Je vous ai déjà dit que j'adorais les films d'horreur ? C'est un goût si puissant que cela me pousse même à me farcir les suites les plus moisies et les spin off les plus nazes. Genre, "La Nonne", quoi. Il faut dire que le personnage de cette ecclésiastique roumaine dans laquelle s'est incarné le démon Valak, antagoniste du couple Warren dans "Conjuring 2 : Le Cas Enfield", est particulièrement marquant. Joué à la perfection par l'actrice américaine Bonnie Aarons, Valak, sous ses habits de bonne sœur, est l'un des personnages maléfiques les plus marquants du cinéma d'horreur de la décennie 2010. Et ce, bien que le film qui lui est consacré, "La Nonne", ne soit ni effrayant, ni réussi.

Il n'empêche, l'image de cette nonne démoniaque est indélébile, dans mon esprit, et dès que je vois un personnage lui ressemblant, je ne peux m'empêcher de lui accorder un minimum d'attention. Ce qui fut le cas la première fois que je tombai sur la pochette de cet E.P. du groupe vénézuélien MASTURBATION WITH THE BIBLE. Du blasphème aussi bas du front, ça fait quelque temps que je n'en avais pas soupé mais le nom du groupe et l'artwork de ce disque m'ont convaincu que je devais leur accorder quelques minutes de mon temps - un petit quart d'heure pour la première écoute, trois-quatre autres pour les suivantes et la chronique - d'autant que la nonne figurant à gauche, sur l'illustration, ressemble foutrement à Valak.

Un Valak bien plus lubrique, tout de même, que son alter ego de l'univers cinématographique créé par James Wan. En plus d'avoir l'air possédée, cette religieuse paraît bien excitée, ainsi que sa consœur, à la vue du vit turgescent du prêtre dont on devine le col romain au second plan. L'on pourrait s'attendre à un gros délire macho derrière ce groupe et cet E.P. mais MASTURBATION WITH THE BIBLE est bien conscient que même vu du côté de l'homme, le sexe hétérosexuel, aussi transgressif soit-il, nécessite la présence consentante d'une femme, et c'est pourquoi il a fait appel à Génesis Farias, vocaliste du groupe de Death Metal vénézuélien VILE HEX, pour pousser la chansonnette sur le morceau-titre.

"Good Nuns Gone Dirty", le morceau, est un solide titre de Deathgrind disposant d'une dynamique évidente, bien balancé entre ses passages mid-tempo bien lourds et garnis de cassures et ses parties les plus rapides et brutales, où Oswaldo Médina, le batteur, se montre bien carré et sur lesquelles le duo Rubén Salas/Génesis Farias fonctionne parfaitement. La présence notable de la basse de Salas - qui en plus d'avoir un growl bien porcin porte bien son nom pour un musicien porté sur la pornographie - apporte une rondeur appréciable au morceau et, plus largement, à la musique de MASTURBATION WITH THE BIBLE.

Je suis agréablement surpris par l'efficacité du Death Metal mâtiné de Grindcore de ce combo de Caracas, d'ailleurs, et cet E.P., au-delà de sa pochette et du nom de groupe choisi par ses auteurs, est étonnamment convaincant. Une fois l'"Intro" et sa confession perverse passée, "The Sexorcism Of Mary Magdalene", qui démarre sur un sweeping bien gras, nous rentre dans le lard direct. Le quartette y fait la démonstration de son sens de l'alternance entre séquences lourdes et martelées et moments plus vifs et quelquefois riches en groove, comme ce passage entre 1'30 et 2', que vient interrompre un solo de guitare foutraque.

On ne criera pas au génie, loin de là, mais MASTURBATION WITH THE BIBLE fait montre d'un certain talent pour l'artisanat Death Metal. Le groupe est suffisamment sûr de ses fondamentaux pour aller chatouiller le grand PROSTITUTE DISFIGUREMENT avec un "Swollen" repris de manière plus que correcte. C'est toutefois sur ses propres morceaux que la formation se montre la plus sûre d'elle. Avec "Morbid Celibacy", les musiciens nous gratifient d'un morceau hyper groovy avec des passages syncopés drôlement accrocheurs, avant que, vers les deux minutes, le groupe se fende d'une décélération progressive qui donne un effet traînant très réussi.

L'ultime morceau avant la cover de PROSTITUTE DISFIGUREMENT, "666", reprend plusieurs ingrédients déjà utilisés dans les morceaux précédents - syncopes, décélérations progressives - et achève de fournir aux amateurs de Death Metal gras et aux relents Grind un nouveau poulain à surveiller de près, car il semble avoir les qualités musicales suffisantes pour poursuivre une carrière intéressante, par-delà les frontières même d'un Venezuela toujours en proie au délitement économique et social. À part quelques riffs mémorables, cet E.P. de MASTURBATION WITH THE BIBLE ne manque pas de grand chose, en tout cas pas de technique, pour permettre au combo d'attirer davantage sur lui l'attention d'une audience plus large que celle des Metalleux de son pays.