Ce trio californien encore obscur et signé par le label de NEUROSIS fait partie de ces rares absolutistes de l’expérimentation, seigneurs d’un territoire aussi vaste que méconnu. Le royaume de TARANTULA HAWK est fait de terres arides, le climat y est accablant, l’air suffocant. Les textures sonores empruntent au stoner le plus étouffant. Nulle voix ne vient à un quelconque instant réconforter l’auditeur en quête de contact humain. L’explorateur en mal de découvertes commence son périple avec appréhension, les premiers pas révèlent un certain malaise.

L’étrange steppe apparemment inculte livre pourtant très vite des fruits à la forme difficile, au goût étrange. De lourds agrumes aux couleurs interdites poussent à l’ombre d’arbustes insolites sur un sol à la fertilité finalement incroyable, limon progressif et psychédélique.
Car ce deuxième album comporte cinq titres à la construction respectueuse d’une dynamique, apanage des meilleurs. Les brisures mélodiques et rythmiques, souvent l’action de claviers toxiques et de samplers angoissants, instruments aussi chauds que les adipeuses cordes électriques et essentiels à l’édification de ce magma en perpétuelle fusion, alimentent un effet psychotrope constamment présent qui ne laisse jamais l’auditeur reprendre possession de son propre psychisme. L’horizon lointain se meut de mirages dansants, le ciel prend des teintes bariolées.

L’oreille au début déstabilisée ne réagit bientôt plus. Le mental se retrouve enfermé dans un état balançant de la façon la plus extraordinaire entre félicité béate et extase terrifiante quasi-cataleptique. Le corps est inerte. Serait-il possible de ne pas citer KYUSS dans cette chronique? Josh Homme Et Andy Garcia se serait-ils débarrassés de leurs blousons de rocker pour endosser une gabardine informe? L’inventeur du desert rock californien se serait-il réincarné quelques années après sa mort pour donner naissance à un nouveau genre musical que les journalistes n’ont pas encore su nommer?

Dylan Scharf, Dave Warshaw et Braden Diotte, non contents de faire vivre à ceux qui daigneront écouter leur discours une expérience fascinante, s’amusent à brouiller les pistes. Les deux premiers albums de leur jeune carrière, galettes aux contours similaires, sont intitulés d’un même Tarantula Hawk, les titres ne comportent aucune indication patronymique. Qui plus est, ces deux ovnis sonores impossibles à cataloguer sont disponibles gratuitement et en tout légalité sur le site officiel du groupe. Le temps est venu de l’acommercial.