Depuis la révélation que fut pour moi le premier album studio d'EXGENESIS, le somptueux "Solve Et Coagula", je guette les moindres faits et gestes des principaux contributeurs du groupe. En particulier de son guitariste Jari Lindholm, ex-SLUMBER également membre d'ENSHINE, dont le sens de la mélodie et du lead m'ont particulièrement touché. Aussi, lorsque j'ai appris que le garçon allait sortir son premier longue-durée sous son propre nom, mon sang n'a fait qu'un tour. Il fallait forcément que je jette une oreille sur ce que le musicien pouvait proposer en solo, quand bien même il s'agirait d'un disque d'un genre différent.

Et pour être d'un genre différent, il l'est... presque. En effet, c'est dans un Death Mélodique Atmo délicat qu'œuvre l'instrumentiste suédois sur cet opus, répondant au titre énigmatique de "Trajectories". Ceux qui ont écouté "Solve Et Coagula" savent toutefois que le Melodeath n'était pas très loin au rang des influences de la musique d'EXGENESIS. Et il n'y a pas à dire, on reconnaît ici la patte de Jari Lindholm, et cette façon de proposer des riffs très nostalgiques et contemplatifs. Ralentissez le tout et certains desdits riffs peuvent aisément devenir le matériau de base pour un prochain disque d'EXGENESIS…

Sérieusement, il suffit d'écouter "July Sundown" pour s'en convaincre. Sa mélodie de guitare clean qui résonne par-dessus la guitare rythmique puis qui laisse place à une guitare lead saturée, elle, avant un solo plaintif au long cours : c'est du EXGENESIS pur jus. Idem pour l'initial "Derelict". Je parle bien de matière première, cependant, car le travail de Jari Lindholm sur ce premier opus studio personnel qu'est "Trajectories" n'apparaît pas comme un produit totalement fini. Le musicien ne nous offre pas ici un disque aussi fignolé à l'extrême que pouvait l'être "Solve Et Coagula".

C'est presque comme l'on contemple le carnet d'ébauches d'un grand peintre que l'on écoute "Trajectories". On peut s'amuser à essayer d'y déceler les lignes de force qui feront de la prochaine œuvre - ou de la suivante - un tableau parfaitement maîtrisé. Un peu plus de mélancolie encore ? Comme en font preuve les lignes mélodiques d'un "Nostalgia" qui porte bien son nom et qui donne à entendre clairement l'ensemble des instruments joués par le Suédois… Un peu plus d'Ambient, peut-être ? Comme le laissent supposer les synthés éthérés de "Mare Balticum", qui ne traduisent pas si bien que cela la variété d'impressions que peut évoquer la Mer Baltique...

Si l'on retrouve ici l'essentiel du style Lindholm, voire un peu plus, ce carnet de croquis permet malgré tout à l'artiste d'exposer des influences qu'on ne lui soupçonnait pas. Comme ces percussions et parties de gratte acoustique un peu latino - signées respectivement des Brésiliens Vinas Peixoto et Silvério Simioni - sur "Disequilibrium", qui offrent au Melodeath instrumental contemplatif de Lindholm un petit quelque chose de musique du monde qui permet de s'évader un temps des atmosphères nuageuses dont l'artiste est friand. Comme ces beats synthétiques, également, qui ouvrent un "Utopias Sista Vila" qui finit néanmoins par sonner comme du EXGENESIS en plus aérien. Mais en moins magistral aussi.

C'est un disque paradoxal que ce "Trajectories", en réalité. L'on y sent à la fois Jari Lindholm libre de s'adonner à ses seules envies, comme dans tout album solo qui se respecte. Mais il donne en même temps l'impression d'être prisonnier d'une approche de la mélodie et du rythme déjà magnifiée dans son principal projet, EXGENESIS. Or, "Solve Et Coagula" était si "presque parfait" que tout ce qui peut s'approcher de la façon dont la musique y était jouée n'aboutit finalement qu'à un sentiment de moins bien. En tout cas, de moins abouti.

Alors on se plaît, bien sûr, à suivre les trajectoires tracées par le multi-instrumentiste, surtout si l'on aime sa façon de composer - ce qui est mon cas - car elle semble toujours évoluer sur un fil, en équilibre délicat entre force et douceur. Mais il faudrait être de mauvaise foi pour affirmer que la direction vers laquelle nous mènent ces différentes trajectoires n'est pas celle du deuxième album d'EXGENESIS. Tant mieux car la destination apparaît d'ores et déjà splendide. Mais tant pis, aussi, car il aurait été appréciable d'entendre Jari Lindholm sortir un brin de l'identité musicale qu'on lui connaissait déjà par ailleurs.