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- Style : MartrÖÐ, Sinmara, Carpe Noctem, Schammasch, Plebeian Grandstand

DEATHSPELL OMEGA - Paracletus (2010)
Par ENLIL le 13 Décembre 2010          Consultée 8804 fois

« Oh ! Nos os sont revêtus d'un nouveau corps amoureux ! » s'exclamait Rimbaud dans Being Bauteous, reprenant mot pour mot un célèbre épileptique. « Hm... belle pochette que voilà » remarquait plus prosaïquement votre serviteur. Avouons-le : s'il y a une chose qu'on peut, sans retenue, accorder aux Poitevins (ou au type chargé de, du reste), c'est bien le sens illustratif, l'instinct pictural alliant classe, sobriété, et puissance évocatoire. Autant de qualités susceptibles d'affermir l'extraordinaire engouement entourant le groupe ; - ainsi qu'une lumière trop pure et intense attire plus infailliblement les papillons de nuit égarés... mais prenez garde de ne point y hasarder vos ailes, si vos valeurs demeurent de cire ! A l'instar d'Empédocle se jetant dans les flammes de l'Etna, sacraliser l'arrachement, l'ivre fusion nous rendant sujets et objets, spectateurs et victimes de notre propre holocauste... en musique, oui, cette tension seule importe...

Il faut revêtir le nouveau corps, disait l'Apôtre. Eh bien soit ! Cet organisme de sons et de notes, je le drape du pourpre de Tyr, et l'honore du laticlave – l'excellence, l'altière distinction. La condensation du propos ne laisse guère le choix : ou bien le verbe trahit l'empâtement et le discours tournant à vide, ou bien il retentit, éloquent, sûr d'un sens répandu au maximum de sa force sur un minimum d'étendue. 42 minutes suffirent au dépassement. 42 minutes à la pointe desquelles embaume, souverain, un parfum d'accomplissement que je n'attendais pour ainsi dire pas, soupçonnant alors le groupe de nouvelles évolutions. Surpris de ne pas être surpris donc ; car à défaut d'innovations stylistiques et de circonvolutions nouvelles, attendez-vous plutôt à ce que la rhétorique, progressivement élaborée depuis l'E.P "Kenôse", ne synthétise chacune de ses étapes en un discours magistral. Magistral certes, mais si familier, déjà...

DSO a donc trouvé sa mesure. Dans un bel équilibre, "Paracletus" lie les acquis du "Chaining The Katechon" à ceux du "Fas – Ite, Maledicti..." en une unité stylistique telle que la densité des assauts, enfin intelligible, s'adjoint, en plus des dissonances sonnant haut et clair, un versant mélodique venu transfigurer tout ce qu'il touche. Une affirmation à restreindre, cependant : car la facette atonale du "CTK" brille ici par sa quasi-absence, pfiouf, disparu, escamoté l'élément qui en faisait tout le sel ! De son développement dépendait la mutation du groupe en une sorte de GORGUTS ou d'ULCERATE du BM... pour autant, l'idée selon laquelle le groupe cèderait à la facilité ou au consumer-friendly me semble insoutenable, pour ne pas dire exagérée ; même s'il est clair que "Paracletus" demeure, à cette date, leur ouvrage le plus a(c)éré, le plus clair. Épanoui : l'efflorescence s'y fait plus fluide, plus souple, et l'urgence crépusculaire, poignante de majesté.

"Paracletus", dit-on ? Avènement d'un âge glorieux, sanctifié par le souffle pneumatique ? Comptez sur eux pour en renverser le regard perspectif, comptez sur eux pour faire payer Paul et Origène d'avoir trop bien (ou si mal) appris le grec. Ce que le "CTK" annonçait, "Paracletus" le concrétise : si l'économie apocatastatique en appelle à la rédemption des corps, et, plus précisément, du soma paullinien (le corps du croyant doit être à l'image du Royaume de Dieu : unifié et impérissable), subvertir celui-là vivant selon une foi perverse ne manquera pas de court-circuiter celle-ci, d'une contre-force dispersive traversant et brisant du dedans la force ordonnatrice, temporalisation, ressac mortifère fracturant l'intemporel en voie d'établissement. Tout cela est, si je ne m'abuse, tragique au plus haut point : le thérapeutisme dialectique ? Aux chiottes !

On harmonise donc les dissonances en les enchâssant, halos névralgiques, au chaos des syncopes et des soubresauts ("Dearth", "Absission", "Have You Beheld..."), émacie toujours davantage le pathos eschatologique du "CTK" ; on alterne les voix, rentabilise une basse aux languissements délicieux (le début désertique de "Dearth", tout en mid-tempo) et aux étoffements salutaires, que l'on pourrait rapprocher, non sans artificialité ni instinct classificateur un poil arbitraire, à VED BUENS ENDE. On ose même, parfois, délier certains arpèges en magnifiques annelures ("Epiklesis II"), motifs mélodiques annonciateurs du Rétablissement dans le Tout, repris et reformulés sur "Apocatastasis Pantôn".
D'élans irrésistibles en intensifications haletantes, prodigues en forces déchaînées sur toute l'étendue, éclot une œuvre ne sacrifiant ni l'émotion, ni l'intelligibilité sur l'autel du non-concessif : écoutez donc l'entame supersonique de "Phosphene" débouchant sur ce glissando badasse et ce final céleste, "Malconfort", "Devouring Famine" et leurs congestions terrifiantes. Après coup, difficile d'imaginer comment ils auraient pu procéder autrement, tant l'œuvre semble se suffire à elle-même.

Mais oubliez tout cela. Car jamais le pâtir chez ce groupe ne s'est fait aussi déchirant - et c'est bien du fond de la fosse que DSO parvient au faîte de son triomphe. Succèdent à la seconde épiclèse trois brèches où s'engouffrent, irrépressibles, les torrents ignés, informels, désorganiques, et dont les formidables syncopes déchirent, ravagent de leurs commotions fiévreuses les masses incorporant l'Esprit... contemplons cette physiologie qui déjà s'étiole, se consume, intensifiée et éternisée en sa négation, sa périssabilité propre !

Car ces ruines extatiques trahissent la scission, l'équivoque béance qui, loin de réconcilier le corps de chair, divisé et retourné contre lui-même, avec le divin, le nie une seconde fois, le radicalise en sa propre négation – l'éternisant, donc, en une chute exaltée, vide insatiable dont les sarments plongent au cœur de la vie et s'en repaissent, monstrueux... « Semé destructible, on ressuscite indestructible, semé dans le déshonneur, on ressuscite dans la gloire, semé dans l'asthénie, on ressuscite dans la force » – niaiseries d'épileptique que tout cela ! Morts-vivants à l'heure de la fin du temps, le voilà, leur corps glorieux, leur nouvel amour, tandis que brûle et se rétracte le monde ! Le voilà, leur couronnement ultime ! « Malheur à vous qui désirez le jour de l'Éternel ! A quoi vous servira le jour de l'Éternel ? Il sera ténèbres, et non lumière ! »

Assez, maintenant. Car le basculement sur "Apocatastasis Pantôn" impose le silence. Que dire, pourtant ? En cet instant privilégié, le groupe engage sa propre apothéose, s'immole, lui et le monde perdu dans sa course, en un chant du cygne glorieux, et, dans l'holocauste, répands ses cendres aux quatre vents, 6000 pieds au dessus de la mer, et de bien des choses humaines. D'aucuns parlent de Post-Rock pour qualifier cette structure pyramidale à laquelle manque un sommet, une harmonie suprême et réconciliatrice de toutes les contradictions ; pour qualifier ce lent, progressif et bouillonnant déchaînement de forces dispersives, intensité pure, exacerbée en un grisant point de rupture. De peur de paraître indécent, pour ne pas dire scandaleux, je me tairai – car alors il se pourrait bien que pour une seule, une seule fois, j'eusse aimé un morceau de ce genre... horreur et damnation.

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   (2 chroniques)



- Mikko Aspa (chant)
- Hasjarl - Guitares
- Khaos (basse)


1. Epiklesis I
2. Wings Of Predation
3. Abscission
4. Dearth
5. Phosphene
6. Epiklesis Ii
7. Malconfort
8. Have You Beheld The Fevers ?
9. Devouring Famine
10. Apokatastasis Pantôn



             



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