Je ne parlerai pas aujourd'hui du groupe brésilien du même nom, mais bien de cette formation tourangelle qui fait de "Chroniques D'Un Autre Temps" son premier album. Avec un nom pareil, il faut s'attendre à de la fantaisie, à du grandiloquent. Et on ne sera pas déçu car, pourtant jeune, le groupe s'est créé une véritable aura, avec une direction assumée dès ses premières compositions.
HECATE est un de ces groupes qui se veut cultivé mais qui n'en fait pas trop. On plonge dès les premières minutes dans le passé, dans les mots et dans la peinture, à travers des figures mythologiques et littéraires.
William Blake nous le suggère au premier coup d’œil : la divine Hécate est à l'honneur mais nous n'en resterons bien évidemment pas là, et le groupe nous offre des histoires un peu moins communes que la plupart des formations de Metal. Au programme : Virgile, Baudelaire ou encore Cathbad (premier druide-guerrier d'Ulster). Sans créer de liens entre ces différents univers, HECATE se fait le conteur et l'interprète de la richesse de ces images.

Bien que l'on soit dans l'idée d'une musique assez romantique, et qu'on soit guidé dans notre écoute par cet imaginaire omniprésent, le groupe crée un certain décalage entre l'idée de mélancolie de départ et sa musique même. Car HECATE n'est pas le groupe sombre et aérien qu'on aurait imaginé, il se construit selon une composition très Rock'N'Roll. On se retrouve étonné, à la première écoute, car on a là toutes les caractéristiques d'un groupe de Black assez traditionnel, mais le traitement est différent et laisse une grande part à des influences diverses, principalement Heavy et Rock. Aucune volonté de se rattacher à quoi que ce soit, rien n'empêche de caler un solo qui sonne bien Heavy Metal sur une rythmique plus proche d'un Black Médiéval... Cette liberté complètement voulue ne part jamais dans tous les sens mais reste, d'une certaine manière, mesurée. Le quatuor ne se perd pas en chemin. Il suit la ligne directrice enclenchée par de grands noms comme IMMORTAL, en leur rajoutant une dose épique, puissante et neuve.

Si un titre comme "Cathbad" nous donne déjà de bonnes idées mais rassemblées d'une manière parfois un peu brouillonne et maladroite, l'effet reste éphémère. Plus on avance dans l'album, et plus les morceaux semblent aboutis et donner à HECATE son unicité. Ce qui m'a frappée, c'est cette manière de réussir à nous surprendre, à ne pas tomber dans le cliché et le prévisible. Cette idée prend tout son sens sur les titres "Une Charogne" et "Würm". Le groupe nous livre ici une musique peu traditionnelle, avec un beau crescendo à travers toutes ces variations. L'atout de l'album est dans sa puissance, il joue sur le spontané, l'efficace, sans prise de tête et sans débordements inutiles.

"Chroniques D'Un Autre Temps" est propre, carré, assez pro finalement (si on oublie les quelques soucis du côté de la batterie). Un titre comme "L'Enéide" me touche finalement moins, car il retient avec lui le caractère mélancolique du groupe, celui qui avait été laissé en retrait sur les morceaux précédents, qu'il laisse éclater ici. L'idée met du temps à se mettre en place, et ce n'est que vers la moitié du morceau que l'accroche se fait sentir. C'est aussi là qu'on se rend compte des limites du chanteur, dont la voix semble ne pas tout à fait suivre sur une ambiance qui requière plus de sensibilité.

HECATE n'invente rien mais se permet de piocher çà et là ce qui l'intéresse, le mélanger audacieusement pour un résultat d'ensemble assez consistant et plaisant. Les quelques défauts évoqués ne ternissent pas le bel effort dans la composition, et la touche finale reste les textes en Français. Les quelques vers illustrant le livret donnent un bel aperçu de ce qui peut se faire d'un peu plus érudit et touchant chez nos groupes actuels.

"Je te maudis, toi qui fis tant souffrir Job !
Sous tes yeux d'ivrogne, des araignées de satin
Traversent ma nuque lorsque chaque matin
J'attends des anges mais ne trouve que des aubes."

Note réelle: 3,5.