ISIS est devenu aussi connu que NEUROSIS en 2004 avec "Panopticon", dont la facture planante en a laissé plus d’un sur le cul. Bien établis sur la scène Post, les Bostoniens délivrent ici un cinquième album en dix ans, "Wavering Radiant", dont la chair et les os s’incrustent plus facilement que par le passé. Conséquence du fastfood moderne, laisser-aller des Américains ? Nan, je dirais plutôt dessein avoué et pleinement assumé. Pour un résultat à la hauteur de la déception de ceux et celles devant leur avant-dernier effort, "In The Absence Of Truth". Si vous n’êtes pas dans cette catégorie, vous continuerez votre périple à travers les nuages avec cet ISIS 2009, mariant vagues et radiations.

Les ambiances forgent d’emblée le parcours d’ISIS et s’infiltrent dans les tympans de façon différente à chaque morceau. Les habitués le savent, les néophytes le découvriront. Fuzz, samples hallucinants et échos infinis des songes provenant du doigté électro de Bryant Clifford Meyer, guitares acérées, « sludgy » et « bluesées » de Mike Gallagher et Aaron Turner, basse généreuse du très dérouillé Jeff Caxide, les prouesses des zicos sont innombrables, elles s’imprègnent ici et là en sublimant cette couverture chaude et mélodique. Un bel exemple de complicité dans ce cocon créatif, encore plus étroit et humide en Post, où le jam est ubiquitaire.

De ces jams s’extirpent des colonnades de joyaux. Citons le riff moelleux de l’entrée, "Hall Of The Dead", les atmosphères « océaniques » troublantes de "Ghost Key" (votre promenade à la plage ultime qui nous rappelle un skeud sorti en 2002 !), le solo psychédélico-décoiffant de "Stone To Wake A Serpent", cette superbe et colorée envolée de deltaplane qu’est "20 Minutes/40 Years" et "Threshold Of Transformation", avec son alternance parfaite entre parties musclées et bridges évanescents.

"Wavering Radiant" est aussi une autre occasion d’admirer et d’entendre le talent du vocaliste, Aaron Turner. Il œuvre évidemment dans plusieurs registres, variant entre la clarté pénétrante et la noirceur repoussante. Né pour le Post, il mourra en entonnant ces airs aériens et mélancoliques rendant ISIS si irrésistible. Je préciserais néanmoins que le groupe a choisi cette fois de lorgner davantage du côté de la lumière, en en saupoudrant même dans ses passages les plus scabreux. Ce qui confère une identité certes luxuriante à l’opus, mais pas étouffante ; un piège pas toujours aisé à contourner en Post, les fans du style le savent.

ISIS a même pensé à créer une dichotomie sur son "Wavering Radiant" à l’aide de la courte pièce-titre instrumentale. De quoi préparer l’auditeur à une deuxième partie tout aussi magnifique. A noter qu’Adam Jones de TOOL assure les claviers sur cette instru'.

Les trois mots qui me viennent à l’esprit quand je décortique "Wavering Radiant" sont « équilibré », « riche » et « savoureux ». Peut-être un peu difficile d’approche, mais pas d’accroche, ISIS perpétue sa jeune tradition en accouchant d’un album sur lequel chaque titre se démarque à sa façon en se fondant simultanément dans la masse, un opus aux perles fastes et aux climats voyageant entre l’éther et la terre. Entre les vagues de la mer et les radiations intersidérales.

Un autre grand moment de musique de la part d’un quintette voué à une longue carrière.