Elements naquit alors que son géniteur était déjà mort. En effet, ATHEIST a toujours eu une existence difficile, de nombreux membres certainement peu satisfaits de faire partie d’une formation certes culte mais dont la reconnaissance médiatique avoisine le zéro absolu (et celui-ci se situe tout de même à -273.15 degrés Celsius, ce qui fait un peu frisquet) ayant déserté ses rangs. Tony Choy, remplaçant du défunt Roger Patterson a notamment quitté le navire pour rejoindre l’écurie PESTILENCE en 1991 et le percussionniste Steve Flynn est retourné à ses chères études universitaires peu avant. Le groupe a également mal encaissé le mauvais accueil d’un auditoire obtus lors de sa tournée en compagnie des poétiques CANNIBAL CORPSE au début de l’année 1992. Peut-être à cause d’un management déficient, la tournée qui devait le mener en Europe dans les bagages des romantiques SUFFOCATION a finalement eu lieu sans lui. Déprimés et à court de prozac, ces musiciens ont décidé de mettre un terme à leur projet incompris. Kelly Schaefer s’est notamment concentré sur son nouveau bébé, NEUROTICA.
Mais soucieux d’honorer son contrat avec la maison de disques Active Records, le chanteur et guitariste a du se remettre à l’ouvrage en 1993 pour livrer à son label un dernier effort discographique. La formation s’est reconstituée, accueillant même en son sein un troisième guitariste sorti directement du Georgia Institute of Technology. L’album a été composé en moins de quarante jours et le groupe s’est de nouveau séparé quelques jours plus tard.
Comme par miracle, les pressions du label et l’état de quasi mort clinique de l’entité n’a en rien entamé la force de création de ses membres.

Parmi les participants à l’élaboration de ce troisième album, seuls les deux six-cordistes Rand Burkey et Kelly Schaefer étaient présents lors de la confection du premier opus, le déjà brillant Piece Of Time. Le dernier cité est par ailleurs l’unique membre fondateur d’OBLIVION, première mouture d’ATHEIST à prendre part à cet Elements totalement fascinant. L’alchimie est toujours présente, comme si tous les coups subis par ce quintette occasionnel étaient incapables d’atteindre ce chaudron créateur en perpétuelle ébullition.

La formule a été quelque peu modifiée. Les ingrédients thrash death encore perceptibles sur Unquestionable Presence ont été ici laissés au placard, remplacés par une mixture progressive absconse pour le néophyte. Quelques riffs et la voix éraillée du chanteur permettent bien de s’accrocher un temps aux aspérités de cette paroi d’une substance inconnue mais la chute dans un vide hypnotique est finalement inéluctable. Les motifs ont des formes étranges, conduisent à des détours et des circonvolutions ensorcelantes, la structure même du disque semble mouvante et abracadabrantesque.

A y bien réfléchir, seul le très brésilien et bien nommé samba briza permet de rassurer l’auditeur retrouvant là des schémas connus (mais nullement metal) et lui permettant de comprendre que cette impression qu’il est en train de perdre la tête est bel et bien due à ces éléments incontrôlés dont le savant brassage effectué par le producteur Mark Pinske, ancien collaborateur de FRANK ZAPPA et STEVE VAI, donne naissance à une puissante drogue musicale.

Ce narcotique est dangereux car il devient vite indispensable. L’abus que j’en ai fait me contraint à me ronger les ongles en attendant une hypothétique reformation annoncée depuis dèjà trois ans mais dont la concrétisation semble bien difficile à se manifester.