Steve Stevens est un grand guitariste. Un de ceux dont on parle encore même si le style qui l’a fait connaitre est aujourd’hui passé de mode et que les années qui passent ont été cruelles (il a quand même doublé de volume l’ami). À l‘instar de son pote Lukather (il apparait et co-signe plusieurs titres sur le premier opus solo de Luke), il a une parfaite maîtrise de son instrument et une patte identifiable.
Pour autant cet album a-t-il sa place sur NIME ? Oui car il s’agit de Stevens et oui car l’ouverture d’esprit caractérise le style de musique(s) qu’on aime. Après c’est sûr que si vous cherchez de la guitare sur-saturée partout et des parties Pop Metal passez votre chemin. Ici on trouve même sur un morceau... Faudel ! Oui, vous avez bien lu !

Stevens a, en plus de son don pour des parties de guitares énergiques, toujours dit et répété être fan de Progressif des 70s. En particulier Steve Howe (la partie Flamenco sur la chanson" Innuendo" de QUEEN c’est lui, par exemple). Donc en plus de son côté électrique il a développé ses capacités vers d’autres styles (Page avait craqué sur les idées orientales, Blackmore sur le Classique/Médiéval, Luke le Jazz-Fusion etc.). Stevens lui s’est amouraché du Flamenco. Déjà sur son album solo ("Atomic Playboys"), il y a un titre qui sonne de cette manière ("Run Across Desert Sands") et le fabuleux album de Vince NEIL ("Exposed") est parsemé d’idées de ce style ("The Edge" par exemple).
Une fois la frénésie 80s passée, Stevens doit se réinventer et fort logiquement il va aller vers le style World et mettre ses compétences Flamenco à profit.

Attention si vous espérez un album de Flamenco traditionnel, style Paco De Lucia, attendez-vous à être déçu. Déjà Stevens joue au médiator (ce n’est clairement pas un détail) et il met des boucles et autres effets modernes, pour l’époque, un peu partout. L’année précédant cet album, Steve a joué un titre ("Pistolero") sur "Shango" de JUNO REACTOR qui donne dans la New Age, Trance. Si vous aimez RODRIGO Y GABRIELA et que vous trouvez que c’est sympa mais mélodiquement un peu pauvre cet album est pour vous. À l’aide de ses Godin Multiac, Stevens se fait orchestral et outre la guitare, les synthés (aussi joués par Steve) sont fondamentaux dans sa musique. Ce disque est aussi hybride sur la forme. On a en majorité des titres instrumentaux mais pas que : "Our Man In Istanbul", "Velvet Cage" et "Riviera" sont avec la chanteuse d’origine iranienne Azam Ali et "Hanina" est chanté par Faudel. On a aussi droit à un titre live, le magnifique "Dementia". Ce morceau, qui au fil des années se modifie et mute au gré des envies de Steve a ici sa forme première et est lié à une époque où Stevens accompagnait le Japonais Hyosuke Himoko.
Flamenco donc mais sous diverses formes. D’entrée de jeu on a le titre éponyme qui fait très Latin Pop 90s où Steve joue de tout. Un peu Ricky Martin le début mais très vite la guitare s’impose et on se régale. On parlait plus haut de son morceau avec JUNO REACTOR ; le titre" Feminova" y fait référence pour le côté Electronica, tout en ayant un aspect cinématographique (je trouve une ambiance un peu James Bond).

Les balades sont au nombre de deux et sont superbes : "Cinecitta" et "Riviera’68". Le second titre d’ailleurs navigue avec aisance entre traits Rock et Flamenco, le tout avec un léger goût Steve Vai période "Fire Garden" (dans l’idée des sons de sitar). La voix évanescente d’Azam Ali et la batterie de Colaiuta contribuent à enrichir le titre. En parlant d’Ali sa voix toujours utilisée comme un instrument, une nappe, fait que le détour par l’Orient, permet d’alterner les climats et les dynamiques (magnifique "Our Man In Istanbul"). Toujours avec elle, entre Jazz et ambiance propice à l’introspection nous avons "Velvet Cage". L’orchestration classique est faite avec talent et retenue. "Letter To A Memory" co-écrite avec Howard Jones, chanteur et compositeur New Wave anglaise 80s rappelle encore beaucoup les musiques de film de cette année (surtout la guitare électrique très James Bond une fois de plus).
Comment ne pas parler du titre "Hanina " ? Oui c’est bien Faudel qui chante dessus. Verdict ? Étonnamment (dire que je suis parti avec un a priori négatif serait en-dessous de la vérité), il s’en sort bien et le côté andalou (évidement) du Flamenco est ici fort à propos.

En résumé cet album est une réussite et Stevens un guitariste de tout premier plan. Ils sont rares les musiciens qui peuvent se fondre dans des styles radicalement opposés tout en conservant leur identité. Steve fait partie de ceux-là. En plus il a su, dans le contexte de l’époque où le Rock 80s était has-been, rebondir et se réinventer ; c’est la marque des plus grands. Un grand album (même le titre bonus jazzy est génial), d’un musicien immense !

Morceaux préférés : "Flamenco A Go-Go", "Our Man In Istanbul", "Dementia", "Velvet Cage", "Cinecitta", "Riviera’68" et "Jazz... An Evil Power"