Dans la famille Schenker, je demande la fille !

Il y a quelque chose de fascinant quand même dans ces familles entièrement consacrées à la musique. On avait déjà l'exemple de la famille Young, les Schenker n'ont décidément rien à leur envier. Et pour ceux que le nom de Schenker ne dit rien, je leur réponds : SCORPIONS, UFO, MSG. Et là de suite, vous devriez avoir les oreilles en alerte et vous ruez sur YouTube pour écouter l'album dont il est question dans cette chronique : ce "Born To Rock" séminal de VIVA. Bon d'accord, en voilà un nom à la con qui ne fait vraiment pas envie. Et puis cette photo de couverture, au secours ! Ah ça c'est sûr, on est a priori loin de l'univers provocateur de la bande à Rudolph, quoique... elle est un peu provoc' à sa façon cette photo. Bref, résumons : VIVA est le groupe de Barbara, la petite sœur Schenker. Tout le groupe a été construit autour d'elle, elle qui s'impose comme compositeur principal, épaulée par un manager dynamique et entreprenant, mais peut-être un peu véreux (il finira l'année en taule). VIVA est en quelque sorte un de ces produits artificiels, basé notamment autour du concept de "plus jeune groupe de Rock Allemand". La moyenne d'âge n'atteignant certainement pas 20 ans, 15 pour l'un des gratteux. On comprend mieux alors cette photo de couverture, qui met tout simplement en avant une jeunesse branchée Rock'N'Roll. Oui, c'est kitsch.

Bon, il a quoi dans le bide ce "Born To Rock" ? Il est Rock, sans blague. Un petit riff de guitare bien vintage (déjà pour l'époque) entame les hostilités avant qu'un piano Boogie Rock et un chant Pop Rock énergique viennent s'y mêler. Ah ça c'est sûr que les jeunots ont de l'énergie à revendre. Ça joue de façon très carrée en plus, avec une prod à l'avenant. On sent qu'on a affaire à des jeunes qui ont grandi avec des instruments dans les mains. Sympathique tout cela. Mais totalement dépassé, et ce dès sa sortie. Bon en fait, faut comprendre une chose : sur ce 1er album VIVA n'est pas encore véritablement un groupe de Hard Rock. Rock'N'Roll, oui, Pop également, mais le Hard ne fait que quelques incursions furtives, ça relève plus de la cosmétique qu'autre chose. C'est surtout la guitare qui apporte un peu de dureté à l'ensemble : lourde et appuyée sur des titres comme "Hard Rock Lover" le mal-nommé (qui est au fond un pur morceau Pop) ou "What I Need". Heureusement qu'elle est là la six-cordes, car s'il ne fallait compter que sur le clavier de la miss Schenker on en aurait vite pour nos frais. Jouant avec des sonorités très piano, Barbara Schenker est très loin de se montrer idoine avec l'univers du Hard Rock. Elle apporte un côté vraiment rétrograde, et tend même à tirer l'ensemble vers le bas. Mais inutile de lui en vouloir : il s'agit d'un typique premier effort, au style pas très bien affirmé.

En fait, il aurait fallu que tout l'album soit de la veine du très sympathique "Darkness" : voilà un bon vieux Hard Rock de l'époque qui swingue bien comme il faut. Les guitaristes s'éclatent dessus. Dans ces moments-là, VIVA peut faire penser un peu à du UFO (on reste par contre plutôt éloigné de l'univers des SCORP'). Mais ces efforts sont systématiquement annihilés par les bluettes d'ado ("No Hopeless Dreams") ou des moments Boogie Rock datés ("Rock'N'Roll Singer" et ses Shoobidoo wah d'un autre temps). Et puis ce titre éponyme qui se veut fédérateur mais qui s'avère en réalité complètement raté, la faute à la performance vocale trop poussive de Frank Algermissen, qui n'est manifestement pas un chanteur de Hard. Reconnaissons cependant la présence d'un single réussi ("Blue Jeans Forever", meilleur titre de cet opus, avec des guitares qui tricotent de chouettes mélodies) et d'une belle ballade de fin.

"Born To Rock" se laisse écouter pépère, et nous propose un instantané de comment pouvait se percevoir la musique chez les teenagers allemands à l'aube des 80's. L'album ne fut pas un grand succès, et clairement cela manque d'une direction bien affirmée et de personnalité. Mais il faut un début à tout. Rappelez-vous donc les premiers pas hasardeux de SCORPIONS et UFO : le premier est tout simplement devenu le plus grand groupe allemand, et le second, une référence du Hard Rock 70's, alors on peut laisser le bénéfice du doute à VIVA.