Depuis 1995, aucun album studio pour ALICE IN CHAINS. Un monumental et historique "MTV Unplugged" l'année suivante pour l'Histoire où Layne Stayley affiche clairement ses démons et on l'imagine/l'espère, ses luttes avérées contre ces derniers… "Music Box" (1999) puis un sobre "Live" en 2000… AIC a clairement disparu des radars… Jerry Cantrell revient donc aux affaires, à ses affaires suite à son précédent exercice d'introspection ("Boggy Depot").

Isolé à son tour dans une maison dans la Chaîne des Cascades, armé d'un 4-pistes et d'une Gibson Les Paul, Jerry lance son processus de création et accouche plus de vingt-cinq morceaux durant une période de trois à quatre mois. Bien qu'il ait tenté d'échanger avec Layne en lui soumettant deux titres ("Get Born Again" et Died" qui figureront finalement sur "Nothing Safe: Best Of The Box" et "Music Bank"), Jerry ne semble pas trouver d'écho à son travail avec le reste de la bande de Seattle.
En avril 2000, c'est à la tête de plus de trente titres que Jerry décide de recruter la section rythmique d'Ozzy OSBOURNE : Mike Bordin (FAITH NO MORE) et Robert Trujillo (SUICIDAL TENDENCIES, INFECTIOUS GROOVES, METALLICA), une dream-team du genre à mes oreilles ! Il affiche clairement sa volonté de s'éloigner de ses partenaires d'AIC. Il est à ce titre assez surprenant de noter que la basse de Trujillo est bien peu audible par moments quand à d'autres moments, une place conséquente lui est laissée (je vous laisse vous renseigner sur les affres de sa participation sur les commandes de JC).

Ce qui transpire rapidement dans ce "Degradation Trip", c'est bien le côté "fucked up" de Jerry : il n'est pas encore dans sa phase de sobriété (il le sera un an après le décès de Stayley) et il doit clairement tenter de digérer la fin de vie de son groupe "éclair"… Prévu en avril 2002, Il sort deux mois après la mort de Layne Stayley (retrouvé mort le 5 avril 2002), ce qui brusquement lui donne une tonalité encore plus sombre, sourde, poussant l'ensemble de la communauté vers une descente aux enfers abyssale…
Cet album n'est donc pas un testament, encore moins un hommage. Il est "simplement" dédié à la mémoire de Layne…

Le son est beaucoup plus Metal et Grunge, se rapprochant clairement des productions d'ALICE IN CHAINS ce coup-ci. C'est plus lourd, plus sale, mais finalement plus classique. Vocalement, Jerry Cantrell ne surprend pas non plus : propre, appliqué et offrant peu de modularité dans sa prestation, il ne pourra pas décevoir.
Le trio propose une prestation honorable, avec un son dense et compact à base de tempi dans les standards du genre… Et c'est bien ici le problème : "Degradation Trip" est composé de quatorze titres. C'est un album long et au final répétitif.
Plusieurs singles sont tirés de cet album ("Anger Rising" et "Angel Eyes") mais il faut toutefois noter que "She Was My Girl" apparaît en outre dans la Bande Originale du film "Spiderman" de Sam Raimi (2002).
En multipliant les écoutes, aucune évolution ou révélation. C'est le genre qui veut cela, nous le savons tous. Le Grunge est par essence l'immédiateté et l'urgence réincarnées.
Les quelques pseudo ballades qui peuvent surgir n'ont pas la même saveur qu'autrefois ("Angel Eyes" avec son riff d'intro proche d'un NIRVANA, "Gone", "Solitude", "Give It A Name" pourtant intéressante car bourrée d'émotions), les soli n'ont chez moi provoqués aucune émotion et les très longues soixante-quatorze minutes (c'est beaucoup trop Jerry, il faut arrêter ce genre de pavé presque indigeste) tournent presque inévitablement à l'ennui en multipliant les écoutes.
C'est d'autant plus vexant/traumatisant que "Psychotic Break", premier morceau de la galette, proposait une introduction divine, dans les références d'ALICE IN CHAINS : riff lancinant, puissant, à vous dresser les poils… Il ne manquait que la voix de Layne…
Et c'est bien une fois encore l'arbre qui cache la forêt car ensuite, rien n'y fait, impossible de crocher sur le menu proposé.

"Degradation Trip" est un album qui ne peut susciter l'enthousiasme car il oblige constamment à faire le lien avec sa filiation évidente… Lourd héritage avec son aspect prophétique (bien malgré lui), il est vindicatif et torturé. Il est sombre, lourd et donc difficilement accessible. La souffrance est à l'ordre du jour...
Jerry Cantrell demeure une machine à composer et à construire de la musique mais il doit muscler ce jeu en le diversifiant, afin d'afficher une volonté de se détacher de son passé, de ce (trop) lourd héritage morbide à porter… C'est tout le terrible travail qu'il doit désormais s'attacher à réaliser.

Beaucoup viendront (sans doute/peut-être ?) hurler mais si vous connaissez mon amour pour ALICE IN CHAINS et son guitariste/compositeur, vous pouvez imaginer à quel point j'ai essayé durant toutes ces années… Sans succès...

Note réelle : 2,5/5.

Top : "Psychotic Break", "Give It A Nime", "Solitude", "Gone".