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2009 Theophany

SAVNOCK - Theophany (2009)
Par ENLIL le 27 Février 2010          Consultée 3208 fois

Un phénomène ténu émerge, projette son empreinte et altère le néant, cet étant insondé. Des clochettes grelottent, scintillent faiblement ; œuvre des profondeurs d'où pointe une harmonique. Frémissement : césure crevant la surface, plaintives réfractions d'ombres dormantes. Acte originel, liberté insondable ! Darde alors l'épine d'un désir, sans motif autre que son propre saisissement, en deux de ses propriétés. Et ce, dès la prime conflagration des toutes premières notes.

Aussitôt, l'aiguillon pénètre, perfore et irrite le premier principe, qui est dur, minéral et renfermé en lui-même. Mouvement, persévérance, simultanément se font entendre. D'amples et chaotiques reliefs s'élèvent, saccadent d'un hermétisme impénétrable ; se propagent, se délient, puis syncopent enfin, ondes ignées au feu insatiable, embrasement de froides radiances qui sonnent, résonnent d'un grain millénaire. Douloureusement. Comme si la blême lumière avait, de son empreinte, imprimé aux riffs cette tension au quelque chose ; tandis que les obscurs motifs se meuvent, se gonflent, et, se rétractant en leurs propres colères, souffrent d'un mal par-delà toutes valeurs.

D'assauts mercuriels compénétrant le sel de dissonances figées, d'angoissantes, sulfureuses plages de distorsions ambiant en irradiants abîmes, éclats solaires d'aigus aux violons ; la dissolution du néant qui les voit naître, croître et se développer se fait coalescence, futile transmutation, harmonie et discorde mêlées, compaction tragique, arbitraire de principes opposés. Si double est la face de Dieu, si ambigües sont bien les forces générant son processus, ainsi voit-on SAVNOCK creuser derechef les rides d'un Janus Bifron, décliner d'un seul souffle Black Metal comme Dark Ambiant, gouffres minimalistes où s'échoue l'esprit, méditant aux sources d'un tel dévoilement.

Ravins tortueux au nihilisme analogue -quoique plus mélodique, gorgé de basses et longuement construit- à celui d'un BLUT AUS NORD période "The Work Which Transforms God". Difficile affirmation qui mériterait quelques nuances, quand bien même la catastrophe cosmogonique de l'un réponde à celle de l'autre, comme d'une conjonction défiant les écarts géographiques.

Doué d'une écriture à la fluidité rare, organique, et n'omettant aucune emphase atmosphérique dans ses surimpositions de leads acérés, c'est moins au marionnettiste dément qu'à l'envol extatique du danseur, aux infaillibles pointes d'Orion que le groupe renvoie. Arcs mélodiques tendus, notes fusant au point de la cadence juste ; contrepoint sonnant aux membranes de l'âme, écho qu'une voix, profond et indistinct grommellement démiurgique, nourrit. Résurgence : Tobias Möckl sur un certain "Schattengang" (PAYSAGE D'HIVER) l'avait ainsi modulée, pour un effet Death analogue.

Pas de danse à la rythmique apeurante, explosions orbitales en surplomb des gouffres ; voûtes tendues au dessus des profondeurs, dont les courbes, les arches et les longs progressismes semblent signifier la fatale théogonie. Comme d'un Être, vase clos du devenir, engendré du Non-Créé. Las ! Que son nom soit Ré, né du Noûn, ou Dieu voulu de l'Ungrund, l'abîme originel, l'Indéterminé, quelle tragédie que ces mondes, ces consciences par suite inoculées du sein de l'Existant !

Car le ton, âpre et dur, tandis ce que les guitares, pugnaces, convulsent sur fond de batterie free-jazz, gonflent de nostalgie leurs voiles et tirent, note à note, l'angoisse des fins montée de l'origine ; le ton dis-je, prendrait une toute autre dimension : de l'altération originelle surviendrait l'aliénation, d'une conscience humaine bourgeonnante, pensée aux faillibles prolongements. Ses fleurs ? Bris du langage, essor de certitudes scientifiques, noétique, fruit d'une finitude trop humaine ! Est-ce là l'origine du malaise, tandis ce que les guitares cardent, filent et brodent, à même la toile d'un pessimisme gnoséologique, trames de mélopées et regrets d'un Ailleurs ?

Fadaise artistique ?

Cuistrerie du chroniqueur ?

Ou donation musicale d'un sens possiblement plus haut ?

Quoiqu'il en soit, toute illumination, aussi géniale soit-elle, ne laisse pas dévoiler ses failles, ses limites. Comme la vanité du langage qui, tel une courbe asymptotique, se rapproche mais n'atteint jamais l'essence du phénomène, SAVNOCK commet quelques bêtises, détails d'un mixage distrait, émail d'un tableau manquant de peu la transfiguration. Un final en fade out au piano, coupé bien trop tôt. Une plage Dark Ambiant aux diffractions tressautant brièvement. Enfin, une batterie mixée un poil trop en avant sur la première piste.

Crotte, pogne, catastrophe ! Réjouissez-vous, hommes du détail, oui, vous, besogneux analystes dont l'horizon se limite à l'œillère de vos monocles ! Voilà bien matière à gloser pour vos groins inquisiteurs !

Car qu'on se le dise : seule une mauvaise foi alliée à la pire des mesquineries relativisera une musique de cette portée. La relativité entendue ; ce merveilleux ingrédient du pédant dont la prudente componction n'a d'égal que son étroitesse d'esprit, fait si bien le sel de la critique solipsiste que tout le monde semble s'en être accommodé. A l'époque où la mort de l'art se confond avec la vie du discours esthétique, de la culture séparatrice, où nulle attente de sens venant de la musique ne se fait jour, j'estime nécessaire -et idéaliste, ô combien !- de nier joyeusement l'air du temps en couronnant, entre autres musiciens, ce potentiel en devenir.

C'est dit : puisse SAVNOCK connaître une plus grande reconnaissance. Ces Américains le méritent, tout simplement.

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- A. Belokonov (guitare, basse, effets, textes, chant)
- A. Ramsey (batterie, claviers, effets)


1. (expulsum Ex Inritus -
2. Lacio Tergum In Inritus)



             



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