Le Thrash fut l’un des genres majeurs des années 80 pour les amateurs de sensations fortes. Cependant, le début des années 90 faisait du style un has been du Metal, supplanté en termes de violence par le Death et plus ou moins émasculé par METALLICA qui avait changé la donne avec son "Black Album" en embrassant la voie du Heavy Metal, entraînant dans son sillage bon nombre de formations qui vireront également de bord ou qui chercheront à évoluer d’une manière ou d’une autre pour tenter de survivre. Si vous regardez un peu les notes attribuées aux groupes du genre pour cette période, vous remarquerez que certaines sont extrêmement basses ou tout juste moyennes. Comme quoi, il y avait bien une crise qui couvait et en prime, nous ne sommes pas toujours ouverts au changement, autant dire que ça s’annonçait mal cette affaire.

Puis, dans la seconde division, voire la troisième pour certains, évoluait un groupe qui n’était pas vraiment à sa place : NUCLEAR ASSAULT. Combo méritant et parfois réellement brillant, doté d’un chanteur excellent, il n’attirait à lui que des initiés amateurs de Crossover et donnait l’impression de toujours sortir ses disques au mauvais moment, là où une autre formation, plus importante, allait lui faire de l’ombre et phagocyter les médias à son détriment. Après trois albums plutôt réussis mais qui commençaient doucement à tourner en rond, deux options s’offraient à eux : poursuivre encore dans la même voie ou évoluer. Clairement, c’est la première option qui a été choisie, mais cela n’est peut-être pas entièrement du fait des musiciens. Regardez les paroles du saignant "Sign In Blood" introductif.

"Out Of Order" porte bien son nom. C’est un disque de j'en foutre. La pochette est assez morne, même si on peut y voir un message politique en réfléchissant bien (ou en étant bourré), elle sent un peu le groupe fauché à ce niveau. La production a d’ailleurs été confiée au batteur Glenn Evans en compagnie du guitariste de session Casey McMackin et le résultat, sans être mauvais, manque quelque peu de puissance. Et surtout, deux des têtes pensantes de NUCLEAR ASSAULT l’ont justement ailleurs. En effet, le chanteur/guitariste John Connelly était plus intéressé par l’écriture de son album de John CONNELLY THEORY tandis que le bassiste Dan Lilker avait le regard rivé sur son futur avec BRUTAL TRUTH, dont l’idée était en train de bien germer en lui.

Alors forcément, le reste du groupe met la main à la pâte et ils seront plusieurs à se succéder derrière le micro, ce qui ne va en rien aider à la cohérence de ce disque. Alors oui, son ouverture est plutôt efficace, vindicative et fortement teintée de cet esprit NYHC qui est l’une des marques de fabrique de NUCLEAR ASSAULT. Ça bastonne bien, c’est rapide, incisif. Et il faut en profiter, parce qu’ensuite, nous avons principalement droit à une succession de mid tempi assez fadasses. Les morceaux sont un peu plus longs qu’à accoutumée, un instrumental interminable et un peu fastidieux s’invite dans la danse ainsi qu’une reprise des plus incongrues. Et pour la première fois, nous nous retrouvons face à un disque qui se traîne, qui va culminer à 46 minutes quand les précédents tournaient autour des 35. Et onze minutes, ça peut être très long.


Cet album se traine misérablement. Malgré un opener qui devient rapidement un leurre plus qu’autre chose, NUCLEAR ASSAULT peine ici à convaincre. Il lui manque sa hargne, ses dérives Hardcore, son sens du riff et du refrain efficace. On se réveille bien quand déboule "Stop Wait Think", qui renoue agréablement avec la vitesse, mais souvent nous ne savons pas trop où nous mettons les oreilles. "Too Young To Die" ressemblerait presque à un cri de détresse tant il annonce le naufrage qui s’ensuivra, où les musiciens jouent à l’automatisme plus que par passion. La présence de claviers pourra laisser songeur également. Si cela fonctionne bien sur "Stop Wait Think", cela passe moins bien sur l’instrumental "Save The Planet". On approuvera vaguement le refrain aux consonances Death de "Resurrection", laissant à penser qu’ils avaient compris quel genre était en train de leur damer le pion.

Puis il y a cette reprise du "Ballroom Blitz" de SWEET, qui n’arrange pas grand-chose à l’affaire. Amusante lors des deux ou trois premières écoutes du disque, elle devient rapidement indigeste et pourrait résumer à elle seule l’album : creux et indigeste. Connelly a laissé toute sa verve de côté, Lilker n’est pas plus inspiré, les soli d’Anthony Bramante ne sont pas dégueulasses, mais ils sont toutefois bien convenus. La centrale prend l’eau de partout, nous sommes au bord du désastre nucléaire, d’autant plus que cette baisse de régime claire et nette fait forcément grincer des dents après l’insolente réussite des trois opus précédents. Et pour les fans, difficile de ne pas sortir de l’écoute de ce disque avec la gueule de bois.

Clairement, le groupe ne voulait pas faire ce disque tant il donne l’impression de s’être auto-sabordé sur "Out Of Order", au titre parfait tant la formation est aux abonnés absents. Pour celui qui a aimé les efforts précédents, forcément, c’est une déception (ou pas, j’en connais qui apprécient cet album). À partir de là, NUCLEAR ASSAULT, qui jusque là avait paru soudé, va complètement se déliter et s’enfoncer dans la crise. Cela va commencer par les départs de Lilker et Bramante, suivi par un changement de cap qui ne va pas être très bien accueilli également. Parfois, il suffit que les étoiles s’alignent mal pour que tout dérape. Ici, nous assistons à l’un des naufrages parmi les plus spectaculaires du Metal. Grosse déception.

Note réelle : 1,5/5