Dans ma chronique du tout à fait exécrable "Født Til At Herske" de MORTIIS, je faisais (un peu) le procès du Dungeon Synth, ce sous-genre de l’Ambient à clavier unique. J'y supputais que les "bons" albums du genre étaient assez rares, et que la moyenne basse, c’était plutôt les galettes qui arrivaient à se faire oublier. Bref, de bonnes musiques de fond.

Je choisis donc GRABESMOND comme exemple, ayant longtemps pensé qu’il s’agissait là d’un des projets de Protector de SUMMONING. Chose en fait fausse, le « groupe » (c’est-à-dire Protector et Peter Kubik d’ABIGOR) n’a sorti qu’une seule démo difficilement écoutable en 1995, c'est la femme de Peter, Lucia Kubik, qui récupère ensuite le projet et s’amuse à créer deux albums qui ne rentreront pas dans l’histoire de la musique mais constitueront de bons exemples de ce qui se faisait de tout à fait banal à cette époque où les démons de minuit étaient fascinés par les sons MIDI.

GRABESMOND nous ouvre une sorte de bibliothèque d'ambiances medfan (côté dark et plein de pustules), avec des trucs quand même sacrément torchés et d'autres un peu plus élaborés. La porte d’entrée qu’est "Evocation" sème un peu de mystère sur 1 minute 17, et autant dire tout de suite qu’il faudra pas attendre beaucoup de morceaux plus longs. En terme d’ambiances et d’imagerie, on penche plus du côté du mage noir nécrophile que du petit elfe guilleret dans sa forêt. Le côté "goules qui dansent de manière provocante" aura sans doute son demi quart d’heure de gloire sur un "Mordenheim" long de sept minutes et dont la répétitivité marche plutôt bien, comme les mélodies (individuellement assez pauvres) s'alternent avec assez de souplesse. On reconnaît les textures sonores du "Dol Guldur" de SUMMONING, notamment sur les pianos (on peut même se demander s'il s'agit du même matos, en fait).

Ce seul titre est un parangon du titre de Dungeon Synth bien ficelé.

Pour rester du côté de la vieille pierre et de l’alchimie puante, le pas franchement très élaboré "Dimmar Kommen", avec son histoire de fantômes et de portail tridimensionnel crée un contrepoids à cette idiote flûte sous la flotte ("Tränenmeer") ou cette marche funèbre évoquant un long bâillement, écho du premier DIE VERBANNTEN KINDER EVAS sorti la même année ("Gravlik Stämma").

Et contrairement aux premiers MORTIIS, GRABESMOND a au moins l’avantage de tenter les variations. Comme ce "Fortuna" et son flutiau de village qui s’incruste pendant cinquante secondes avant de se rendre compte que finalement il aurait mieux fait de rester chez lui (puis se dit que finalement il faut être persistant et revient pour un "Midnattsol" tout aussi nunuche), des plans fantomatiques génériques ("Carnival Of Fear") ou des petites rengaines médiévisantes assez primaires, comme "Hoffest", typiquement le morceau que tu mets dans ta partie de jeu de rôle pour signifier "vous arrivez dans un nouveau village, les gens vous regardent bizarrement, un secret pèse sur les habitants de ce microcosme social loin de la cité féodal de Menomburg".

"Mordenheim" est un album court, avec quelques trucs à se mettre sous la dent, quelques petites trouvailles (notamment le titre éponyme), mais rien de plus. À l'image donc, des débuts de MORTIIS et VOND en moins prise de tête, d'un PAZUZU en moins "scénarisé", et d'une vague entière d'albums similaires (WONGRAVEN, DEPRESSIVE SILENCE pour ne citer que les gros poissons) et, il faut le dire, plutôt interchangeables.

La mise en musique de la Fantasy trouvera davantage de renouveau du côté de la Darkwave médiévisante de DARGAARD (un an plus tard) ou du Folk New Age de NARSILION, ORDO FUNEBRIS ou QNTAL.