Qu'est ce qui a fait qu'il a fallu attendre "Stacking Smoke", le sixième opus des Hollandais d'AUTUMN ? Je n'avais jusque là pas eu la moindre attention pour cette formation talentueuse mais confidentielle. Aucune excuse ; je suis tombé sous le charme de Marjan Welman en l'entendant partager le micro avec Wudstik sur le "E=mc²" d'AYREON… En 2008, année où elle a rejoint ses désormais six acolytes d'AUTUMN. À l'instar d'une Magali Luyten, voilà une artiste qui n'a pas encore la renommée qu'elle mérite.

Si à l'époque où je l'ai découverte on pouvait la voir comme une espèce de suiveuse s'écartant trop peu des jalons posés par sa compatriote Anneke Van Giersbergen, je dois reconnaître qu'elle propose sur "Stacking Smoke" un panel intéressant et bien plus subtil qu'il n'y paraît. On retrouve certes des côtés The GATHERING chez AUTUMN, en ce sens que la formation n'a pas décidé de choisir clairement entre Metal et Rock, et que la mélancolie, l'atmosphère ou encore la pâleur gothique sont autant d'éléments que le collectif aime distiller avec finesse. Et "Stacking Smoke" ne s'en prive une nouvelle fois pas. Pour autant quand le groupe s'excite un poil, on retrouve aussi cette expression d'un spleen que maîtrisait parfaitement Marcela Bovio et son STREAM OF PASSION. Par ailleurs je vous parlerai (bientôt j'espère) d'un tout nouveau projet réunissant l'un de ses guitaristes (Eric Hazebroeck) avec Marjan Welman.

Mais recentrons-nous sur cette pochette immaculée un peu inquiétante avec son côté immatériel. Je ne dirais pas qu'elle est représentative de l'album, j'y aurais bien davantage vu quelque chose plus proche d'un DARK THE SUNS (c'est le premier qui me vient en tête cherchez pas y avait sans doute plus évident), mais pour autant le contenu se suffit à lui-même. Dès la pièce d'ouverture, claviers, sons crunch, saturés, nappes et parties vocales s'enchevêtrent dans un canevas rythmique plutôt subtil souvent interludé par des chorus de clavier. AUTUMN a la particularité de particulièrement fouiller ses arrangements mais de ne pas perdre l'efficacité de ses compositions pour autant.

Et c'est justement quand il prend trop son temps ("Old Fuel" et ses délicieuses inflexions à la Charlotte Wessels) que l'on décroche quelque peu. Car la plupart du temps, il faut bien reconnaître que la mixture d'AUTUMN s'équilibre à merveille, et ses ambiances très travaillées sont un régal à décortiquer et à apprécier au fil des écoutes ("Blackout" est un petit bijou). Il faut bien admettre qu'on ne s'ennuie que très peu, et que le voyage proposé par la formation hollandaise tient la route, en particulier sur des morceaux qui ont beaucoup à exprimer, et s'aventurant très souvent au-delà des six minutes.

Je peux comprendre ce qui peut manquer d'attrait à un public plus large, car le groupe ne travaille pas son sens de l'accroche outre mesure, conservant plus ou moins consciemment un caractère pas si insaisissable qu'il n'y paraît et exigeant l'attention complète de l'auditeur, le temps aussi, pour livrer ses secrets. AUTUMN fournit pour autant un bien bel ouvrage, ultra digeste, mais pas jetable, loin de là, et j'avoue que si la voix de Marjan était mon premier attrait pour AUTUMN, sa versatilité a fait plus que me surprendre, car elle s'est montrée à l'avenant d'une musique tout aussi nuancée et (je me répète) subtilement arrangée et interprétée.