Le voilà, le disque qui a fait le succès de Angra. "Holy Land" succède à "Angels Cry", un disque aux influences speed, mais qui intégrait un aspect symphonique à son metal. "Holy Land" est un des disques qui va imposer ce nouveau genre.
Première chose, "Holy Land" est un concept album. Sorti en 1996 par des Brésiliens… oh ça me rappelle quelque chose… Ben oui, impossible de ne pas faire un rapprochement avec "Chaos A.D." du célèbre groupe de thrash brésilien Sepultura. Mais si la troupe à Max Cavalera préfère peindre un Brésil actuel en pleine crise urbaine et la guérilla sanglante des favelas, la bande à André Matos revient plus loin dans le passé. Elle veut conter l’histoire du Brésil au moment de sa conquête par les conquistadores. La pochette nous a mis la puce à l’oreille, impression confortée lorsque l’on déplie le livret où l’on trouve une carte du pacifique du XVIème siècle. Le timbre d’André Matos est superbe et il n’y a aucune démonstration superflue de sa technique. Il chante la conquête de son pays, l’aventure des colons dans ces terres sauvages, mais aussi la simple beauté de ses paysages vierges de toute civilisation, et l’espoir d’une nouvelle génération qui croit en son avenir.
Ainsi, pour évoquer le Brésil, on trouve sur cet album des percussions comme des congas, et des djembés, instruments victime d’une mode occidentale, aujourd’hui si souvent dénaturés de leur essence par leur utilisation à outrance, et d’autres instruments évoquant le folklore brésilien. Ricardo Confessori manie intelligemment sa batterie, beaucoup de cymbales et un jeu moins métronomique qu’auparavant, se fondant à merveille dans l’ambiance indienne du skeud. Mais on trouve aussi des arrangements classiques qui évoquent l’Europe et ses navires portugais partis à la conquête de nouveau continent. "Holy Land" est ce point de rencontre qui donnera naissance à un nouveau Brésil issu du métissage de sa population entre indigènes et conquérants, de sa lente christianisation, et de sa conquête sanglante.
Angra semble maintenant parfaitement assumer son aspect symphonique. La production est certainement pour quelque chose dans ce changement. Plus puissante, plus vivante, mais pour autant, les orchestrations restent jouées avec une certaine retenue. Au contraire d’un Rhapsody, qui préfère manier habilement les envolées grandiloquentes, Angra insuffle une poésie contemplative et douce par ses arrangements symphoniques, pour parfois exploser dans un tourbillon sonore comme sur "Make Believe". Il n’y a aucun arrangement superflu, tout cela sert à merveille le concept du disque et son ambiance. Lorsque l’on écoute le début de "The Shaman", il est impossible de séparer les guitares et l’orchestre. Le tout forme un ensemble en parfaite adéquation. La basse de Luis Mariutti est moins présente, mais se fond bien dans l’atmosphère de la galette.
On distingue deux types de compos. Les premières sont speed, et n’auraient pas juré sur "Angels Cry". "Nothing To Say" rappelle "Carry On" de l’album précité, avec son refrain et ses riffs où les bretteurs Kiko Lourreiro et Rafael Bittencourt se lâchent. Il faut dire que les deux guitaristes ont un rôle plus discret que sur leur précédent ouvrage. Les solos sont plus rares, mais servent toujours l’esprit sud-américain du disque. "Z.I.T.O. " et "Silence And Distance" sont de la même trempe, influence Helloweenienne avec orchestrations. Le reste des compos est cependant différent, et la comparaison avec le groupe allemand ne tient plus la route.
Ralentissant allègrement le tempo, elles évoquent le mieux le pays sacré. La ritournelle simple au piano du titre éponyme, la religiosité de "Deep Blue",… Si aux premières écoutes elles semblent banales, elles se dévoilent avec le temps et les écoutes, et la somptuosité des chœurs, les notes du clavier révèlent un sentiment nostalgique pour un pays sauvagement beau au destin indécis. "Carolina IV" est le titre le plus varié. Démarrant sur un rythme tribal, le titre s’accélère, puis se fait contemplatif, en racontant l’épopée des navires européens sur l’océan, qui se terminera par son naufrage. 10 minutes d’un titre magnifique, qui défilent à toute allure. Pour encadrer le tout, "Crossing", une intro classique par Giovanni Pierluigi da Palestrina qui évoque le départ des Portugais ; et "Lullaby For Lucifer", une outro douce, guitare acoustique sur fond de vagues océanes, une conclusion pour lancer une nouvelle ère de l’histoire brésilienne…
Si "Angels Cry" était un album de speed à tendance symphonique, "Holy Land" se veut être un album de metal symphonique. 5/5 ; les orchestrations sont mieux intégrées et servent à merveille le concept très travaillé sur le Brésil du XVIème siècle. Angra parvient tout de même à garder de fortes bases metal. Cependant, les compos sont plus contemplatives, et je n’ai accroché qu’après plusieurs écoutes. Mais à la fin, il est difficile de ne pas embarquer sur un de ces bateaux pour explorer ces terres célébrées par Angra.