S'attaquer aux BÖHSE ONKELZ, c'est s'attaquer à un pilier du Metal allemand. Peu connu hors des frontières germaniques, ce groupe fondé en 1980 dans le riant urbanisme bétonné de Frankfurt am Main est pourtant une véritable légende vivante outre-Rhin, au point d'avoir joué un concert devant 100'000 fans au Hockenheimring en 2015 (1), un exploit auxquels seuls les plus grands auraient jamais pu prétendre. Malgré des débuts laborieux et controversés au sein de la scène skinhead du début des années 1980, les ONKELZ gagnèrent enfin l'attention du grand public en 1992 avec "Heilige Lieder", ouvrant la voie à un succès qui les mena à de nombreuses reprises au sommet des hit-parades allemands. Bref, vous l'aurez compris, les BÖHSE ONKELZ sont un groupe qui a un poids certain dans le monde du Metal germanophone, et c'est avec leur meilleur album que je vous invite ici à les (re)découvrir.

S'inscrivant stylistiquement entre le Punk, le Hard Rock et le Heavy Metal, E.I.N.S. est un album simple et direct. Les ONKELZ n'ont jamais été réputés pour leur grande subtilité ou leur délicate poésie, et l'on comprend rapidement pourquoi : ils ont la hargne. Contre Dieu, contre leurs critiques, contre les médias, contre les TOTEN HOSEN et les ÄRZTE – leurs ennemis de toujours… les ONKELZ sont là, et ils ne vont en épargner aucun. Les riffs sont courts et efficaces, très influencés par l'absence de compromis caractéristique du Punk, mais offrent une certaine variété, naviguant librement entre les tempi et les couleurs.

L'atmosphère qui se dégage de cet album est un énergique mélange de rage et de nostalgie. Les compositions sont textuellement et musicalement incisives et, si le rythme est globalement soutenu, l'on notera tout de même la présence de deux ballades, "Zu Nah An Der Wahrheit" et "Koma – Eine Nacht, Die Niemals Endet", qui, bien que qualitativement en deçà de la célèbre "Erinnerungen" sur le disque "Onkelz Wie Wir…", offrent un aperçu du côté plus sentimental d'un groupe qui semble pourtant peu enclin aux sensibleries. Les ONKELZ ne font en effet pas dans la lamentation, mais plutôt dans la nostalgie, dans l'évocation de souvenirs aux relents de jeunesse, d'interdits transgressés, de bière bon marché et de vielles amitiés perdues au fil des années – "Auf Gute Freunde", "Flammen", "Zeit Zu Geh'n". Autrement, le groupe préfère attaquer sans mâcher ses mots ses ennemis et détracteurs – il suffit de lire les textes de l'incendiaire "Kirche" ou de "Wie Tief Willst Du Noch Sinken?" pour s'en convaincre – au point d'avoir ajouté à l'album la piste "Enie Tfahcstob Rüf Ediona-RAP" (2), qui consiste en un court texte d'insulte – charmant – adressé à celles et ceux qui ont accusé le groupe de dissimuler des messages subliminaux satanistes ou fascistes dans ses chansons. Oui, ils n'ont pas que des amis.

D'un point de vue instrumental, les ONKELZ ne cherchent pas tant à faire dans l'originalité et l'avant-gardisme qu'à donner à leurs fans ce qu'ils veulent : des sons de guitare bruyants, une batterie efficace et une basse énergique omniprésente – Stephan Weidner, le bassiste et chanteur secondaire, est le meneur du groupe ; ceci explique cela. Kevin Russell, le chanteur principal, possède quant à lui un timbre de voix rauque qui se marie parfaitement avec l'énergie enragée et la spontanéité de la musique du groupe. Malgré la simplicité qui caractérise le style des ONKELZ, on leur donnera quand même du crédit technique pour "Regen" et la relative complexité de la composition de ses soli successifs, élément peu habituel dans la musique du groupe. E.I.N.S. est donc un album qui parlera aux amateurs de Heavy sale, de Punk métallisant, ou simplement de Rock efficace en général.

Sur le papier, l'on pourrait se dire que les BÖHSE ONKELZ ne sont qu'un groupe de Punk/Heavy Metal comme un autre. Il est difficile de transcrire ce qui se dégage réellement d'un album comme E.I.N.S. ; il y a une grande part de ressenti liée à la personnalité du groupe, à de petits éléments de compositions qui lui donnent tout son intérêt. La musique des ONKELZ, il faut avant tout la vivre, la raccorder à ses propres expériences, à ses souvenirs ; ce n'est peut-être qu'une impression personnelle, mais je pense que leur succès tient en grande partie à leur capacité de créer une musique qui s'accorde au vécu de leur public. L'on est loin de la recherche esthétique pure ou de la production de tubes standardisés : le groupe s'exprime sans détour avec ses propres mots et sa propre vision de la musique, et c'est ce qui est particulièrement parlant chez lui. E.I.N.S est un disque qui parle de la vie ; alors allez vous servir une chope de lager et vivez au rythme des ONKELZ !


(1) http://www.metal-hammer.de/so-wars-bei-den-boehsen-onkelz-am-hockenheimring-2015-482048/
(2) "Eine Botschaft Für PAR-anoide", c'est-à-dire "un message pour les paranoïaques".