J'avais un super professeur de musique au collège.
Moi, j'étais plutôt mauvais pour la lecture des notes chez lui.
J'avais passé ma 6° dans un autre établissement et on n'avait pas appris à lire la musique, on apprenait d'autres aspects de cet Art... d'où un retard d'un an que je n'ai jamais su combler dès mon arrivée l'année suivante chez ce prof.
Pourtant, il me demandait de l'accompagner aux percussions pendant qu''il s'éclatait au piano.
On donnait un petit concert pendant le cours devant les autres élèves de la classe, ça l'éclatait.
Il me disait , sourire aux lèvres jusque derrière les oreilles:
"T'es sûr que tu ne joues pas de batterie???"
"Bah oui" lui répondais-je.
"T'as jamais touché à un djembé avant????"
"Bah non".
On avait une heure durant laquelle on pouvait choisir un "club" sur notre emploi du temps.
Club dessin, club sport, club français ou club musique.
J'ai bien sûr choisi club musique avec quelques amis, l'occasion de retrouver des connaissances qui n'étaient pas dans ma classe et que je cotoyais depuis tout petit.
Avec un de ces amis (que j'ai retrouvé bien plus tard dans un groupe), on créait des chansons délirantes.
Du moins, on écrivait des paroles dans une autre salle pour trouver l'inspiration.
(M'enfin des petits mecs de 14-15 ans en plein âge bête, ça en profite pour faire d'autres trucs aussi hein... du genre le pote qui danse à poil sur la table... la porte s'ouvre... surprise: c'est la prof d'anglais, choquée, regard bloqué sur le joyeux drille qui s'empresse de remonter son futal, complètement confus... je vais refermer la parenthèse...)
Ensuite, on allait trouver le prof et il composait au piano.
"Putain, ils sont balèzes ces deux là" qu'il nous disait avec une mine ravie.
Je me souviens d'une partie:
"Toi le petit technoman, t'écoutes de la musique de taré, alors tu te crois et tu crânes, mais t'es qu'un petit enfoiré!
Nous quand on arrache, on a des sensations!
C'est super le Thrash, en plus on est pas con!"
Oui, il trouvait ça super, je me demande aussi pourquoi.
On faisait un carton en plus lors des représentations devant les parents, mi-choqués, mi-amusés.
Le prof riait de leurs réactions, mon ami et moi, on se regardait avec un sourire de petits diables rebelles, contents d'avoir étonné les auditeurs qui s'attendaient certainement à quelque chose de plus gentil, à la vue de nos petites gueules d'enfants sages.
Par ailleurs, le prof m'a laissé faire un exposé avec un autre ami.
Un exposé sur le Hard, on présentait chacun deux groupes, AC/DC et JUDAS PRIEST pour mon pote, METALLICA et IRON MAIDEN pour moi.
A la fin, on avait le droit de diffuser un morceau de chacun de ces groupes.
"Hells Bells", "Love Bites", "For Whom The Bell Tolls" et "Afraid To Shoot Strangers".
C'était marrant ces mines d'enfants choqués qui nous faisaient face lors du retentissement de ces notes, une image qui restera gravée dans ma mémoire à vie.
Lorsqu'à la fin j'ai demandé à notre petit auditoire si quelqu'un avait des questions, seule une main s'est levée.
"On peut les trouver où ces cd's?" a demandé l'intéressé.
"Bah tu vas dans un magasin et tu regardes."
VLAN!
Mine déconfite de sa part accompagnée d'un blanc suivi de quelques rires.
Donc j'en viens à cet album d'EXTREME, enfin!
A mon sens, c'est un disque qu'il serait intéressant de décortiquer en cours de musique, d'une part pour sa richesse musicale et sa qualité, d'autre part pour son concept.
Pour l'aspect conceptuel, le prof de musique pourrait se partager le travail avec le prof d'anglais, il y a matière à faire avec ce sujet social qui aborde les conflits, les religions, le racisme et d'autres points encore.
Comment se faire du vocablulaire en se penchant sur le monde en parallèle.
Oui, ce disque est très intéressant, bien plus mature que l'excellent et festif "Pornograffiti".
Il passe bien l'épreuve du temps, Nuno est peut être l'un des derniers virtuoses de la guitare, Gary se rapproche par instants du grand Mercury, Paul et Pat forment une rythmique imparable.
En plus, c'est inclassable, ça ferait apprécier l'oeuvre sans ce besoin de mettre une étiquette dessus, prouvant que ça ne veut pas dire grand chose...
Et l'élève apprendrait à écouter plusieurs fois un disque avant de prononcer son avis, car cette rondelle est bien entendu tout sauf immédiate.
Chercher à comprendre avant de se manifester, une leçon qui servirait tous les jours, même en dehors de la musique.
Je me pose d'ailleurs la question parfois: pourquoi on n'apprend pas aux gosses, en cours de musique, cet apect fondamental?
Mystère.
Je rêve parfois d'être prof de musique afin de pouvoir proposer ce type de disque à mes élèves.
Je suis certain qu'avec mon prof, ça aurait pu être une possibilité...
Encore aurait-il fallu que je connaisse ce cru à l'époque pour lui demander si ça l'intéresse.
Un chouette gars qui ne mettra pas quelqu'un de côté si on ne capte rien aux notes.
Et ça n'empêche pas par la suite de toucher un peu à tout et d'avoir un esprit créatif!
(Merci Monsieur, j'espère qu'il y en a d'autres comme vous qui savent faire ressortir la fibre artistique des gens, alors qu'ils ne semblent même pas être au courant).
Oeuvre hors du commun.