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BLACK METAL  |  STUDIO

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MAYHEM - Daemon (2019)
Par PERE FRANSOUA le 27 Décembre 2019          Consultée 6718 fois

On le voit venir gros comme une maison, ou plutôt gros comme une cathédrale en pierre comme celle de Nidaros, trop grosse pour être incendiée facilement, qu’après avoir avoir tourné comme des porcs, je dirais même comme des têtes de porcs coupées plantées sur des piques, intensément quoi, pendant plus de deux ans à jouer inlassablement "De Mysteriis Dom Sathanas" en entier, que le nouvel album écrit sur la route, comme souvent dans la profession, allait sentir bon le retour aux sources et la grosse influence.

Et bien c’est plus que vrai, sur "Daemon" (prononcez da-i-monne en latin dans le texte) il y a du riffing, de l’ambiance et de la sonorisation comme sur "De Mysteriis..", difficile de nier l’évidence. On a cette même impression d’urgence endiablée, le disque fonce presque tout le temps. Les guitares sont moins punchy et cradingues qu’avant pour tenter de retrouver cette espèce de brume tourbillonnante d’où s’extirpent des airs hantés. La batterie recherche elle aussi une sonorisation similaire et va jusqu’à singer ses propres gimmicks de l’époque (comme les descentes de toms très réverbérées). On sait Hellhammer capable de marteler de bien des façons, avec MAYHEM il a fait le tour du cadran, de la mitraillette métronomique aux labyrinthes tortueux, pour retomber sur son propre style et sa propre sonorisation d’il y a vingt-cinq ans.
Teloch, que l’on pouvait déjà soupçonner d’être un excellent copieur pas toujours si discret, confirme ici sa capacité désarmante à repomper le style des autres, à la fois Euronymous comme l’on pourrait s’en douter mais pas que. Si vous voulez directement voir à quoi je fais allusion rendez-vous au paragraphe treize.
Les blâmes ou les louanges ne seront pas que pour Teloch car cette fois-ci l’autre nouveau guitariste, le musclé Ghul a composé plusieurs pièces et pas des moindres (notamment "Bad Blood" est son solo).

Même s’il s’en inspire beaucoup, même s’il nous submerge avec une intensité constante, "Daemon" n’est pas non plus un "De Mysteriis Dom Sathanas part II". D’abord parce qu’il conserve des bons morceaux des autres périodes du groupe, et ensuite parce que, ben... Parce que ce n’est pas évident de réécrire des titres aussi mythiques que ceux laborieusement confectionnés par Euronymous pendant des années.
Depuis 1993 (date de la fin de l’enregistrement houleux de "De Mysteriis..") le Black Metal s’est quelque peu enrichi de millions de groupes, le catalogue des comparaisons est vaste, et s’il est dur d’être original il l’est encore plus d’être créatif et catchy dans la veine la plus pure, en conséquence de quoi les riffs de "Daemon" plutôt que de nous faire penser exclusivement à ceux d’Euronymous feront apparaître d’autres gros noms dans nos cerveaux, du genre DARK FUNERAL ou MARDUK.

Alors concrètement, il a quoi dans le ventre ce démon ? Et bien c’est d’abord une très grosse dose d’intensité et de vélocité soutenue tout du long, chose qui n’était pas arrivée depuis "Chimera", dix titres pour cinquante minutes (en comptant les deux bonus), avec pas mal de variété et d’assez nombreux moments forts, c’est direct et accessible (chose qui n’était pas arrivé depuis encore plus longtemps), ce qui fait qu’au final c’est une belle offrande, chargée mais sans remplissage, bien équilibrée, les démons et démones que nous sommes en ont pour notre argent. Une vraie démon-stration de force.

Bien équilibrés et bien variés sont aussi les titres en eux-mêmes, les tourbillons endiablés à la Euronymous cohabitent avec des restes plus rythmiques à la Blasphemer, ça ralentit sur du break où la basse de Necrobutcher reprend ses droits, Attila y étale son large spectre.

Tout commence sans prélude, de façon tonitruante sur un "False Dying King" totalement satisfaisant, riff hanté entêtant, break pesant parfait pour permettre un rebondissement, chant clair emphatique de prêtre maléfique sur la fin. Et ça continue sans temps mort ni faible.
En cinq petites minutes "Malum" coche toutes les cases du kif, invoque toutes les facettes. Il commence comme "Freezing Moon" avec un arpège lugubre, débouche sur un riff costaud et vieux jeu qu’on croirait échappé de "Deathcrush", un break lent avec cloches d’église en deuxième partie, chant clair perturbé de religieux pervers, avec en prime des paroles en latin (écrites par Hellhammer).
Après un très bon "Falsified And Hatred" (sur lequel je vais revenir dans peu de lignes), l’accalmie attendue et bienvenue ne dure pas et "Aeon Daemonium" ne fera que monter en intensité, parfait tremplin pour un "Worthless Abominations Destroyed", point d’orgue du disque, compact et sans pitié, une bourrasque de trois minutes quarante-huit secondes possédées par le démon. Les montagnes russes s’égraineront jusqu’à la fin entre deux mid-tempi plus ambiancés et l’agression totale de "Of Worms And Ruins".

Arrêtons-nous justement un instant sur ce titre pénultième. Composé par Ghul, proposé comme single avec lyrics vidéo comme c’est la mode, "Of Worms And Ruins" est une pure attaque de Black Metal guerrier, plutôt accrocheur avec une structure couplet-refrain classique mais efficace. C’est réussi, c’est sûr, mais il me paraît difficile de ne pas y voir une énoooorme influence, présumée inconsciente, de MARDUK, à tous niveaux, air déjà-entendu avec des riffs typiques de Morgan, batterie à fond, jusqu’à la manière qu’a Attila de poser ses vocaux.
On ne savait pas de quoi Ghul était capable, on le découvre compétent pour composer un brûlot brutal, on le déclare coupable de copier des copains.

Mais il y a une autre influence qui sévit sur "Daemon", c’est même plus qu’une influence c’est une intégration complète. Ce qui faisait tiquer l’oreille l’espace d’un instant sur "Agenda Ignis" devient une certitude sur deux titres, "Falsified And Hatred" et le conclusif "Invoke The Oath".
Oh, on s’en rend compte à la première écoute, impossible de nier l’évidence, les riffs en forme de murs de son, la batterie mécanique aux arythmies hachées, et, comme si ça ne suffisait pas, des petites notes de claviers bizarroïdes et éthérés, hum, alors ? Un indice ? Un trio.. Norvégien.. Drogué.. Indus..
MYSTICUM ! Ben ouais, il ne manque pas un ingrédient.
Alors oui, l’imitation est réussie et l’intégration dans les deux titres en question fonctionne, mieux cela apporte de l’originalité sur la galette mais comment considérer un tel implant ?
Comment le qualifier ? Gros clin d’œil, méga hommage, vol manifeste, perte de mémoire collective ?
Ces passages ne sont pas anecdotiques, ils constituent la moitié des titres cités, et ces titres ne sont pas cachés au fond du disque, ils sont joués sur scène lors de leur actuelle tournée et, plus fort encore, "Falsified And Hatred" est LE morceau choisi pour un clip diabolique, et se voit ainsi consacré tête de proue et de gondole.
On rappellera ici que Hellhammer sait lui aussi très bien ce qu’il fait puisqu’il a jadis répété avec MYSTICUM (ils finiront par lui préférer une vraie boîte à rythme).
Dernier point, et je finirai là-dessus, malgré le fait que ce soit très réussi, il y a récidive pour Teloch, fait aggravant, lui qui avait déjà copieusement puisé dans la recette de THORNS pour "Esoteric Warfare". Il n’est pas tolérable qu’un groupe à la personnalité aussi forte repompe ainsi les petits potes.

Ouf, enfin la conclusion. "Daemon", sixième album (seulement !) en trente ans d’existence, a l’air d’apporter satisfaction à beaucoup de monde. Les premières écoutes sont immédiatement plaisantes. Ma seconde impression a été plus critique, il y a trop d’auto-référence, ou de plagiat, en étant plus fidèle au mythique "De Mysteriis Dom. Sathanas" la proposition est aussi moins radicale et repoussante, la thématique sur les démons n’est pas follement originale (c’est le moins qu’on puisse dire), la voix d’Attila est légèrement en retrait dans le mix ce qui la rend moins prégnante et donc moins flippante, et... Et... Ce seront les seuls vrais reproches que je ferai à cet opus qui, en dernière impression, me plaît vraiment beaucoup. Consistant et généreux, il offre un large spectre de diableries et une dose assez abondante de bons moments. Il ne présente aucun titre faible et enchaîne même pas mal de titres forts. Et l’on jurerait certaines litanies de trémolos tout droit sorties de "De Mysteriis.." ("Bad Blood", "Worthless Abominations Destroyed", "Invoke The Oath").
Sans doute n’est-il pas aussi terrifiant et pointu qu’un "Ordo Ad Chao" mais il s’inscrit parfaitement dans l’héritage et prolonge la légende, sans hurler au chef-d’œuvre mais sans avoir à rougir face au passé, The True MAYHEM peut continuer d’arpenter les scènes du monde tranquille, ses adorateurs ont été récompensés et ragaillardis.

P.s : l’édition collector offre deux morceaux bonus, "Everlasting Dying Flame" et "Black Glass Communion", sympatoches, mais qui donnent encore plus que le reste cette impression de déjà-entendu un peu dérangeante.

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   (3 chroniques)



- Necrobutcher (basse)
- Hellhammer (batterie)
- Attila Csihar (vocaux)
- Teloch (guitare)
- Ghul (guitare)


1. The Dying False King
2. Agenda Ignis
3. Bad Blood
4. Malum
5. Falsified And Hated
6. Aeon Daemonium
7. Worthless Abominations Destroyed
8. Daemon Spawn
9. Of Worms And Ruins
10. Invoke The Oath



             



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