Voilà typiquement le genre de disque qui pose un cas de conscience. Sorti en 1994 avec une pochette sentant le manque de moyens, "Cult Classic" est une compilation de standards du groupe, réenregistrés pour l’occasion, histoire de les dépoussiérer, ce qui est une vraie fausse bonne idée. Dans les années 90, le style des ’70 revenait doucement à la mode, la batterie retrouvait des constructions de rythmes plus complexes que dans les années 80 et « reprendre » des titres de cette époque pouvait s’apparenter à faire un lifting au niveau du son, lui donner plus d’épaisseur par rapport à celui d'origine, jugé parfois un peu faible. Mais est-ce un bon argument ?

Autant le dire tout de suite, aucune des versions proposées ici ne surpasse l’originale. Enfin, ce n’est que mon avis personnel. Cependant, il apparaît assez vite que la plupart des morceaux ici n’ont plus la spontanéité de l’époque, quand le groupe était encore jeune et d’un talent insolent. Il y a un peu moins de feeling et certaines interventions manquent de finesse ou de subtilité. Alors oui, "This Ain’t The Summer Of Love" prend des allures de rouleau compresseur ici, mais les ajouts viennent plomber le tout, ces soli de guitare aussi intempestifs qu’indésirables, qui n’apportent strictement rien.

Bien entendu, le néophyte, celui qui n’a jamais posé les oreilles sur la musique de BLUE ÖYSTER CULT va découvrir une série de titres devenus… cultes. Il va apprendre à connaître "(Don’t Fear) The Reaper" et son solo de la mort qui tue (ahah, the Reaper, la mort qui tue, hahaha. Héhé… Hum… bon, on n’est pas là pour rigoler), l’intemporel "Godzilla", complètement oublié sur la BO du film de 1998, ou encore "Burnin' For You" et son approche Reggae. Une porte d’entrée biaisée donc et qui ne met pas certains morceaux en valeur.

J’évoquais "Burnin' For You", ce n’est pas vraiment innocent. Il s’agit ici du seul extrait des années 80 retenu et il est également celui qui va sonner le plus daté de l’ensemble. Parce que les réenregistrements comme c’est le cas ici, où l’on change un peu la partition, où l’on rajoute deux-trois trucs par-ci par-là n’apportent pas grand-chose de concret. Il n’y a pas de véritable travail de réécriture, qui aurait pu être nettement plus intéressant, dans le genre « que donnerait (par exemple) "Astronomy" si nous l’écrivions aujourd’hui ? ».

Évidemment, l’objection principale à ceci est qu’il s’agit juste de réenregistrements, qu’il n’y a pas plus de réflexions à ce niveau derrière et on adhère ou l’on n’adhère pas. Cela permet également aux musiciens qui remplacent les frères Bouchard (Jon Rogers à la basse, Chuck Burgi à la batterie) de s’illustrer. Cependant, Albert et Joe avaient une complicité qui s’entendait et que l’on ne retrouve pas ici, la rythmique n’est pas dégueulasse, mais elle est plus basique, il n’y a pas la même magie qui s’en émane (et là on voit à quel point ça peut être chiant d’être fan d’un groupe !).

Et cerise sur le cadeau, plutôt que de proposer des morceaux supplémentaires, BLUE ÖYSTER CULT préfère remettre deux versions alternatives de "(Don’t Fear) The Reaper" et de "Godzilla", des « TV Mix » aux fortunes diverses. La première consiste en une version instrumentale, la seconde se voit affublée de vocaux écœurants, façon "Alvin & The Chipmunks".
Alvin.
&.
The.
Chipmunks.
Autant vous dire que là, c’est tellement totalement inutile que ça ressemble à du foutage de gueule, du bouche-trou que Gene Simmons n’aurait pas osé.

Et à vouloir rajouter des petites choses, le groupe en arrive à être chiant. Pour preuve, cette énième version de "Astronomy" (autre évocation qui ne fut pas innocente !) qui n’en finit plus – elle affiche pas loin de deux minutes de plus que la version originale – et perd considérablement en feeling. En 1974, les musiciens ont su s’arrêter à temps, ne pas dépasser la fine frontière entre le culte et le plantage, en produisant un titre certes assez long, mais à la progression aussi efficace qu’inoubliable. Là, le constat n’est pas le même et la version de 1988 s’en trouve grandie car pour le coup, réellement repensée.

Alors oui, j’ai la dent un peu dure concernant cette compilation qui n’apporte pas grand-chose pour le fan qui connaît la discographie sur le bout des doigts (et qui risque fort de ne pas se laisser abuser par ces réenregistrements). Pour celui qui souhaite découvrir le groupe avec une vision plus globale, je ne saurai trop lui conseiller de s’attarder sur "Workshop Of The Telescopes" qui couvre une période plus large et qui a le mérite de proposer certains titres en live, dont le "Buck’s Boogie" qui y prend toute sa vraie dimension.

Merci à Yann 77 qui m’a rappelé l’existence de ce disque qui ne tourne pour ainsi dire jamais sur ma platine (aucune ironie inside).