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BLUE ÖYSTER CULT - Cultösaurus Erectus (1980)
Par DARK BEAGLE le 17 Octobre 2020          Consultée 4750 fois

Bon, inutile de trop tourner autour du pot, mais le bilan pour BLUE ÖYSTER CULT au moment d’affronter les années 80 est pour le moins mitigé. Même si le groupe a balancé à la face du monde une série d’albums devenus… cultes pour bon nombre d’entre eux, la formation a pas mal perdu de sa superbe sur "Mirrors", l’opus de 1979, qui la voyait embrasser des terrains de plus en plus légers, pour ne pas dire mornes. Le disque contenait quelques bons titres, mais pas de quoi intéresser les foules, qui ont boudé le single "In Thee" ainsi que le LP, les ventes étant moins importantes que pour "Spectres" et "Some Enchanted Evening". Et forcément, cela contribue à plonger les musiciens dans le doute.

D’autant plus que la face du Hard Rock changeait. Aux USA, VAN HALEN avait mis un sérieux coup d’accélérateur quant à l’utilisation de la guitare, Eddie étant un petit virtuose qui utilisait sa technique pour produire une musique folle, qui redynamisait une scène devenue moribonde – pas mal de dinosaures du genre commençaient à marquer le pas durant les dernières années des ’70. En Europe, une horde de jeunes loups aux dents longues écumaient l’Angleterre et proposaient une nouvelle forme de Heavy Metal, plus véloce, plus agressif ; la NWOBHM redistribuait les cartes et de nombreux groupes émergeaient. Même s’il y aura finalement peu d’élus par rapport à la masse de prétendants, la musique évoluait et BLUE ÖYSTER CULT se devait de grandir également pour ne pas perdre pied.

Déjà, le groupe souhaitait revenir à un son plus lourd, la production faiblarde de "Mirrors" ne convenant finalement à personne. Et là où l’on s’attendait à voir du lourd arriver derrière les manettes, ce sera finalement du très lourd : Martin Birch (qui est en train d’enregistrer, là où il est, un groupe formé d’Eddie Van Halen, Pete Way, Freddie Mercury et Neil Peart. Ça a de la gueule, hein ?). Ce dernier est déjà à cette époque un producteur très respecté. Il avait aidé DEEP PURPLE à façonner le son d’albums mythiques, il avait été derrière le "Rising" de RAINBOW et il venait de mettre en boîte le "Heaven And Hell" de BLACK SABBATH. Bref, sans encore envoyer IRON MAIDEN en orbite, il était déjà l’homme providentiel. D’ailleurs, pour l’anecdote, BLUE ÖYSTER CULT est l’un des rares groupes américains avec lequel il travaillera.

Avant d’entrer de plain-pied dans l’album, arrêtons nous un instant sur cette pochette devenue… culte également. Ce sympathique dinosaure est l’œuvre de Richard Clifton-Dey, qui a illustré pas mal d’affiches ou de couvertures de livre (comme la saga "Hawkmoon" de Michael Moorcock – prosternez-vous ! – en Grande Bretagne) et son univers correspond finalement assez bien avec la fantaisie des musiciens du BÖC qui s’amusent énormément en empruntant des photos de musées pour donner vie au Cultösaurus. Alors oui, certains diront que c’est moche et que nous sommes loin de l’esprit originel du groupe, cependant difficile de nier que pour une raison X ou Y, cette jaquette est marquante, voire ludique.

Et quand nous posons le disque sur la platine, nous sommes d’abord accueillis par un riff lourd, puissant, dopé par la production de Birch qui se veut éclatante. La comparaison avec celle de "Mirrors" fait très mal pour ce dernier. C’est le jour et la nuit, tout simplement. "Black Blade" est le genre de titre introductif qui en met plein la vue. Co-écrit avec Michael Moorcock (bon, sérieux les gars, prosternez-vous, ça me chagrinerais de devoir vous cogner derrière les genoux avec un pied de biche…), ce morceau parle de Stormbringer, l’épée buveuse d’âmes d’Elric et offre diverses ambiances contrastées. Les enchaînements passent très bien et le final, avec une voix désincarnée, fleure bon le génie, puisque nous avons le point de vue de cette entité chaotique. Autant dire que le groupe se met un sacré challenge d’entrée de jeu : faire mieux sera difficile.

Pourtant les musiciens, Eric Bloom en tête, semblent avoir bouffé du lion et donnent tout ce qu’ils ont le temps de ces neuf pistes. Si "Lips In The Hills" est l’autre « classique » que l’on retient de cet album avec sa guitare lancinante, il est difficile de passer sous silence la fougue d’un "Monsters" et son saxophone virevoltant pour un rendu Heavy de chez Heavy, ni même l’aspect Rock’N’Roll savoureux de "The Marshall Plan", qui n’a rien à voir dans l’idée avec le programme du même nom visant à redynamiser l’économie européenne après la Seconde Guerre Mondiale. Bloom s’accapare le chant en grande partie sur ce disque et ce n’est pas un mal.

En effet, même si tous étaient capables de tenir le micro, d’Allen Lanier aux frères Bouchard en passant bien entendu par Donald Roeser dont la voix convenait à merveille pour les compositions les plus soft de la formation, Bloom a cette espèce d’élégance naturelle qui attire immédiatement l’oreille. Il sait se montrer dur, il est également un excellent conteur et cela contribue parfaitement à mettre en valeur les titres les plus ésotériques ou axés Heroic Fantasy de BLUE ÖYSTER CULT. De tous ceux qui ont chanté pour le groupe, il demeure celui qui a le plus de prestance sur les morceaux Heavy et il ne démérite pas sur les titres plus calmes et sa forte présence sur "Cultösaurus Erectus" contribue à la bonne tenue de cet album. Les autres semblent s’en être rendus compte et se sont pas mal effacés à ce niveau.

Si cela semble tordre le cou de l’idée de ce qu’est BLUE ÖYSTER CULT, à savoir un groupe où chacun semblait chanter ses chansons la plupart du temps (ce qui est, au final, une façon très grossière et erronée de définir la formation), cela apparaît ici comme une évidence et cela donne une force supplémentaire à l’album, qui semble pour le coup plus homogène. Les musiciens se sont remis en question et livrent le résultat de leur travail, qui se veut titanesque. "Cultösaurus Erectus" montre un combo qui redresse fièrement la tête et qui ne se contente pas de la sortir de l’eau ; il en sort intégralement et semble prêt à affronter fièrement les années 80.

Cependant, il y a quelques petits ratés. Si "Monsters" avait fait monter la sauce avec ses interludes Jazzy, "Divine Wind" va faire retomber la mayonnaise alors qu’elle prenait bien. Le titre est un peu mou, il manque de peps, de mordant et "Deadline" ne va guère se montrer plus rassurant. Roeser n’est pas des plus inspirés et il contribue à ce petit ventre mou qui intervient hélas bien trop vite. Sur la version vinyle, c’est "The Marshall Plan" qui ouvre les hostilités de la seconde face et cette dernière s’avère définitivement meilleure que la première, la faute à deux titres qui ne tiennent pas la comparaison avec "Black Blade" et "Monsters". Dommage.

Ce disque est toutefois une référence pour BLUE ÖYSTER CULT. Peut-être moins varié qu’à l’accoutumée, le groupe aimant explorer plusieurs voies musicales, il n’en demeure pas moins entier. Il est le genre d’album qui dégage une réelle unité et rien ne semble pouvoir l’ébranler. Les claviers d’Allen sont parfaitement intégrés à l’ensemble et vieillissent plutôt bien, ce qui n’était pas forcément une évidence vu l’époque. Si "Cultösaurus Erectus" ne se livre pas tout de suite dans son intégralité, c’est qu’il conserve toujours certains traceurs propres au groupe, cette subtilité assez unique, cette façon de faire évoluer un riff ou d’en placer un qui semble a priori incongru avant d’exploser littéralement. Du grand art, même si cela reste encore perfectible (ce qui sera fait sur l’album suivant).

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   (2 chroniques)



- Eric Bloom (chant, guitare)
- Albert Bouchard (batterie, chant)
- Joe Bouchard (basse, chant)
- Allen Lanier (claviers)
- Donald (buck dharma roeser)


1. Black Blade
2. Monsters
3. Divine Wind
4. Deadline
5. The Marshall Plan
6. Hungry Boys
7. Fallen Angel
8. Lips In The Hills
9. Unknown Tongue



             



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