20 ans de carrière ça se fête. Les TAGADA JONES l'ont bien compris et insistent à bien nous le faire comprendre. C'est donc juste quelques mois après la sortie d'un DVD live déjà censé célébrer l’événement que le groupe nous délivre son nouvel album pour prolonger la fête... "Dissident" qu'il s'appelle. Album rétrospectif en forme de bilan d'une carrière ? Ou pochette surprise remplie de nouveautés ? Voyons voir.

Ce qui frappe d'emblée sur cet album c'est le nombre de pistes : 20, comme le nombre d'années de la formation. De la quantité donc, une première pour le groupe. Forcément, on craint tout de suite l'album bourratif, plein de titres de remplissage... Mais en fait les morceaux sont plutôt courts, et "Dissident" ne donne pas forcément cette impression d'avoir été rempli ras-la-gueule, franchement son écoute dans son intégralité se digère bien.
L'album, comme le monde, se divise en deux catégories. Les titres classiques d'un côté, et les-morceaux-pour-faire-plaisir-aux-potes-parce-qu'on-est-trop-sympa de l'autre.

Parlons de la première catégorie. C'est du TAGADA JONES pur jus... Aucune surprise. L'album semble être vraiment la continuité directe du précédent, "Descente Aux Enfers", comme s'il avait été enregistré dans la foulée. Jusque là le groupe avait toujours su faire évoluer sa musique, du coup cette foi-ci on reste un peu sur notre faim.
Niveaux textes ça tourne un peu en rond, il fallait bien s'en douter. C'est toujours aussi corrosif mais quand l'on suit le groupe depuis le début on ne peut s'empêcher de ressentir un sentiment de redite. On notera cependant le texte de "Vendetta", qui peut déranger avec son évocation de l'auto-justice, mais cela avait déjà été abordé par BÉRURIER NOIR. Il y'a aussi un règlement de compte pas très finaud à l'encontre d'hurluberlus punks ("Superpunk"), et des textes fédérateurs pour les zicos de musiques extrêmes ("Tous Unis" notamment).
Quelques morceaux ont tendance à s'oublier aussi vite qu'ils sont écoutés ("Le Chaos", "Liberticide"), d'autres se montrent très efficaces, remuant et entêtants ("Dissident", qui se rapproche du Punk californien, "Vendetta" et ses trémolos façon séquence émotion, "Instinct Sauvage" et ses clins d’œil appuyés à SEPULTURA). Celui que l'on retiendra le plus n'est autre que le morceau d'ouverture, "De l'Amour Et Du Sang", qui fit office de 1er titre promo. Il faut dire que le groupe nous a habitué à des singles qui tabassent et une fois de plus il ne se plante pas ici. Une belle montée en puissance, des paroles rétrospectives et désabusées, c'est très bon et ça rappelle beaucoup le titre "Les Compteurs À Zéro" dans l'esprit.

Seconde catégorie, les morceaux pour faire plaisir aux potes : autant de titres où l'on invite des amis zicos qui apposent leur patte sur les morceaux concernés. Une série de featuring plutôt sympa, mais qui peinen parfois à se révéler intéressante. Le problème est tout simplement que le groupe avait déjà fait la même chose à l'époque de "Le Feu Aux Poudres" (leur meilleur album) et de la compil "666". Et c'est un problème car TAGADA JONES ne parvient pas à égaler ce qu'il avait fait à cette époque ! Cela ne sonne donc ni frais, ni novateur. On retrouve par exemple Guizmo de TRYO qui avait déjà été invité dans le passé. Son titre est une respiration au sein de l'album, mais il ne vaut pas sa précédente collaboration. On fait aussi plaisir au producteur, Stéphane Buriez de LOUDBLAST, qui vient pousser la chansonnette sur un morceau honnête, Reuno de LOFOFORA assurent également une excellente prestation. Par contre, les collaborations avec les chanteurs de BLACK BOMB A et d'AqME tombent un peu à plat, ils ont moins de charisme et les morceaux qu'ils interprètent sont moins bons.
Plus surprenant sont les deux reprises de Oï/Punk des vieux groupes français TULAVIOK et américain ANTI-HEROS : ce style Oï constitue la seule petite nouveauté que propose TAGADA JONES. En tout cas c'est vraiment réussi.

Enfin, le principal hommage est surtout rendu à BERURIER NOIR ! "Karim & Juliette Part 1" est ainsi une véritable suite du cultissime "Vivre Libre Ou Mourir", Loran des Bérus y est invité à la guitare, quant au part 2 c'est exactement le même morceau mais avec Loran qui y assure également une partie du chant, pour un résultat qui sonne donc encore plus Béru. C'est très sympa, c'est très bien fait, mais on est tellement proche de ce groupe immense qu'au final... on a surtout envie de ressortir "Concerto Pour Un Détraqué". C'était peut-être le but après tout (le morceau étant crédité... TAGADA NOIR !). À noter d'ailleurs que le final de "De l'Amour Et Du Sang" est très dans l'esprit Béru également.

Voilà, "Dissident" est un album tout à fait correct, agréable... mais juste un album de plus malgré son format spécial. Au fond, les featurings auraient peut-être mieux fait de faire l'objet d'une sortie séparée et le groupe aurait peut-être pu passer encore plus de temps à peaufiner ses compos classiques afin de les détacher plus de "Descente Aux Enfers". En bref, TAGADA JONES tourne pas mal en rond, et ce n'est pas la production de Buriez qui aide puisqu'elle est identique aux deux précédents albums, renforçant ce sentiment de stagnation. Mais inutile de faire la fine bouche non plus : on sera quand même bien content de nous prendre une nouvelle rasade de Punk Metal Hardcore. Longue vie à TAGADA JONES, à dans 20 ans !