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PINK FLOYD - A Momentary Lapse Of Reason (1987)
Par DARK BEAGLE le 17 Novembre 2019          Consultée 4214 fois

Après avoir connu la gloire, PINK FLOYD s’était enfoncé dans un enfer personnel, dû en grande partie à la mégalomanie d’un Roger Waters qui ne considérait plus que le reste du groupe – David Gilmour et Nick Mason, Richard Wright ayant déjà été limogé durant les sessions d’enregistrement de "The Wall" – comme les exécutants de ses morceaux. Forcément, après un "Final Cut" qui n’aura pas aussi bien vendu que les précédents albums, chacun continuera sa route en solo pendant un certain temps, jusqu’à ce que Waters annonce quitter le groupe en 1985. Bien entendu, il ne s’attendait pas à rencontrer une résistance derrière. Il n’imaginait pas un instant que, frustré par la mise à l’écart qu’il avait subi, David Gilmour allait annoncer l’enregistrement d’un nouvel album en 1986, provoquant un véritable séisme. Waters poussera l’affaire au tribunal ; après tout, il écrivait toutes les paroles depuis près d’une décennie, il représentait l’âme du FLOYD et la formation ne pouvait pas être sans lui, ou alors sous un autre nom. Mais il a été débouté. Et s’est incliné.

Mais là encore, ce n’est pas vraiment PINK FLOYD. Certes, le fidèle Nick Mason est toujours là, parfois suppléé par Carmine Appice (CACTUS), mais Richard Wright ne participe pas pleinement à l’élaboration de l’album, pour des raisons juridiques (décidément !). C’est principalement sur les épaules de Gilmour que repose "A Momentary Lapse Of Reason", que le guitariste veut aérien. Après, il ne faut pas chercher un retour aux sources du son PINK FLOYD. Nous sommes en 1987, quatre années se sont écoulées depuis "The Final Cut" qui semblait être hors du temps et surtout, le paysage musical a énormément évolué et revenir à un Rock Prog daté années 70 aurait été un suicide commercial évident. Alors Gilmour va s’entourer pour essayer de produire le meilleur album possible. C’est ainsi que nous retrouvons un Bob Ezrin (ALICE COOPER, KISS…) étonnement peu grandiloquent à la production, lui qui avait déjà tenu les manettes pour "The Wall", une ribambelle de musiciens invités (avec l’excellent Tony Levin de KING CRIMSON à la basse) et quelques compositeurs extérieurs qui vont permettre au guitariste de finaliser ses idées.

Quand nous tenons le produit fini entre les mains, il n’y a guère d’erreur sur la marchandise. La pochette rappelle les jaquettes conceptuelles typiquement Prog que PINK FLOYD proposait à partir de "Dark Side Of The Moon" et apparaît presque comme étant la suite logique de celle de "Animals". Ces rangées de lits de camps disposés sur la plage, c’est presque une évidence. Même sans le nom du groupe, on aurait tendance à proposer celui de PINK FLOYD, instinctivement. Gilmour renoue avec un certain sens visuel. Après une première écoute, il y a de quoi être un peu désarçonné, mais sur le plan physique, nous retrouvons des schémas plus habituels, avec des morceaux assez longs (pas non plus fleuves) et des instrumentaux, comme à la grande époque, pourrions nous dire. Mais voilà, il y a quelque chose de différent tout de même. Si l’on pouvait reprocher à "The Wall" et "The Final Cut" de ne pas avoir tout à fait l’ADN de PINK FLOYD, cela s'impose doucement comme une évidence à l’écoute de "A Momentary Lapse Of Reason".

Évidemment, nous retrouvons la guitare aérienne de Gilmour, et son jeu tout en élégance. Le talent du musicien n’est plus à prouver et il livre quelques belles parties (les soli de "On The Turning Away" ou de "Yet Another Movie", mais surtout ce "Sorrow" exceptionnel), mais parfois, il s’embourbe, tente des choses dont le résultat pouvait paraître convaincant en 1987, mais qui fait grincer des dents aujourd’hui ou qui étaient déjà éculés à l’époque, des gimmicks et des effets trop utilisés par de jeunes groupes à la mode auxquels PINK FLOYD ne peut tout simplement pas ressembler. Aussi Gilmour va prendre son temps, l’introduction "Signs Of Life" monte petit à petit dans les tons et aussi l’enchaînement avec la vaporeuse "Learning To Fly" peut causer une certaine déception. Le titre est plutôt agréable, avec sa batterie en retrait, mettant en avant la douce voix de Gilmour sur une musique légère, planante. Le guitariste laisse surtout l’électricité s’exprimer pleinement lors de soli ravageurs, qui montrent qu’il n’a rien perdu de son toucher. Il se laisse de la place pour s’exprimer, le contraire aurait été étonnant et il essaye de le faire le plus souvent à bon escient.

Le plus souvent. Parce que Gilmour va beaucoup utiliser la technologie sur cet album, trafiquant sa voix, produisant des effets électroniques et souvent le résultat apparaît comme bien malheureux. En point d’orgue, il y a ce "Dogs Of War" qui aurait pu être une bonne idée sur le papier, mais qui laisse bien pantois avec son côté très renfermé, sec, lourd, avec ses saxophones qui s’invitent dans la danse pour un rendu franchement bordélique à l’arrivée. Les deux sessions de "A New Machine", engagé par l’instrumental inutile qu’est "Round And Around", sont du même tonneau. Le diptyque "A New Machine" met ainsi en lumière le lumineux "Terminal Frost", qui montre que Gilmour peut sonner de façon actuelle – pour 1987 – sans forcément être putassier et introduit à merveille "Sorrow", qui est indubitablement le point d’orgue de cet album, certainement le morceau que l’on assimile le plus rapidement à du PINK FLOYD pur jus.

Le résultat est au final très convenable. Nous pouvions nous attendre à bien pire, mais il faut bien constater que cet album est fragile et doux. Il est calme, ponctué par des petits sursauts d’activité, souvent durant les soli majestueux de Gilmour ou au travers une ligne de chant lumineuse. Ce disque se veut introspectif, invite au repos comme le suggèrent tous ses lits vides qui semblent nous inviter à une sieste bien méritée. "A Momentary Lapse Of Reason" est un disque de Rock soigné, planant, qui contient quelques réflexes d’écriture plus Prog sans que cela ne soit le sujet ici. Un sceau est apposé sur la pochette, il nous indique le nom d’un groupe et il n’est pas insultant de considérer comme étant un représentant de ce nom. Après, la dignité, c’est une affaire de goût pour chacun. Si l’on se veut médisant, on pourrait dire que "A Momentary Lapse Of Reason" est en réalité le troisième album solo de David Gilmour, tant il semble emprunter les codes de "About Face", son opus de 1984.

Mais paradoxalement, autant que l’absence de Wright, c’est celle de Waters qui pèse sur ce disque, comme nous pouvions reprocher au bassiste de verrouiller l’inspiration des autres sur "The Wall" et "The Final Cut". Il manque ses passages plus mornes – sans que cela soit péjoratif dans ce contexte – ces moments de froideur mêlée de flegme somme toute britannique que l’on retrouve souvent dans la musique de PINK FLOYD. Du PINK FLOYD le plus connu s’entend. Il manque ce côté conceptuel que Waters amenait avec lui, parfois tarabiscoté, souvent cérébral, cette écriture qui peut paraître laborieuse mais qui peut également confiner au génie par moments. D’ailleurs, les albums solo du bassiste souffrent également de l’absence d’un Gilmour ou d’un Wright pour colorer l’ensemble. Tous ne vont pas l’un sans l’autre, mais chacun parvient à donner corps à ses idées et "A Momentary Lapse Of Reason" est la vision d’un PINK FLOYD géré seul par Gilmour, coincé entre esthétisme de la guitare et abus de claviers condamnés à être rapidement datés. Et peut-être, de ce fait, un album incomplet.

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- David Gilmour (chant, guitare)
- Nick Mason (batterie)
- Richard Wright (claviers)
- Bob Ezrin (claviers)
- Jon Carin (claviers)
- Bill Payne (orgue hammond)
- Pat Leonard (claviers)
- Tony Levin (basse)
- Jim Keltner (batterie)
- Carmine Appice (batterie)
- Michael Landau (guitare)
- Tom Scott (saxophone)
- Scott Page (saxophone)
- John Halliwell (saxophone)
- Darlene Koldenhaven (chant)
- Carmen Twillie (chant)
- Phyllis St James (chant)
- Donnie Gerrard (chant)


1. Signs Of Life
2. Learning To Fly
3. The Dogs Of War
4. One Slip
5. On The Turning Away
6. Yet Another Movie
7. Round And Around
8. A New Machine Part 1
9. Terminal Frost
10. A New Machine Part 2
11. Sorrow



             



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