L'EP-démo "The Beast Must Die" venant à peine de sortir chez Emanes Metal Records - un très bon disque de Doom/Heavy trad à la BLACK SABBATH – vlà ti pas que THE BOTTLE DOOM LAZY BAND, formation de Poitiers, nous sort son premier LP, "Blood for the Bloodking", premier ouvrage « officiel », du moins installant pour de bon le quintet poitevin sur la « scène » française.

"The Beast Must Die" sonnait terriblement Black Sabbathien, avec de très légères traces de Stoner sur les bords. La horde possédait déjà une certaine personnalité mais ne l'avait pas fixée, sur les quatre titres de l'E.P, deux étant plus ou moins des jams. Ici, les compositions sont plus réfléchies et travaillées et cela s'en ressent. L'EP possédait néanmoins deux excellents titres, dont un dernier où intervenait Feärann de VALUATIR et ses cornemuses féériques. J'y avais trouvé en fait du bon dans cet E.P.

"Blood for the Bloodking" prend lui une tout autre dimension : BLACK SAB et SAINT-VITUS s'éloignent de THE BOTTLE DOOM LAZY BAND (pas trop quand même), TBDLB qui impose cette fois une personnalité plus sombre (My God ! Quelle basse merveilleuse (tenue par Fog d'ANGMAR)), nettement plus orientée vers un Doom Metal typé 90's, au son plus moderne, au style plus macabre. Mais, mais, mais la voix de Bottle Ben reste elle les deux pieds dans le plat des seventies, faisant faire aux Français le grand écart des styles et des époques, lui donnant une teinte pas si sanguinolente que ça, mais rajoutant plutôt de la poussière par-dessus ces flots d'hémoglobine (j'espère que vous m'avez suivi, car le Riesling que je bois actuellement me suit, lui). En somme, THE BOTTLE DOOM LAZY BAND tend à se rapprocher d'un REVEREND BIZARRE, si je puis dire – au moins dans ce que les natifs de Poitiers proposent de plus conventionnel. Car nos lascars ont plus d'un atout dans leur manche.

"Blood for the Bloodking" est tout d'abord un LP fait de sept lourdes pistes pour un total d'un peu plus de trois-quarts d'heure. Vous allez donc en avoir pour votre argent, ne vous inquiétez pas. Et ce full-length s'ouvre tout simplement sur la title-track. Un riff sombre à la basse pour débuter, avant que la procession funèbre, presque pachydermique, ne débute durablement. Le groove est là et le travail des guitares (qui me fait penser à ce que l'on entend parfois dans le Black Metal) imprime sérieusement dans l'esprit toute ce Doom dégoulinant. C'est là aussi, dans cet océan plus macabre que dans l'E.P, que je prends conscience que l'on entend trop (y'a trop de paroles, simplement) BottleBen et qu'en fait, sa voix rock seventies, tremblotante, tranche bien trop avec cette noirceur et je crois que j'eus préféré une voix plus en adéquation, plus Doom, bêtement. Toutefois, BottleBen donne une teinte certain au groupe... A voir au fil du temps donc, notamment si la formation persévère dans ce style plus radical.

Chouette !!! Alors que résonne la cloche de l'Apocalypse en ouverture de "L'Ankou – Twisted Song", deuxième morceau du LP, se rajoute délicatement puis plus pesamment cornemuses et autres instruments folkloriques du fameux Feärann, dont l'inspiration poétique se marie admirablement bien au travail de ses comparses doomeux : on peut dire que cette association donne un cachet carrément unique au groupe, lui offrant une plus-value de qualité certaine. Un interlude qui intervient trop tôt à mon avis, mais qui fait plaisir. C'est ensuite à "The Dead Can't Loose Again" de prendre le relais. Toujours cette basse massive... et ce feeling vraiment jouissif : l'esprit du Doom est bien là. Sortez le whisky. Les quatorzes cordes rassemblées ici, servies par un batteur lui aussi en phase, fournisse une armée d'accords vraiment excellent, rendant cette piste vraiment bandante – j'adore, j'en re-veux. Les mordus du REVEREND décédé apprécieront et les fans des soli folk-rock psyché (comme on en trouve un sublime en son dernier tiers) se régaleront, pour sûr. Superbe. On continue donc avec "Evil Echoes", dont les notes de guitare aquatique en son début font immanquablement penser à IMMORTAL huhu. Néanmoins, c'est sensible, triste et donc, bien senti. La mélancolie s'installe progressivement et THE BOTTLE DOOM LAZY BAND démontre ici tout son talent de voleur d'âme... Le morceau prend ensuite son evol admirablement, pesamment et religieusement : encore une très bonne piste pour les Poitevins, d'autant que ces sept minutes et demi se passent sans la moindre parole émise...

La plus grosse piste fait son apparition en cinquième position. ''SlowStone Banner''. La basse ronfle agréablement, et tout le monde suit sa cadence morbide : très très bon. Néanmoins, la track pèse méchamment et je regrette l'absence d'une petite folie qui lui donnerait plus de punch : on s'ennuie un peu. Second interlude avec "Temple of Blind" : synthé et piano s'entremêle pour donner un chant funèbre à ce "Blood for the Bloodking". "Temple fo Blind" sonne vachement bien et me donne des images dignes d'un Silent Hill – un beau passage, pour sûr, qui nous emmène direct à la dernière cartouche de la galette. Après cette piste toute gothique vient donc un "Demons Laugh" où Bottle Ben fait appel aux effets, nettement plus morbides, de la technique pour déclamer ses incantations nécromantiques et là je dis : merci. Et je dirais même plus : c'est là-dedans que THE BOTTLE DOOM LAZY BAND devrait s'enfoncer, avec grands coups de rangers. Si le vocaliste reprend ensuite sa voix claire, la horde elle-même prend une tournure nettement plus diabolique, instaurant une atmopshère occulte et satanique typique des seventies, mais absolument jubilatoire. Le choeur lui répondant, on a ainsi droit à un échange entre les deux parties sur fond de doom processionnaire. Voilà un titre plus qu'intéressant et qui séduit fortement. C'est le Doom que je voulais écouter. La Mort est présente. La Fin arrive. D'ailleurs, cette note aigue, tenue sur le fil, soutenue par ce martèlement des toms, l'annonce fort bien... Rien que pour ce "Demons Laugh", ce disque vaut son achat.

Pour résumer, THE BOTTLE DOOM LAZY BAND prend désormais avec talent la voie du Doom modernisé et ce "Blood for the Bloodking" va vraiment mériter son achat et d'être écouté en profondeur. Et la formation s'enfonce tant et si bien dans ce genre macabre que la Voix particulière du groupe y fait désormais tâche, remuant la cohérence de son, de style et la masse du LP... Dommage. Mais la dernière piste laisse rêveur quand à une possible tournure plus diabolique du groupe. En attendant, parier ne sert à rien : procurez-vous ce très bon LP de Doom français !!!