Sans être le meilleur album du groupe, sans être aussi destroy qu'un Pig Destroyer ou aussi inventif qu'un Cephalic Carnage, "Shift" de Nasum fait pourtant date dans le grind (en tout cas dans l'optique qui est la mienne): par la noirceur essentielle, enragée et désespérée de son propos, ainsi que par sa composition musicale, comme l'a souligné Joelsworn dans sa chronique, qui parvient à conserver la nature du genre tout en la diversifiant intelligemment.
Après un embarquement immédiat dans un "Particles" qui annonce la couleur (une furie trop longtemps contenue qui menace d'être dévastatrice), on s'aperçoit que le débit caractéristique du grind alterne toujours avec des alourdissements de rythme vigoureux et bien balancés, mais aussi des mélodies abrasives comme on en trouverait dans le Death Metal, avec couplets et refrains entraînants ("Wrath" en est l'exemple parfait).
Plus encore qu'une critique bornée au seul monde capitaliste, ce qui serait quand même bien naïf (et puis certains traits désignent clairement d'autres systèmes), le tableau d'époque que dressent les paroles de l'album est celui d'un monde global vu par une Cassandre dont on aurait le plus grand mal à se moquer. Oppressions et mensonges, violence et impuissance cultivent partout une haine grandissante qui ne cesse de croître, de faire de nouvelles victimes, de nouveaux manipulateurs et bourreaux... Bien plus qu'un encouragement, "Fight terror with terror" apparaît ainsi davantage comme un constat révulsé, et "Shift" se termine sur un "Darkness Fall" qui invite à suivre ce qu'il reste de lumière (à charge pour chacun de savoir laquelle, mais Nasum a clairement éliminé certaines solutions).
Bref, il s'agit pour ma part d'un très bon opus, et c'est avec regret qu'il me faut le considérer comme le dernier du groupe... C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je renonce à être trop sévère ou trop tatillon, et que je mets la note maximale.
(PS: Avec mille excuses pour avoir pensé que cette chronique ne verrait jamais le jour!)