Il y a peu je suis allé voir "Captain America : Civil War" au cinéma, histoire de me prendre un bon blockbuster dans les gencives. Je ne vais au cinéma que pour cela de toute façon, du gros blockbuster bien sale, explosif et débilos. Ou alors du film d'horreur indépendant de qualité. Mais là non, l'heure était à la dose annuelle de Marvel. Tu peux me juger je m'en tape, je te rappelle que je fais ce que je veux. Et donc dans ce déluge d'effets spéciaux au service d'un pitch long comme un cheveu il y a eu ce moment classique, traditionnel et insupportable qui apparaît presque toujours dans le film hollywoodien grand public. Ce moment où même une bonne baston entre Iron Man et Captain America ne calmera pas ta colère. Ce moment où tu as le souhait d'acheter un fusil sniper, de te hisser sur un gratte-ciel, et de tenter d'emporter avec toi le plus de politiques possibles. Je parle bien sûr du moment où allusion va être faite que les États-Unis putain, ça c'est de la démocratie merde ! Alors il y en avait en fait plusieurs. Il y a d'abord cette promenade pour couillons durant laquelle on te fait croire que l'ONU ce sont des gentils enfants de chœur. Tu vomis une première fois. Et ensuite le moment où une américaine bien délurée et godiche va dire avec fierté que sa tante était sur une photographie avec JFK. JFK ! Non mais JFK vous voyez ? Le président américain qui est aimé par les gens et on ne sait même pas pourquoi ! Si si JFK vous savez, le type qui a durci l'embargo sur Cuba et fait crever la gueule ouverte des cubains tranquillement, entre un "Ich bin ein Berliner" putassier et trois-quatre léchouilles de Monroe !

C'est dans ce genre de moment là que mon esprit se ferme. Comme un tissu opaque recouvrant ma réflexion la haine apparaît plus vraie qu'en rêve. Je me vois briser ma vie, tout donner de ma personne pour faire exploser un maximum de ces enfoirés. Pas un acte terroriste contre les gens non, ça c'est ridicule – vous remarquerez que personne n'attaque les structures de pouvoir – mais contre les financiers, les politiques pourris, toute cette hydre répugnante. Je me vois déjà aller en prison, me faire extrader de force par les États-Unis, ne pas avoir un jugement impartial et bénéficier des soins de qualité de la prison illégale de Guantanamo. Généralement arrivé à ce stade je me calme. Et je me dis que de toute façon justement, s'attaquer à une hydre est peine perdue. Et je me morfonds, je peste, j'écume. Quelle impuissance ! Le monde est dirigé et détruit par la pire crasse jamais vue et on ne peut rien faire.

Dans ces moments- là il n'y a que la musique qui apaise. La musique lourde, sombre, terrifiante, nihiliste. Et celle de THROANE en est un bon représentant. Sortie de l'esprit de Dehn Sora, l'artiste derrière des visuels de BLUT AUS NORD ou ULVER, mais aussi musicien derrière TREHA SEKTORI, cette litanie est inspirée par les essais les plus sombres de Vindsval justement, ceux de son époque Indus Black, où les dissonances et les murmures abyssaux viennent aliéner le temps d'une mort lente. Très habitée également par les œuvres Post-Black de ces dernières années (CELESTE pour le mur de son et le titre des morceaux, THE GREAT OLD ONES pour les leads qui percent le brouillard) la musique de THROANE est écrasante, introspective et malade, et ce grâce à une section rythmique qui emprunte aussi à l'Indus pervers de GODFLESH (le titre éponyme).

Les influences ne sont pas loin et c'est bien le problème de THROANE. L'effet du premier album, classique. Mais ce serait aussi oublier tout le potentiel qui se dégage de "Derrière Nous La Lumière". Car si "The Work Which Transforms God" n'est jamais loin ("Un Instant Dans Une Torche" et son final marche des morts) et qu'AMENRA est en filigrane (le chant notamment), THROANE tente de marier toutes ses influences dans un album homogène, désespéré, plus nihiliste que ses inspirations, souvent plus noir que les groupes Post-Black nommés (BLUT AUS NORD excepté, on ne peut pas jouer dans la cour du Roi sans être bouffon) et enrichi d'accalmies Dark Ambient qui auraient pu se trouver dans un album de TREHA SEKTORI. Ces dernières apportent une atmosphère singulière à un album qui transpire déjà une forme de mysticisme, comme un culte rendu aux ténèbres (TERRA TENEBROSA en est une autre illustration terrible). Les nombreux détails parsemant les morceaux, comme les chœurs lointains possédés, les leads évanescents qui se dessinent sur l'asphalte, tout cela participe d'une ambiance terrible, terrifiante, ensorcelante. À l'image de cet artwork aussi simple que fascinant, la musique de THROANE happe et ne laisse personne ressortir indemne, comme cette longue plongée dans "À Cette Chute".

"Derrière Nous, La Lumière" est un album que l'on pourrait qualifier de cinématographique. Une bande-son de la fin, qui compléterait à merveille un film de Gaspard Noé, la contemplation en plus et Dante pour l'ambiance infernale. Nul doute qu'en concert THROANE prendra davantage de sens, sublimé par des visuels forts en arrière-plan. Si le tout est indéniablement répétitif, simple ("Aussi Féroces Que Nous Repentons") et que les influences se devinent trop clairement, THROANE réussit à vider le suc noir qui empoisonne mon esprit lors des moments les plus insupportables vécus dans ce monde souvent misérable. Et je vous souhaite la même catharsis à son contact.