Et si on reprenait ensemble la Delorean de Marty McFly, les gars ? On pourrait faire un petit tour du côté de 1986, à une époque bénie des dieux ou le Metal incarnait l'essence même de la rébellion. L'écurie Black Dragon était au cœur de l'action en ces années de gloire. MANILLA ROAD, LIEGE LORD, EXXPLORER, voyez que la liste n'a rien de rebutant. C'est là que démarre l'histoire vinylique de HEIR APPARENT, obscur combo made in Seattle dont la plupart d'entre vous n'ont jamais entendu parler, bande de djeuns aculturés ! Seattle, comme QUEENSRΫCHE et METAL CHURCH ? Ouaip, avant que le Grunge ne vienne encrasser notre belle musique ! Ça vous les coupe hein ? Une cité qui sait ce que riff veut dire ! Petit détail, la sortie en CD de cet album sera la première réalisée par un label européen indépendant, la classe !

HEIR APPARENT est l'histoire d'un homme : le guitariste chanteur Terry Gorle, et compositeur de la quasi totalité des titres. Un mec un peu content de lui, l'album est bourré de ses chansons. Bon, c'est du Metal Speed de belle facture, avec une petite touche de sophistication qui rappelle à beaucoup les grands frérots de QUEENSRΫCHE. On remarquera notamment le fort bourrin "The Servant", une cavalcade propre à servir de bande-son à une chevauchée de Rohirrims en colère, on signalera toutefois la petite faiblesse qu'est le chant un rien trop linéaire et "classique" de Paul Davidson. Je fais un peu la même analyse pour la très mélodique "Tear Down The Walls" fort proche des collègues de LIEGE LORD, mais ce titre arrache bien la tête. D'autres compos telles "Nightmare" ou le très Hard "Running From The Thunder" sont beaucoup moins réussies. Les mélodies sont pourtant souvent belles, "The Cloack" rappellera les premières heures d'IRON MAIDEN - ce sera à nouveau le cas sur "Dragon's Lair" - avec Paulo le punky, c'est gras et retors à souhait, et les petits chœurs sont agréables. Bien sûr, tout ceci nous donne du Metal typiquement daté eighties... C'est pas avec ça que vous allez faire la révolution dans les cours d'école les mecs. Mais il y a 28 ans, ça dépotait sévère.

"RIP " avec sa rythmique répétitive donne une touche plus moderne à l'ensemble, d'autant que la basse prend alors le pouvoir et impose avec le synthé une ambiance inhabituelle pour l'époque. Hélas, je dois admettre que la gratte de Terry me laisse de marbre, loin des niveaux de Kevin Kennedy et Mark Shelton chez Black Dragon. Toutefois, sur "Masters Of Invasion", on sent une volonté d'imposer un style, une originalité, mais le résultat reste un peu bancal pour moi... Surtout des années plus tard ! La guitare folky de "Keeper Of The Reign" peine à s'imposer, et le chant s'avère parfois faiblard sur ce titre, à nouveau. L'album s'achève dans le fracas avec "A.N.D.... Drogo Lived On", bien sympa.

Bref, malgré une tournée en compagnie de SAVAGE GRACE et de bonnes reviews en Europe - il obtiendra un 49/50 dans la version allemande de Rock Hard, en faisant l'album le mieux noté des trente années d'existence du journal, invraisemblable ! - , jamais le groupe ne percera aux États-Unis, pays où il est fort difficile de devenir prophète ! Quelques titres mémorables cependant, il faut écouter "Tear Down The Walls" mais nous sommes clairement en troisième division du Metal. Je garde cependant un souvenir ému de l'ambiance de 86, et de cette sortie, qui promettait pas mal. Les années ont passé et il faut bien se rendre à l'évidence, tout ça finit mal... Aucune postérité... Dur la vie de rock star !