Chez WHITESNAKE, comme chez beaucoup d'autres groupes dont la carrière a traversé les décennies, les albums peuvent être regroupés par périodes, liées au style musical pratiqué ou aux arrivées et départs de membres qui ont donné naissance aux dits albums. Dans la bande à David COVERDALE, il y a un avant et un après Nicky MOODY, le musicien britannique ayant ensemencé de ses lignes de guitare une demi-douzaine d'albums du Serpent Blanc entre 1978 et 1983. Pour autant, et comme il semble l'affirmer à longueur d'interviews, le bonhomme est-il dépositaire de la patte et de l'identité WHITESNAKE ? Finalement, l'intemporel "Here I Go Again" ou le plus récent "Can You Hear The Wind Blow" ne valent-ils pas un "Lovehunter" ou "Fool For Your Loving" ? À chacun sa propre inclination. Toujours est-il qu'alors que David COVERDALE a remis WHITESNAKE sur pied avec le succès que l'on connaît en 2008, Nicky MOODY a bien du mal à tourner la page, quoi qu'il en dise, en témoigne le nom de ses différents projets : COMPANY OF SNAKES, THE SNAKES, et maintenant SNAKECHARMER.

Le nouveau tribute band déguisé du guitariste à néanmoins cette fois véritablement la classe, puisqu'il aligne un line-up à deux doigts de nous faire utiliser le terme galvaudé de super-groupe. On y retrouve pèle-mêle son ex-comparse bassiste Neil MURRAY, l'excellent batteur des pas vraiment défunts THUNDER Harry JAMES, le guitariste Laurie WISEFIELD (WISHBONE ASH), Adam WAKEMAN, qui vient de poser ses lignes de clavier sur le prochain BLACK SABBATH, ainsi que le chanteur Chris OUSEY (HEARTLAND). Entre sang frais et arthrite naissante, SNAKECHARMER nous fait mettre le pied dans une confortable paire de charentaises. On se sent à la maison dès les premières lignes acoustiques de "My Angel". Le Hard Rock des Britanniques se fait nécessairement bluesy, extraordinairement bien construit, mais également désespérément prévisible. Rien à redire, bien sûr, quant aux performances de chacun, dont le pedigree ne laisse pas douter une seule seconde des capacités musicales. MOODY joue le jeu, et tient son rôle avec précision et efficacité, semblant favoriser la réussite collective plutôt que la démonstration individuelle. Chris OUSEY, pour sa part, se fond parfaitement dans le décor, intégrant ce qu'il faut de feeling et de modulation dans sa voix pour offrir la prestation sans doute la plus éblouissante de cet album.

Une bonne charentaise donc. On l'aime parce qu'on la connaît, que l'on a détaillé chaque motif écossais, chaque couture. On l'aime parce que c'est la nôtre, mais on peut fort bien avoir connu mieux ailleurs. SNAKECHARMER connaît son métier, mais se présente à l'auditeur comme en terrain conquis, MOODY pensant certainement que chaque nostalgique de WHITESNAKE trépignait en l'attente de son grand retour. Manque de bol, de nombreux groupes et artistes de qualité ont depuis vu le jour, proposant un Hard Rock Bluesy bien plus inventif et inspiré que ce que nous propose SNAKECHARMER, à commencer par THUNDER, AYNSLEY LISTER ou THE UNION. Il reste, bien entendu, de la place pour la musique du sextet sur la scène actuelle, légèrement essoufflée, mais force est de reconnaître qu'il est parfois difficile de s'enthousiasmer à l'écoute du lancinant "A Little Rock And Roll" qui s'étire inutilement en longueur (un des défauts principaux des titres présentés), de la ballade "Falling Leaves", tellement réchauffée qu'elle en devient indigeste, ou encore "Smoking Gun", mid-tempo peu emballant gâché par des claviers cheap au possible.

L'ensemble est correctement ficelé, de manière à ce que les inconditionnels et nostalgiques du WHITESNAKE première période y trouvent leur compte. Ceux qui se tiennent plus au courant de l'actualité du genre ou qui ont tourné la page jugeront, à raison, que SNAKECHARMER ne propose rien de suffisamment énergique, mordant ou inspiré pour tenir la dragée haute à ses potentiels concurrents. On était tout de même en droit d'en attendre un peu plus.