Satyr (de son vrai nom Sigurd Wongraven) est un monsieur très occupé. Non seulement, en tant que leader incontesté et incontestable de SATYRICON, il se doit d’assurer la bonne tenue de sa production musicale : celle d’un groupe séminal, inventeur du Black médiéval (avec le gigantesque « Dark Medieval Times »), et auteur de trois albums des plus cultes et indispensables aux amateurs de Black norvégien des 90’s (l’album précité, « The Shadowthrone » et « Nemesis Divina »), avant de basculer dans le creuset d’un Black plus glauque et furieusement moderne avec « Rebel Extravaganza », suivi du surprenant « Volcano ». Mais Satyr, c’est également le boss du label Moonfog, éminent lieu d’accueil de formations douées (DARKTHRONE, SATYRICON, GEHENNA, ISENGARD...). Et le garçon a toujours eu de la motivation à revendre, et il s’offrit à cet effet une petite escapade conceptuelle avec deux formations accueillant la fine fleur du Black norvégien : WONGRAVEN en 1995, avec Ihsahn (EMPEROR) aux claviers, mais aussi STORM, la même année, avec Fenriz (DARKTHRONE, ISENGARD) et Kari Rueslatten (ex-THE 3RD AND THE MORTAL). Deux projets signés d’ailleurs sur Moonfog. C’est de STORM dont je vais brièvement m’entretenir ici.

Vous l’avez lu, Fenriz, le batteur de DARKTHRONE, participe au projet STORM. Et force est de reconnaître qu’on ne sourcille pas, tant la musique développée sur ce « Nordavind » rappelle en bien des points le projet solo de Fenriz, à savoir ISENGARD... dont STORM pourrait être un approfondissement. On retrouve ainsi ce Viking Folk Metal puriste, au son très inspiré du SATYRICON des débuts (ben... avec Satyr aux commandes...) voire de DARKTHRONE, tout à fait différent du Viking pratiqué par feu-BATHORY (Welcome On Valhalla Quorthon) avec chant clair en norvégien, tempos moyens ou lents, et omniprésence d’une inspiration traditionnelle et d’un esprit Viking mâtiné de Folk (en réalité, ces dix chansons, sauf une, sont inspirées de dix vieux morceaux de Folk norvégien interprétés ici à la façon STORM). Mais là où ISENGARD ne rechigne pas à user de quelques voix Black, STORM se focalise sur le chant clair de Satyr et Fenriz (par ailleurs plus maîtrisé et un tantinet moins exalté que celui d'ISENGARD), et tend également le micro à Kari Rueslatten, qui prête sa jolie voix à la musique concoctée par Satyr, apportant un supplément de joliesse aux "Villeman" et autres "Mellom Bakkar Og Berg".

Attention cependant, STORM n’a rien à voir avec les produits Viking qui pullulent aujourd’hui, ceux qui affichent une production clinquante, des orchestrations massives et pléthores de choeurs virils. « Nordavind » n’est pas un album aguicheur : la production, aussi claire et équilibrée soit-elle, ne démord pas de ce grain qui renvoie au Black norvégien des 90’s, celui des groupes précités, avec ces riffs délayés typiques, quasi paresseux, mais dotés d’un charme certain. Les arrangements de claviers sont de même assez rares, mais toujours judicieux (l’intro et la conclusion du disque sont des plus envoûtantes, et le travail subtil des clavier fait du bien à la majestueuse "Noregsgard", qui n'est autre en fait qu'une reprise du "Quintessence" de DARKTHRONE), les choeurs n’interviennent que très ponctuellement (le très long "Langt Borti Lia" sur lequel le chant de Kari Rueslatten fait une de ses interventions les plus notables, le bien guerrier et réputé "Oppi Fjellet", avec sa diction cadencée et son tempo entraînant), et le tout ne flatte jamais bassement les oreilles de l’auditeur, qui se devra d’en passer par une phase d’acclimatation pour commencer à apprécier la demi-heure que dure cette immersion dans les profondeurs scandinaves.

Mais le plus important se cristallise cependant en une question : Et l’ambiance ? Pas de problème : Du chant clair altier et plutôt agréable de nos deux camarades de label (même si certaines parties outrancières et passionnées ne manqueront pas de susciter quelques sourires) aux riffs simples, accrocheurs et bien troussés par Satyr, STORM parvient à tisser des images de promenades nocturnes dans les bois, à la rencontre de fiers guerriers ou d’êtres foisonnant dans la mythologie scandinave... même si certains titres peuvent faire plutôt penser à une soirée arrosée dans une taverne Viking ! Mais, quoi qu'il en soit, ne vous attendez pas à de la super production : STORM demeure un projet très personnel et intimiste, sans effets d’esbroufe et autres arguments artificiels. Une œuvre sincère, plaisante, au charme discret mais réel, et pétrie de l’amour de son auteur pour la nature norvégienne. A découvrir.