La Lithuanie a une histoire commune avec la Pologne frontalière. Du Moyen-Âge jusque la fin du XVIIIème siècle les deux pays étaient unifiés. La musique traditionnelle a donc des racines communes avec celle polonaise. Sous le joug du communisme, le Rock, cette "musique de dégénérés" selon les mots du régime a été muselée. Son émergence a été contrainte et une scène enfin s’est érigée rapidement après la chute du mur de Berlin. L’histoire n’est pas anodine car elle aura marqué plusieurs générations dont celle qui compose ZPOAN VTENZ. Cette célébration de la culture, des chants patriotiques et guerriers, de l’identité pourrait faire office d’une forme de rédemption strictement nécessaire pour réapprivoiser ses origines. Fin de la parenthèse.

Ne vous effrayez pas devant ce patronyme imprononçable, ce trio pourrait en dire tout autant des nôtres. Eux, ce sont des Lituaniens et les membres émérites des groupes qui ont fait la légende et l’émergence de la scène baltique dans les années 90 ; citons par exemple POCCOLUS et son album éponyme, et le tout aussi intéressant "Pabudimas" de HA LELA comme figures de proue. Cela ne vous dit toujours rien ? Je comprends. Il faut bien se le dire les groupes précités n’ont pas eu l’aura qu’ils pourtant méritaient. Pour conjurer cette mauvaise fortune nous aurons l’occasion de reparler de ces deux-là. Si je pouvais vous définir ZPOAN VTENZ je le catégoriserais comme une entité folklorique qu’un Metal parfois rugueux accompagne. Je pourrais ranger ce combo lituanien aux côtés de STORM, ISENGARD, WONGRAVEN mais ce serait faire fi d’une identité davantage ecclésiastique et marquée par des confluences diverses.

ZPOAN VTENZ n’en oublie pas pour autant son appétence pour le Black Metal à l’instar de la track "Pavirtys Unt Ažuolų", petite ballade sonore où une diction vociférante accompagne tout du long un titre résolument mid-tempo mais aux accents guerriers et frondeurs. Mais là où cette entité impressionne c’est sur ces explorations folkloriques qu’elle réussit à marier à une ambiance frissonnante. J’en veux pour exemple criant cette piste sublime qu’est "Voi Užkit Gauskit", le chant prodigue de Vilma Čiplytė est absolument magique. Il emporte l’atmosphère et resserre la mélancolie ardente et l’expression sensible de ces chants folkloriques contant les temps glorieux de cette peuplade balte. Pour preuve encore "Kukava Povas" (= le cavalier à fleurs), une chanson enivrante au possible et qui s’érige comme l’hymne de l’album. À son écoute je perçois toute l’influence que ZPOAN VTENZ a eu sur un groupe tel que STWORZ sur ces meilleurs albums tels que "Mój Kraj Nazywa Się Śmierć" mais aussi sur le Ritual Ambient de VISHUDHA KALI ou la Neofolk sombre et païenne de MOON FAR AWAY. À ce propos je ne peux que vous recommander l’album commun de ces deux entités, le bien-nommé : "Vorotsa". Étendez-vous sur une colline, la vue dégagée, les yeux rivés au sol et laissez-vous guider… Expérience garantie.

Au son du kankles et de la birbynė, ZPOAN VTENZ nous émeut profondément sur certaines pistes de "Gimę Nugalėt". Les approximations sont résiduelles mais ne ternissent pas le sentiment, que dis-je la fierté plutôt de tenir un album unique et digne d’intérêt. L’artwork est simplissime, la distribution de l’époque n’a jamais contribué à son émancipation. Il fallait vraiment s’équiper d’instruments archéologiques pour dénicher et mettre à jour ce petit trésor. Si vous aimez le folklore, les pistes instrumentales guerrières, que vous avez besoin de quelques titres plus brutaux et surtout que vous appréciez les voix claires masculines et féminines, munissez-vous d’accoutrements d’antan et plonger dans l’histoire de ce peuple. Cela ne peut que rendre honneur à la production de cet album, à sa belle originalité, son identité marquée… et à la Lituanie.