"Let It Rock" c’est l’album un peu maudit de GREAT WHITE. Pourquoi maudit ? Déjà parce qu’après des années à être sur une major (Capitol) le groupe une fois l’hiver venu se retrouve bien démuni et va trouver refuge chez des petits labels à la distribution plus que limitée (Zoo pour "Sail Away" et Victor pour celui-ci). En plus d’avoir quitté leur label, leur manager et partenaire d’écriture de chansons ce bon vieil Alan Niven n’est plus de la partie. La tourmente s’invite aussi dans le line up du groupe qui n’est pas des plus stables au moment d’enregistrer l’album : le bassiste Dave Spitz (BLACK SABBATH, WHITE LION, IMPELITTERI) est une nouvelle fois considéré comme un invité, comme ce fut le cas sur "Psycho City" (1992) ; Teddy Cook n'étant finalement resté que pour un seul album : "Sail Away" (1994).

Pas de clips et une promo asthmatique vont faire que cet album va passer sous les radars. Et pour bien enfoncer le clou regardez-moi cette pochette !! Franchement laide ! N’oublions pas non plus que l’époque ne leur est guère favorable. 1996 : les derniers feux du Grunge, et l’Alternatif dominent MTV. Après un album majoritairement acoustique que va décider le grand requin blanc pour son essayer de revenir sur le devant de la scène ?

Le premier morceau, co-écrit avec Don Dokken, fait un peu peur : assez sombre, assez grungy on est bien éloigné des "Hooked" ou "Psycho City". Après ce titre ne représente pas tout l’album et il n’est pas non plus comme "Shadowlife" de DOKKEN qui lui est un album horrible de sous Grunge. Une fois cette entame passée nous retrouvons très vite un bon Hard Rock'N'Roll bien entraînant et accrocheur ("Lil' Mama") même si pas des plus mémorables non plus. Ce n’est pas du calibre de "Call It Rock N'Roll" par exemple. Enfin on est rassuré Kendall a su garder son touché et Russell sa voix si magique.

Le mid-tempo bluesy "Pain Overload" fait bien penser à "Rock Me" avec son intro de basse. Les claviers de Lardie bien présents sont sympas… mais en 1996 tellement datés. Une fois de plus le sens de la mélodie et le jeu de Kendall sont les éléments qui continuent de distinguer GREAT WHITE de la horde de chevelus qui avait jadis envahi MTV et qui en cette moitié 90s essaye juste de survivre. "Lives In Chains" se veut plus lourd et sombre sur les couplets mais contrebalance le tout avec un refrain plus aéré. Les paroles pour une fois qui sont acerbes sur les talk-shows et la société de consommation rivée à sa TV sont bien vues et peu fréquentes chez le groupe. Les voix off tirées de ces émissions poubelles sont bien insérées dans le morceau et rappelle le titre "Psycho City" (son intro tout du moins).

"Anyway I Can" est punchy mais reste assez moyen. Le riff de fin fait bien penser à AERSOMITH période Geffen (très "Love In An Elevator"). "Hand on the Trigger " est un très bon mid-tempo où la guitare de Kendall brille de tout son talent. GREAT WHTE étant malin, les balades sont évidemment de sortie. A cette époque rien ne sert de jouer au teigneux face à la horde de métalleux qui squattent les ondes (PRONG, PANTERA, WHITE ZOMBIE etc…) et donc autant mettre en avant ses atouts. Pour GREAT WHITE il s’agit de la voix de Russell et du feeling de Kendall. Le nombre de balades s’élève à quatre.

On commence par "Easy" qui rappelle un peu le sublime "Lights" de JOURNEY. Un très beau morceau (même si les versions live expurgées des violons sont je trouve meilleures). "Man In The Sky" majoritairement acoustique est magnifique. Ici on se rappelle au bon souvenir de "Sail Away" et c’est vrai qu’avec un chanteur de la trempe de Russell il aurait été bête de s’en priver. Quitte à se répéter on peut légitimement dire que le joyau du groupe c’est bien lui (et pour s’en persuader il suffit de voir la valse de clowns sans intérêt qui ont essayé, et essayent encore, en vain de le remplacer !). Dans le même genre on trouve "Where Is The Love" avec sa jolie douze-cordes acoustique et son joli solo très LED ZEP en électrique pour conclure.

On conclue ce chapitre avec "Miles Away" au feeling plus 70s mais curieusement le plus mièvre des quatre. Dommage ! Pour finir GREAT WHITE n’oublie pas non plus les reprises. Ici il s’agit de du groupe Q5 dont ils reprennent le "Ain't No Way To Treat A Lady". Encore une fois GREAT WHITE prend un titre qui n’est pas de lui et l’amène bien plus haut que ce qu’il n’a jamais été.
Et là on touche le problème de GREAT WHITE : un très bon groupe mais qui n’a pas un super talent de compositeur. Autant ils savent magnifier un morceau quand ils le reprennent (bon il y a quelques exceptions) mais qui ne savent pas écrire de tubes seul. Le départ d’Alan Niven est un énorme clou dans le cercueil du groupe. Leurs morceaux restent bons mais il leur manque le coup de pouce pour passer la barre au-dessus. Soyons fair-play et reconnaissons que nombre de leurs congénères sont dans la même position (AEROSMITH, deuxième partie de carrière, et sa flopée d’intervenants entre autres).

"Let It Rock" ne dépareille pas dans la discographie du groupe et ne lui fait pas honte. Le groupe évite de suivre les tendances du moment et reste fidèle à son identité. Russell est toujours en voix et la guitare de Kendall en verve. Un bon disque mais pas au niveau des brûlots précédents du groupe.