Nouvelle recrue du label fondé par Christian Rivel, l’ex-chanteur de NARNIA (il vient d’annoncer son départ), REINXEED évolue un peu à part au regard des autres formations signées par Rivel Records. Ici, point de heavy néo-classique à la NARNIA ou DIVINEFIRE mais du speed mélodique pur jus. Par contre, le label ne change pas son terrain d’investigation, continue de favoriser ses compatriotes. Un procédé imposé plus qu’un choix, en fait, car le label est encore une petite structure, pas assez étoffée pour prospecter en-dehors de ses frontières.

Les premières écoutes de « The Light » ne plaident pas en faveur de REINXEED. Ce n’est qu’à la force d’une obstination entretenue par quelques bonnes critiques consultées çà et là que j’ai consenti à réécouter à plusieurs reprises l’argumentaire des suédois. Ce qui pêche, évidemment, c’est ce manque exemplaire de surprises, cette propension à jouer ce qui a déjà été joué, à ne proposer que du réchauffé auquel il manque une accommodation personnelle. Je m’y attendais, en même temps. Qu’espérer plus de vingt ans après les premiers méfaits du speed mélodique, plus de dix ans après la seconde couche généreusement étalée par le revival true de la fin des années 90 ? Mais à présent que je dresse cette chronique, quelques évènements se sont produits. Rien de bouleversant, juste un dialogue entre REINXEED et moi. Après certaines difficultés à accorder nos violons, j’ai peu à peu saisi la rhétorique des suédois, j’ai peu à peu consenti à en entendre davantage, j’ai peu à peu opiné du chef. Jusqu’à dresser un constat bien plus attrayant que les premiers qualificatifs prompts à envahir le blanc de mon écran LCD. « The Light » n’apporte rien au genre mais fait montre d’une dextérité évidente. Ce speed mélodique là sait s’y prendre et mérite qu’on lui prête une oreille attentive.

Si REINXEED fait du speed mélodique, il refuse de le traiter avec entrain, préfère appuyer sur l’aspect épique. Les lignes de chants vibrent d’intensité, la rythmique soutenue semble mettre en relief le suspense de ce périple installé du côté des légendes. « Legacy », « Magic Night » ou « Northern Sky », en dépit de dénominations tout droit sortie d’un album de FREEDOM CALL, n’ont pas l’aération et la légèreté qu’aiment à mettre en musique les allemands. Le propos est plus lourd, presque sérieux. On pense beaucoup à NOCTURNAL RITES, période Anders Zackrisson, ou à THE STORYTELLER. Tommy Johansson, tête pensante omniprésente, sait s’y prendre et concocte des morceaux qui font mouche, sans pour autant remettre en question des fondements très largement exploités. « The Light » et son refrain opiniâtre comme une conquête, « Great Hall Of Reinxeed » et sa belle montée en puissance, l’hymne « Magic Knight », « Eternity », gonflé de ce genre d’orchestrations que le cinéma lie aux grands espaces, ou encore « Shyrheny », ode merveilleusement épique, l’invitation vers le merveilleux est si bien agencée qu’il est difficile de laisser la main le long du corps, de ne pas la tendre vers ces ménestrels aussi adroits que décalés.

Un bon album, sincère et riche en couleurs. Certes, le propos très underground en effrayera beaucoup. La production hésite, le chant de Tommy Johansson n’épargne rien, entre envolées stratosphériques et sanglots à peine voilés. Ce qui est sûr, par contre, c’est que les amateurs sauront y déceler leur comptant d’images et de sensations. Gardons tout de même les pieds sur terre. REINXEED fait surtout figure d’entremet. Et comme dans les restaurants gastronomiques, quand le serveur plante dans votre assiette ce genre de mise en bouche serrée au creux d’un petit récipient, vous expliquant les saveurs savamment éparpillées par le chef, vous aspirez le contenu d’un seul geste, vous vous fendez d’un acquiescement sincère et, alléché par un goût aux allures de promesse, vous clamez votre impatience de vous consacrer à un vrai plat. « The Light » investi le menu tel un entremet luxuriant, parfaitement aptes à entretenir l’agilité des papilles et à faire patienter jusqu’aux mets consistants qu’on vous dévoilera avec fierté de sous leur cloche.

Note : 2,5 / 5