Le secret le mieux gardé de Pologne, nation reine du Death européen, est de retour avec son Sludge/Post Rock d'une originalité peu commune. "Void Mother" avait marqué fortement la communauté métallique et pas seulement en raison de cette pochette magnifique sur laquelle s'affichait une fillette gothique aux grands yeux noirs et au tatouage de sphinx sur le nez. Ce mélange de puissance, de tristesse et d'atmosphères étouffantes méritait tous les éloges.

Trois ans plus tard, revoici les Polonais avec un concept-album très intéressant, ce qui nous change de la forme plus classique de "Void Mother". "Epitaphs" est divisé en deux blocs de trois morceaux intitulés "Pre-mortem" et "Post-mortem". Je vous laisse deviner aisément de quoi il en retourne ici ; les scénarios s'accumulent rapidement, on a hâte qu'OBSCURE SPHINX nous tisse la trame idéale pour que nous puissions emprunter ce chemin tracé par notre imagination morbide.

Que vous songiez au parcours d'un quidam bardé de pensées suicidaires, au destin funèbre d'une planète condamnée ou à vos propres démons, le Sludge Atmo peint par OBSCURE SPHINX risque de coller à votre synopsis. Belle, empreinte d'une savante couche de mélancolie, dure, acidulée, cette musique caméléon vous fera planer et vous procurera un fix suffisant de radiations pour expier ce qui vous pourrit la vie. Chaque riff, chaque atmosphère, chaque coup de basse, de tum, s'invite dans vos prières comme un espoir capable de tuer le chagrin ou, pire, de le décupler, selon votre état (pre ou post-mortem ?).

La beauté structurelle d'"Epitaphs" réside bien sûr dans le respect de la thématique et surtout dans la progression des émotions à petite et à grande échelle. Chaque morceau plus ambiancé possède sa montée et son crescendo, exception faite de "Nieprawota", la cavalcade endiablée de l'album qui, à sa manière, sert de conclusion enflammée à la première moitié de l'album. Brillant ! La seconde moitié allait-elle suivre ce schéma, d'un point de vue plus funéraire ?

OBSCURE SPHINX nous fait plutôt marcher jusqu'au bout du tunnel sous des riffs rondelets et des mélodies boueuses comme on les aime. La voix polyvalente de Zofia nous enveloppe comme une couverture pour accentuer le manteau nostalgique nous tombant dessus. La descente vers le royaume des cendres se poursuit dans la colère aussi ("Sepulchre"), dernier sursis du condamné avant d'atteindre sa boîte ultime. Ce cercueil, orienté vers la mer, se fermera après les dix minutes d'une jolie et musclée complainte, qui résumera la majorité des flèches décochées sur "Epitaphs". J'avais préféré la conclusion de "Void Mother", "The Presence Of Goddess", mais "At The Mouth Of The Sounding Sea" n'est pas mauvaise non plus avec sa construction en montagnes russes... polonaises.

Vous aurez saisi que le quintette a créé un disque-concept de qualité qui se tient et glorifie un processus – la mort – complexe et fascinant. Ça prenait du courage et OBSCURE SPHINX n'a peur de rien, ça on le savait.

Un estimable successeur à "Void Mother", à la production moins boostée et salement attachée à l'ambiance ténébreuse y régnant. Les paris sont ouverts à savoir ce que le groupe produira dans le futur.

Une chose demeure à travers ces voiles mystérieux : OBSCURE SPHINX est assurément parti pour la gloire !

Podium : (or) "Nieprawota", (argent) "Memorare", (bronze) "Nothing Left".