Mais quel idiot je fais.

Vous savez, arriver en tant que chroniqueur tout neuf a ses avantages (et même pas d’inconvénients, à en juger par la bienveillance universelle de l’équipe de NIME) : si vous arrivez avec un style de prédilection qui n’a pas été traité et usé jusqu’à la corde, vous pouvez débouler avec votre lot d’albums que vous avez eu le temps d’écouter en boucle et sur lesquels vous pensez avoir un avis déjà tranché. C’est ce que je me suis dit en demandant à Mefisto s’il acceptait de me céder la courte discographie de SHOKRAN, chose qu’il a accepté gentiment sans discuter.

"Supreme Truth" a presque dix ans au moment d’écrire ces lignes, et je l’avais repéré dès sa sortie à l’époque, et mon moi-même de dix ans plus jeune, avec des cheveux sur le crâne et des goûts musicaux parfois douteux avait trouvé cela novateur et fantastique. "Youpi" me dis-je en 2023, un album qui va être à la fois facile et plaisant à chroniquer ! Erreur.

Ce debut album des Russes de SHOKRAN est LONG. Pas tant temporellement avec sa quarantaine de minutes au compteur, mais long en titres : quinze. Arithmétiquement, vous vous doutez qu’il va être pénible de dépasser les trois minutes chacun, et que, conséquemment, captiver l’auditoire va être ardu sans faire preuve d’efficacité. Hélas cette vérité suprême n’en prend pas le chemin.

Alors certes, l’ambiance orientale est présente, mais fait plus office d’alibi pour justifier l’esthétique générale du quintet, que d’élément tangible structurant la démarche artistique globale. Pour preuve, certains morceaux en sont totalement dépourvus, au profit d’accents purement Djent, sans réelle profondeur. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit, tout n’est pas à jeter, loin de là : quelques titres à l’instar de "Collapses", "Pray The Martyr", ou l’éponyme (ça y est vous avez mon top 3) sortent nettement du lot et parviennent à déclencher quelques hochements de tête frénétiques de l’avant vers l’arrière.

Le souci demeure dans le fait que ces quelques bons éléments sont violemment contrebalancés par des morceaux aux relents Core bas de plafond et insipides, voire gênants pour certains ("Ghost Ruins", "Original Sin") tellement le chant est poussif et que rien de consistant n’est proposé. J’avais déjà eu cette impression désagréable à l’époque de déja-vu sur une écoute d‘une traite tant certaines tracks se ressemblent… Beh oui, vous arrivez à trouver quinze synonymes d’un même mot vous ? SANS TRICHER !

Et pour couronner le tout, l’album donne l’impression de se conclure par le titre éponyme, avec une outro qui aurait fait sens, mais NON ! Ils étirent le bouzin sur quatre autres titres absolument inutiles… Donc "Supreme Truth" se termine par "Supreme Truth", je le décrète.

Je n’ai pas abordé l’effort des autres membres du groupes, qui font ce qui leur est demandé, ambiance minimum syndical. Ça breake, ça sweepe de temps en temps sur un mixage plus lisse et poli qu’un galet qui dit bonjour, les orchestrations de cordes sont saupoudrées au compte-goutte sans réelle histoire à raconter, les thématiques des titres s’enchaînent mécaniquement, et des contextualisations comme les psalmodies introductives de "Punishment" peinent à convaincre. Joyeux bordel.

Conclusion, ça m’apprendra de vouloir aller à la facilité tiens ! Je pense avoir rendu une fière chandelle à l’ami Mefisto sans le vouloir, donc de rien je suppose ? J’espère qu’avec "Ethereal" de 2019 ma mémoire me fera moins défaut, et qu’il y a quatre ans j’avais déjà moins des goûts de chiottes qu’en 2014 !

Note réelle : 2/5, et je l’efface de ma mémoire pour de bon cette fois !

Morceaux préférés : cf. la chro, et pour ne pas être trop radin, ajoutons "Crot(te)alus" et "Charon".

Point pochette : ésotérique et sublime, là, ne boudons pas notre plaisir !

N.B. : Il existe des versions instrumentales de tous les albums de SHOKRAN, et seule cette de "Exodus" en mérite l’attention, voilà, c’est dit.