Après le sympathique "An Evil Shade Of Grey" (1992) qui proposait un Death Metal suédois des familles, quoique étrangement teinté de synthés (!!), CEMETARY effectue une sévère mutation. À présent, nos amis suivent méthodiquement la voie tracée par TIAMAT sur les reconnus "The Astral Sleep" (1991) et "Clouds" (1992). "Godless Beauty" propose un Doom/Death légèrement gothique et sensiblement plus durci que son glorieux aîné. Sa qualité se rapprocherait de celle du "Greater Art" (1994) de LAKE OF TEARS, au détail près que CEMETARY sonne d’une manière plus crue en n’oubliant pas ses racines Death Metal. Notons que nous restons à une distance respectable de mammouths cache-misère comme PARAMAECIUM ou ENCHANTMENT.
Le chant conserve donc une certaine âpreté et sa hargne rappelle l’album précédant dans une version plus modulée. D’une manière étonnante les claviers sont beaucoup plus discrets que sur les travaux passés. Pourtant, sous ses aspects bruts de décoffrage, le collectif engendre des mélodies plaisantes tout en étant bien entendu très loin d’égaler les ténors du genre. Vous comprendrez que nous pataugeons gentiment dans une mare aux canards alors que SADNESS ou CELESTIAL SEASON, par exemple, naviguaient avec plus de noblesse.

Le constat est évidemment mitigé et ne nous fera logiquement pas grimper aux rideaux. Certains morceaux traînent les pieds et manquent d’atouts lumineux. Les compositeurs s’empêtrent parfois dans des schémas qui ne sont guère aboutis. Les meilleurs moments semblent outrageusement provenir de la discographie du père TIAMAT. Eh oui, nous le savons, CEMETARY n’a jamais transcendé le public et a manqué d’un talent suffisamment aiguisé pour se démarquer de ses influences. À de rares occasions, la musique prend une faible hauteur mais son envol ne dure que trop peu.
Tout n’est pas à jeter aux oubliettes, loin s’en faut. Le boulot sur les riffs reste louable et leur efficacité relative rehaussera l’intérêt de l’opus. L‘indécrottable SUNLIGHT studio nous gratifie d’un son puissant et abrasif à la fois, qui sied comme un gant à ces guitares massives et souvent véloces.

Le heavy "Now She Walks The Shadow" ouvre les hostilités d’une façon qui devient vite irritante, il faut bien le dire. Copier l’édifice élevé par TIAMAT recèle de nombreux avantages me direz-vous. Nos petits saligauds le font avec doigté car ils veulent une part du gâteau. Mis à part le réussi "And Julie Is No More" au solo mémorable, les Suédois s’obstinent à reprendre consciencieusement les idées distillées par leur grand frère, en prenant garde toutefois de diluer la sauce afin que les ressemblances ne soient pas trop alarmantes. Les titres doom aux mélodies mélancoliques et riffs intéressants mais déjà entendus ("The Serpents’s Kiss", "By My Own hand", "Adrift In Scarlet Twilight") alternent donc avec des passages plus nerveux et chorus que l’on connaît également (les puissants "Chain" et "Sunrise").
Précisons que tout cela peut paraître réjouissant pour les néophytes, voire agréable aux premières écoutes, mais le connaisseur s’ennuiera sans doute rapidement, malgré, je le répète, la tenue correcte de l’ensemble.

Si CEMETARY n’a jamais franchi un palier supérieur en termes de qualité, il serait forcément injuste d’ignorer totalement une galette qui réveillera quelques souvenirs poussiéreux chez les amateurs du style. Ces derniers pardonneront aisément les similitudes gênantes et sortiront ce "Godless Beauty" du grenier de temps à autres afin qu’il tourne tranquillement sans effrayer qui que ce soit.