S'il y a bien en France, une maison d'édition qui a le vent en poupe au moment de parler de littérature 'Metal' et assimilée, ce sont sans conteste Les Éditions Des Flammes Noires. Admiratif de la qualité du travail qu'il nous propose depuis quelques années et de l'abnégation avec laquelle il mène sa barque, cet Émilien Nohaïc, Charon et passeur d'Art vers l'autre côté du miroir, ne cesse de proposer des ouvrages solides tant biographiques (MOONSPELL, PARADISE LOST, ROTTING CHRIST, ou le tout récent BEHEMOTH) que thématiques (la scène arménienne, le Stoner, le Black Metal de France, etc.) et ce n'est pas un mince honneur que de l'avoir reçu comme invité dans le second épisode de notre podcast NIME (*).

S'il y a bien en France, un artiste graphique qui a le vent en poupe au moment de parler d'illustrations 'Metal' et assimilées, c'est sans conteste Jeff Grimal. Récemment mis en avant grâce à l'utilisation de ses toiles vertigineuses qui, tant par leurs approches variées qu'uniques, ne manquent invariablement d'interpeller le vagabond solitaire qui s'y trouve plongé ; vous aurez peut-être vous aussi déjà été ébahis devant ses visions lovecraftiennes illustrant les disques de The GREAT OLD ONES (parmi lesquels il officia un moment en tant que guitariste/vocaliste).

Une collaboration entre ces deux personnalités semblait inévitable. C'est ce qu'on voulait. Et c'est ce qui leur fallait, tant les deux semblent s'être bien trouvés !


Avant toute considération, posons l'aplat nécessaire à cette chronique, cette galerie d'art n'est pas 'Metal'. Jeff Grimal le dit lui-même, il ne souhaite se restreindre à aucune scène particulière et nous pourrons aisément le retrouver à exposer dans de nombreuses galeries (au sens large) ou vernissages, en festival (bien sûr), mais aussi dans des salons axés littérature (librairies), ou lors de conventions davantage tournées vers l'ésotérisme. Néanmoins, que cela ne vous empêche surtout pas de vous ouvrir aux insondables perceptions de l'artiste, qui ne sauraient vous laisser indifférent. Déjà, car le Girondin à plus d'une corde à son art, mêlant les mediums (peinture à l'huile, feutre), les techniques (couteau, point-à-point, impressionnisme, calligraphie) et les thématiques diverses (nature, tarot, portraits, etc.), mais en plus, car ces susmentionnées formes artistiques, il les maîtrise parfaitement, alternant les cycles créatifs (de quelques mois à quelques années) pour sans cesse se renouveler. Ce sont ces cycles, ici scindés en huit chapitres principaux où se mêlent grandiloquence et décadence, qui vont imprimer leur propre rythme - tour à tour infernal ou pavé d'une certaine sérénité - à ce beau et solide recueil (dont la qualité d'impression et de mise en page est à souligner).



Ainsi les ignominies crépusculaires représentées dans "Citadel" et "Lovecraft", gargantuesques entités d'acrylique et d'huile, prendront facilement vie devant vos yeux effarés. Les sens en émoi le temps de véritables rituels transcendantaux (cf. ses séances de peinture en timelapse sur YouTube), c'est en sensible Dr Frankenstein moderne dans sa façon d'aborder la toile, que Jeff malmène avec aménité ses créations en devenir, ces colosses de matières si imperturbables dans leur malléabilité. Jouant avec la profondeur de la matière, taillant à même les couleurs et les teintes, appliquant implacablement ses fugaces visions qui semblent couler tout naturellement du cœur au pinceau, du muscle au couteau, ces créatures demeureront ainsi emmarbrées dans la toile pour les éternités à venir. Les thématiques s'enchainent alors. "Abstrait" ne tarde à nous prendre dans ses rais vertigineux, sitôt suivis d'une explosion de sens lors de "Nature" présentant une faune incandescente, irradiant d'une énergie primale pure et brute. À l'inverse, son travail au feutre en 'dot' (pointillé) sur "Black & White", véritable acuponcture visuelle et relevant d'un certain stakhanovisme devant l'ampleur du travail abattu, gagne en implacabilité ce qu'il perd en sensibilité. Et ce sont tous ces aspects de son œuvre, sous ces différentes déclinaisons que vous promet les deux éditions (**) de cet ouvrage de 184 pages en 24x32.



L'autre exercice périlleux de cette chronique est bien de parvenir à mettre des mots sur un recueil d'images qui plus est, lorsque nombre des codes en ce domaine artistique spécifique ne vous sont pas forcément familiers. Même si les artworks et les illustrateurs 'Metal' sont des sujets qui nous fascinent, de là à savoir vous mettre en perspective toute l'immensité de la chose qui se déroule et se tortille ici, et d'avoir le bagage technique pour vous expliquer comment peut-on passer quarante minutes à s'émouvoir devant les hypnotiques canevas d'un chapitre d'une quinzaine de pages, il y a un monde. Un monde captivant, tourmenté et vaporeux. À ce titre, l'accompagnement écrit (français et anglais) de Raphaël Verguin qui croise sa plume à celle de Gérald Milani (à la préface (***)) est là pour ça. Multi-instrumentiste de son état, connu pour ces violoncelleries au sein de SPECTRALE (avec Jeff), de PSYGNOSIS et de IN CAUDA VENENUM (sans oublier cet ovni-baroque qu'est RÏCÏNN, ainsi que quelques guests occasionnels comme chez HELIOSS ou MONOLITHE), ce scribe scrutateur, guidé à n'en point douter par l'illustrateur lui-même, nous tend une main bienvenue au moment de baliser notre visite en ce vortex de symbolismes où la réalité n'a que peu de prises. À titre personnel, nous imaginions davantage des textes brodés à partir des œuvres elles-mêmes, mais ce parti-pris est au final logique, tant le travail de Grimal se suffit à lui-même. Certains chapitres ("Citadel") nous sont ainsi apparus sous un angle totalement différent, preuve que chacun peut vivre son propre ressenti face à ces colossales et imprenables vues de l'esprit. Par chance, même sans cette aide de lecture bienvenue, l'art de Jeff Grimal tant dans sa représentativité que dans sa démesure, via les techniques utilisées, demeure extrêmement sensitif et à fleur de p(inc)eau, en un mot viscéral. Immersion garantie !!


Reste un trio de chapitres final un peu à part, puisque s'affranchissant de la démesure des précédents pour une interview de l'artiste dans son atelier ainsi qu'un laïus sur sa série "Tarot" (cartomancie et médiumnité jouant une place importante dans sa vie), puis d'un florilège de pochettes conçues pour d'autres formations (GOROD, IN CAUDA VENENUM, PËRL, LES CHANTS DU HASARD, etc.) commentées par l'intéressé ou les commanditaires.

À l'instar d'autres artistes actuels dont j'admire le travail qui ont pu bénéficier (Costin Chioreanu) ou pas encore (Eliran Kantor, Adam Burke, Mariusz Lewandowski (RIP), etc.) de ce type de support, Jeff Grimal méritait amplement un livre récapitulatif de son œuvre graphique. Le résultat est à la hauteur de nos espérances, et on aimera s'y plonger à l'occasion et flâner au gré des reproductions proposées. Bravo à l'artiste et merci, donc, aux Éditions Des Flammes Noires de nous le glisser entre nos mains avides.

PS : une balade visuelle à agrémenter d'un bon thé et bien évidemment des productions musicales du maître en fond sonore. Goutez un peu à du KESYS sur "Nature", et aux GREAT OLD ONES sur "Lovecraft", enivrez vos sens…

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(*) Notre podcast NIME, épisode 2 : https://smartlink.ausha.co/nightfall-in-metal-earth/episode-2-avec-emilien-des-editions-des-flammes-noires

(**) Couverture souple ou rigide (accompagnée d'un lot de reproductions A4), au choix, présenté avec des illustrations différentes, mais aux contenus identiques

(***) Gérald Milani, boss des Acteurs De L'Ombre, qui hébergent régulièrement les œuvres musicales auxquelles Jeff Grimal participe, des débuts de The GREAT OLD ONES, à KESYS et SPECTRALE.