"La vie, c’est comme une boite de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber". A l’instar de Forrest Gump, SPIRIT BOMB semble avoir fait sienne cette devise éclairée. Il faut dire que "Tight" démontre une versatilité assez déconcertante tout au long des 13 titres proposés sur la galette. Du Hard Rock à la Fonk, comme on disait à mon époque, en passant par le Blues, la Folk, la Pop, le Gospel, le Jazz expérimental ou la Fusion, il y en aura pour tous les goûts.

Quand Brice a suggéré que nous chroniquions les petits Frenchies sur NIME, évoquant au passage les RED HOT CHILI PEPPERS ou INCUBUS (dans sa première vie), je me suis naturellement porté volontaire, ayant plus que largement poncé les deux combos en question. S’il m’a fallu autant de temps pour pondre cette bafouille, c’est que la première écoute m’a laissé perplexe. Il faut convenir que la bestiole est plutôt difficile à apprivoiser, sauvage et incontrôlable (ou incontrôlée ?) sur une durée inamicale au premier regard (1h07, quand même). J’ai dû m’y reprendre à maintes fois pour tenter de domestiquer l’animal. Entre le bordel hétérogène et la créativité incoercible, le fil est parfois tenu.

Formé à Marseille en 2015 à l’initiative du dessinateur Pierre Legay et du guitariste Arnaud Duquesne, la formation a commencé par créer cinq personnages fictifs souhaitant empêcher la fin du monde. Façonnant un univers aussi bien musical que graphique, la genèse du combo vous fera indubitablement penser à GORILLAZ, et vous aurez bien raison. On y retrouve le côté barré et sans limite qui caractérisait si bien le projet de Damon Albarn (BLUR) et Jamie Hewlett, autant visuellement que d'un point de vue sonore ("One Spirit One Bomb", "Intro").

L’œuvre sera donc réservée à un public ouvert sur les différents styles déclinés ici, mais au contraire de certains essais plus réputés (le dernier AVENGED SEVENFOLD pour ne citer que lui), je retrouve ici une forme de continuité rassurante, que ce soit sur les instruments qui effectuent la liaison entre les différentes pistes ou le chant de Valérian Caetano, constant dans son approche, sa tessiture et dans son attitude, quand bien même il s’essaie à différents styles. Aucune composition n’appartient en effet à un seul courant, chacune étant teintée de plusieurs influences dans l’ensemble digérées.

On se balade du coup entre moments posés, bluesy à souhait, subites accélérations rockabilly, basse claquante comme un coup de trique, leads virulents à la SYSTEM OF A DOWN (superbe "Take My Land" qui ne manquera pas de raviver une flamme éteinte depuis trop longtemps) dans un tourbillon déconcertant mais ô combien addictif pour qui voudra bien s’en donner la peine. La culture musicale des membres du combo est indéniablement large, et cela se ressent franchement dans leur capacité à restituer l’esprit de leurs glorieuses influences.

Le principal défaut de ce disque, qu’il est délicat de directement reprocher à un jeune groupe se démenant du mieux qu’il peut, réside dans sa production, qui divisera. D’aucuns la trouveront épurée et organique. En ce qui me concerne, elle manque parfois de poils et d’épaisseur, tout au moins en ce qui concerne les chansons les plus "Metal". J’aurais aimé un rendu plus gras, quand il s’agit d’envoyer de la rillette au plafond. Autre bémol, Valérian est parfois à la limite, dans les aigus mais aussi dans un registre plus agressif. S’il s’éclate dans les registres Fusion d’un Anthony Kiedis ou d’un Brandon Boyd, il souffre plus d’une carence en coffre et en personnalité, quand bien même le spectre à couvrir proprement serait sans doute inabordable pour le commun des mortels.

Car le groove est bel et bien là, sous-jacent et indéniable fil conducteur de ce "Tight" séducteur. Il résonne en permanence, faisant remuer aussi bien les têtes que les popotins, dessinant simultanément un sourire sur le visage des explorateurs curieux de contrées musicales bariolées, malgré une durée sans doute excessive que l’on mettra sur le compte d’un enthousiasme juvénile. Reste malgré tout qu’un petit ratiboisage n’aurait pas été de trop, certaines pistes s’avérant un chouia redondantes sur la fin (le bancal "Bababudda" qui démarre pourtant bien mais peine à tenir ses promesses ou l’interminable "When Police Riots" par exemple).

L’envie et l’ambition qui parcourent cet essai séminal made in France font cependant plaisir à entendre car SPIRIT BOMB ne se refuse rien, ni les passages à la RAGE AGAINST THE MACHINE, ni les penchants Hip-hop (irrésistible "Break A Brick", qui se promène entre CYPRESS HILL, Curtis MAYFIELD et Bob MARLEY sur une savoureuse ligne de basse), dans un joyeux foutoir plus organisé qu’il n’y parait à la première impression.

Nice job, guys ! A quand la suite ?

Note réelle : 3,5/5.