Parmi les nombreux produits dérivés estampillés Hellfest, la publication d’une bande dessinée dévouée cases et phylactères à proposer une vision bucolique et sympathique du plus gros festival musical français est sans doute l’initiative la plus risquée. Créer de l’art autour du festival, étoffer l’univers du Hellfest pour l’inclure dans des aventures dessinées, voici un pari qui n’était pas gagné d’avance. Et un an après la sortie de "Hellfest Metal Vortex", il semble que ce pari se soit révélé payant, puisque malgré quelques faiblesses, essentiellement scénaristiques, ce premier tome porté par la maison d’édition Rouquemoute (via sa collection Hellmoute) a su trouver son public. Un an plus tard, voici donc nos trois héros Barbara, Nounours et Mike, de retour pour une nouvelle aventure, avec aux manettes le même duo d’auteurs (Jorgen Bernstein, Fabrice Hodecent), et aux pinceaux le très talentueux Pixel Vengeur.

On se retrouve donc ainsi dans un univers graphique désormais familier. Le coup de crayon de Pixel Vengeur, déjà très affûté sur le premier tome, est sans nul doute le point fort de cette nouvelle réalisation. Plusieurs planches sont de véritables œuvres d’art et le dessin, en grande partie inspiré par la BD franco-belge, notamment les travaux de Gotlib, est vraiment la raison principale justifiant l’achat de ce nouveau tome. Les caricatures des nombreux groupes et artistes issus de la sphère Metal (ou d’ailleurs comme vous le constaterez) sont toutes réussies, et le trait qui semble encore plus précis que sur "Hellfest Metal Vortex" est d’une précision remarquable. Bravo. Il y a notamment ici un petit côté faussement nonchalant dans le dessin, qui peut rappeler l’univers de Jannin (Germain et Nous), et qui fera plaisir aux amateurs des BD des années 80, notamment les lecteurs du journal de Spirou.

L’histoire est relativement simple : nos trois héros sont bien décidés à donner une place plus importante à L’AMOUR au sein du festival et, désireux de transformer la Warzone en Lovezone, vont déployer moult subterfuges pour laisser libre cours la passion et ses manifestations tout au long du festival. L’enjeu, vous l’aurez compris, est donc assez basique, et il n’y a finalement guère de trame narrative, cette volonté de propager le LOVE étant prétexte à une succession de scénettes humoristiques. L’album est ainsi finalement construit à la manière d’un album des Bidochon, avec des gags en quelques planches liés par un thème commun et se déroulant tous, dans notre cas présent, au sein du Hellfest ou dans la ville de Clisson. L’intrigue est accessoire, l’important étant ici de provoquer l’humour par tous les moyens possibles, et notamment des jeux de mots livrés à la pelle, et parfois sans considération de leur éventuelle qualité (spoil : ils sont souvent médiocres). Les auteurs se retrouvent ainsi à énumérer tous les mots en -elle pour les transformer en -hell. Quelques exemples ? "aquar’hell", "développement person’hell". Assez vite, on sature, car ces traits d’humour un peu patauds pourraient se révéler parfaitement acceptables s’ils n’étaient pas leur propre finalité et s’ils servaient une trame narrative intéressante. Or il n’en est rien.

Plus débridé que le tome précédent, "Hellfest Metal Love" propose essentiellement une litanie de clichés sur le festival (les fameuses "battles" de caddies notamment sont représentées) et l’on se retrouve à lire ce qui constitue avant tout une private joke longue de 96 pages. Pour les amateurs du festival, pas de soucis, ils trouveront ici l’univers qu’ils apprécient et ce ton léger, bon enfant, qui est une des principales caractéristiques du festival clissonais. Il ne faut malheureusement pas rechercher plus que cela, et en fin d’ouvrage les personnages eux-mêmes semblent lassés par cette accumulation de blagues sans substance. La fin de l’album est d’ailleurs elle-même une déception. On aurait en effet aimé qu’en guise d’épiphanie, plutôt que la résolution d’un running-gag bancal qui se retrouve maladroitement propulsé au statut d'intrigue principale, nos héros découvrent ou réalisent que dans le Metal, tout est amour : l’amour pour un mode de vie, pour un style musical, l’amour pour un artiste, pour son prochain ou pour l’humanité tout entière. Alors que les auteurs auraient pu révéler l’essence-même du metal (et à quoi sert un festival si ce n’est à répondre à notre recherche d’amour ?), ils préfèrent la galéjade facile. Quel dommage.

Plus faible que sur le premier tome, le scénario est donc ici le point d’achoppement qui ne nous permet pas d’apprécier pleinement ce "Hellfest Metal Love" qui, porté par un dessin formidable, méritait d’être servi par une meilleure intrigue. Si vous cherchez à prolonger l’ambiance du Hellfest, à vous rappeler l’ambiance du festival, alors ce "Hellfest Metal Love" trouvera peut-être une place de choix dans votre bibliothèque. Il ne faut malheureusement pas lui en demander plus.

2,5/5.

Une BD à acheter directement chez son éditeur : https://boutique.rqmt.fr/80-hellmoute

HELLFEST Metal Love
Pixel Vengeur, Jorge Bernstein, Fabrice Hodecent
96 pages, 19,4 x 28,6 cm, couverture cartonnée
Imprimé en France par Pollina (Vendée)
ISBN : 979-10-96708-71-0
Prix de vente public : 20 €