Après la claque délivrée par MALEVOLENCE l’année dernière avec son "Malicious Intent", élu à l’unanimité par moi-même meilleur album de Metalcore de 2022, il est à présent plus que temps de revenir sur la genèse du mal, et essayer de comprendre comment la citrouille s’est transformée en carrosse rutilant. Flashback de dix ans en arrière pour leur premier LP, le bien-nommé "Reign Of Suffering". Et force est de constater que l’histoire y était déjà écrite en filigrane.

Car les Anglais forment une équipe, une vraie. Soudée depuis le premier jour, et ayant travaillé dur pour monter l’échelle rouillée de la hiérarchie Metallique, latte par latte. Officiellement formé à Sheffield en 2010 avec l’arrivée d’Alex Taylor au micro, son origine date en fait de l’école primaire, avec la rencontre autour d’une passion commune pour le Heavy, de Josh Baines et de Konan Hall, la paire de gratteux de la formation. Au-delà de l’instant wikipedia trop choupinou, on ressent véritablement une cohésion forte entre les membres, qui composent encore le line-up aux moments où j’écris ces lignes, chose finalement peu fréquente. Ce qui saute véritablement aux yeux en live se ressent également fortement en studio, l’ensemble se montrant extrêmement compact et solide.

Œuvrant à la croisée du Hardcore et du Groove, MALEVOLENCE use régulièrement également de motifs Thrash plus que savoureux, concoctant finalement une recette plutôt originale dans un genre d’ordinaire bien balisé. Si en plus, vous ajoutez des passages à la frontière du Sludge, là, vous tenez quelque chose de vraiment particulier. La qualité des guitaristes est également à mettre en lumière, se complétant à merveille et possédant une technique pas si fréquente dans le domaine -Core, plutôt réputé pour ses limites en la matière. Ça part véritablement de tous les côtés sur les huit pistes du disque, tant au niveau riffing que soli et certains passages évoquent assez justement la paire Morton/Adler de LAMB OF GOD, pour le meilleur.

Si Alex Taylor officie en tant que frontman officiel, et nous gratifie d’un chant Hardcore intense et honnête, mais plutôt classique, Konan Hall vient apporter une seconde voix grave et écorchée qui fait la différence lorsqu’elle pointe le bout de sa glotte, comme sur le poisseux "Turn To Stone", lourd et méandreux comme du bon CROWBAR. Seul morceau véritablement « posé » de "Reign Of Suffering", il montre l’étendue du spectre musical des Britanniques, qu’il serait dommage de réduire à la qualification de Metalcore. Plus long également, ce titre apporte une réelle profondeur à l’ensemble, qui a pour le coup plutôt tendance à ne pas perdre de temps en chemin, traçant sa route sans faire de prisonniers.

La plupart des chansons rappelle en effet pourquoi AT THE GATES constitue un pont entre Metalcore et Melodeath, et une influence majeure pour nombre de formations modernes, peut-être plus que leurs camarades d’IN FLAMES et de DARK TRANQUILLITY d’ailleurs. Plus extrême, plus Hardcore que leurs compatriotes suédois, la bande de "Tompa" Lindberg aura décidément enfanté nombre de rejetons, bien au-delà du courant qu’il a contribué à créer.

Le trio d’ouverture est particulièrement réussi en ce sens. "In The Face Of Death", "Condemned To Misery" et surtout "Serpents Chokehold" et son intro aux petits relents de PANTERA, lancent l’opus sur des bases très élevées. Sans doute un poil trop pour être honnête, car hormis le déjà évoqué "Turn To Stone", l’album ne tiendra pas totalement la distance, l’écriture souffrant parfois d’un manque de maturité, comme si MALEVOLENCE avait voulu trop en mettre, et n’avait pas su sélectionner ses idées. C’est parfois un peu frustrant, car il y a beaucoup de bonnes choses tout au long de ces 35 minutes, mais ça ne fait pas forcément au final d’excellentes compositions. Si l’on reproche parfois à juste titre à MAIDEN ou METALLICA d’étirer leurs propos au-delà du raisonnable, on a ici l’effet inverse et la lisibilité du songwriting en souffre quelque peu, il faut le reconnaître.

Une erreur de jeunesse sans doute, qui, je vous rassure, ne vous empêchera pas de pleinement profiter de la castagne, garantie 100% sans chant clair ni mièvreries. La rage Hardcore n’est pas feinte et le mélange des genres brassés n’est que source d’enrichissement de la musique délivrée, à aucun moment une volonté d’aguicher les foules.

Authentique et sincère, MALEVOLENCE livre en 2013 un effort studio extrêmement prometteur, à défaut d’être pleinement abouti. Tout le monde ne peut pas faire un strike dès sa première tentative comme GUNS N’ROSES ou RAGE AGAINST THE MACHINE. Certains franchissent les étapes de manière plus besogneuse, marche après marche. Compte-tenu du talent ici démontré, cela n’est certainement pas une critique, mais plutôt un compliment. Cela permet de progresser et évite également d’exploser en vol.