L'ennui quand on chronique un groupe qui a sorti plusieurs albums, c'est que par souci d'exhaustivité, il faut passer en revue toute sa discographie. Ce que je devrais faire par exemple pour RIVERSIDE, dont le prochain album sera disponible à l'heure où vous lirez ces lignes. Proposant une musique atmosphérique de toute beauté, le groupe polonais... Euh non, c'est de TO-MERA que je dois parler. Il faudrait donc que j'arrête d'écouter RIVERSIDE, pour me remettre « Delusions », deuxième album de TO-MERA. Autant dire que l'envie me manque.

Allez, je coupe RIVERSIDE. Et je me prends un gros riff dans la figure. Là où « Transcendental » s'ouvrait de manière calme, « Delusions » se tient prêt à secouer l'auditeur. A le secouer brutalement. Bon, d'accord, à lui donner mal à la tête, ce qui en ce jour de grande chaleur n'est pas forcément un don du ciel.
« Delusions », c'est « Transcendental » avec un line-up légèrement remanié et beaucoup, beaucoup plus de technique. Celle-ci est bien sûr impeccable et la production est à l'avenant, assurée par Brett Caldas-Lima, le papa de KALISIA. Mais cela ne suffit pas à rendre ce deuxième album aussi bon que le premier, qui était pourtant aussi prometteur que bourré de qualités. La déception est là et bien là. Mis à part lors de rares accalmies, TO-MERA se montre impitoyable, assène des plans toujours plus improbables et assommants. Lorsque c'est MESHUGGAH qui s'en charge, rien à redire, on prend un plaisir masochiste à se sentir broyé par une machine de destruction, mais lorsque TO-MERA s'y essaie, rien n'y fait, quelque chose cloche.
Il serait logique de penser que la belle Julie Kiss, de sa voix angélique, nous guidera dans ce labyrinthe. Grossière erreur ! Alors qu'on la sentait un peu dépassée par les événements dans le premier album, elle se retrouve ici complètement noyée. Il faut également reconnaître qu'elle a peu progressé, son chant est toujours aussi peu varié et parfois extrêmement monotone.
Ne pouvant compter sur l'aide de la chanteuse, le pauvre auditeur se retrouve seul face à des savants fous lancés à toute vitesse et au talent indéniable. Le bassiste confirme sa place de pilier du groupe en délivrant des lignes de basse d'une efficacité désarmante. Les autres musiciens, par contre, tombent dans des excès qui donnent la migraine. Si le guitariste est le premier responsable de ces maux de tête, le claviériste mérite aussi un blâme : utiliser à outrance les sons rendus célèbres, avec talent dans leur cas, par les légendes des années 70, ne donne pas nécessairement un bon album de prog. Tout comme utiliser des ambiances glauques ne donne pas forcément un bon film d'horreur.

Bien que très agaçant, « Delusions » n'est pas pour autant un ratage. Il offre de bons moments, surtout dans les passages calmes, épargnés par le souk musical, notamment dans « Mirage » et « The Glory of a New Day ». La conclusion, « Temptation », est même excellente, bien qu'elle semble un peu perdue après un fourre-tout mêlant bon an mal an metal progressif très technique, jazz, metal gothique et même black metal : quelques riffs inspirés par EMPEROR sont à relever. C'est sans doute cette variété mal employée qui représente le plus gros gâchis de l'album : tant de styles maîtrisés à la perfection, pour retomber sans arrêt dans le même brouhaha épileptique... Dommage.

TO-MERA avait réussi à offrir un album convaincant avec « Transcendental », on était donc en droit de s'attendre à une suite dans la même veine, mêlant délires progressifs et émotions subtiles. A l'inverse, les musiciens se sont lancés dans un immense déballage technique qui ne mène nulle part. Donc : au travail ! Si la chanteuse se donne plus de peine et si les autres musiciens acceptent de ne pas monopoliser l'attention, il y aurait de quoi faire un troisième opus qui ne recèlerait que des chansons de la trempe de « Temptation », autrement dit, une perle.


Note : 2,5/5