rentre »).

Aussi, cela donne l’occasion de reconsidérer l’album. Après tout, je ne suis pas vraiment le public cible d’ALDEBERT. Il se fait un kiffe, certes, mais il s’adresse avant tout aux enfants, avant de se tourner vers les parents avec des titres qui leur parleront plus ("La Princesse" par exemple. Toi aussi paye ta charge mentale). Et il ne faut pas multiplier les écoutes pour se rendre compte que tout le monde s’amuse beaucoup et prend du plaisir à participer à ce disque. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour imaginer Johan Hegg déguisé en Jack Sparrow au milieu d’un équipage formé de gosses ("Les Derniers Pirates" et son petit clin d’œil à Renaud). Enfin là, sur le papier, c’est abscons, mais bon !

Au final, j’étais intrigué par ce disque (je travaille dans une librairie et je suis spé BD/Jeunesse, du ALDEBERT, on m’en demande souvent et je commence à bien connaître ses albums, papiers ou musicaux) et j’en ressors ma foi assez satisfait. Je me retrouve dans les textes et la musique du "Cartel Des Cartables", j’apprécie le côté macabre de "Dr Terreur", les paroles de "L’Apprentie Sorcière"/"La Sorcière" (les deux sont indissociables), "La Marche Du Monde" fonctionne très bien et j’avoue avoir eu un petit coup de cœur pour "Guitar Hero", un morceau qui me permet d’apprécier M alors que je ne suis pas client du bonhomme ! Je ne réponds pas présent sur "Ça Vaut des Points" et sur "Les Derniers Pirates" et globalement cela reste à mes oreilles un exercice de style sans trop d’unité, où ALDEBERT papillonne à travers ce qu'il préfère dans le Metal.

3/5 parce qu’on y revient.

Seulement, ma fille m’a demandé si je pouvais dire ce qu’elle en pense. Alors comme je suis sympa, j’ai un peu traduit et je vous donne le texte un peu plus structuré : il y a des gens rigolos qui chantent sur "Super Momie" – qui est plus vieille que sa mamie, il convient de le préciser – et que parfois, elle se sent un peu triste en écoutant la musique et qu’elle a envie de pleurer. Et il y a des messieurs qui grondent très fort, mais c’est pour de faux, ils ne sont pas méchants. Puis on rit et on danse et on s’amuse beaucoup. Et elle fera écouter le disque à son petit frère quand il sera plus grand. (et là je vous fais grâce d’une divagation qui parle de la "Reine des Neiges" et de "Raiponce").

4,5/5 parce qu’elle a quatre ans et demi (elle insiste bien là-dessus).

Ce qui nous fait une moyenne de 3,75/5 et la possibilité d’accompagner son enfant à un concert d’ALDEBERT sans se faire de cheveux blancs supplémentaires.