Pourquoi ai-je repoussé l'écoute de cet album si longtemps ? Quel temps perdu !
Les ravages de la Loudness War, me forçant à me retrancher dans la musique sortie grosso modo avant 1995, m'ont permis de découvrir cette belle pièce, finalement, il y a du bon dans le brickwalling, hein ?
A vrai dire, il n'y pas si longtemps, j'adulais CRADLE, aussi bien le second degré des booklets, les folles paroles, que la musique, évidemment. Pourtant, la médiocrité prétendue de cet album m'avait résigné à débuter mentalement la discographie, ou même l'existence, de CRADLE, à "Dusk And Her Embrace", de peur d'être déçu, d’entacher le mythe. Il y avait bien "Nymphetamine" qui était juste sympa (j'avais commencé par celui-ci), et "Thornography", en version Harder ou pas, qui ternissaient un peu l'image que j'avais de CRADLE, mais je pouvais vivre avec.
Et puis tous ces commentaires sur les "productions" comme disent les gens, faiblardes, m’inquiétaient, j'avais peur d'être déçu par le son, qu'il m'empêche d'aimer l'album.
Et puis j'ai grandi, "Noise Magnetic" m'a ouvert les yeux et j'ai compris qu'une caisse claire ne devait pas sonner comme ma casserole de pâtes, qu'une grosse caisse devait me remuer le bas ventre, que le grésillement de 90% des albums récents sur des enceintes de studio n'était pas normal...
On revient toujours à ses racines, j'avais envie de trve metal, et l'existence de cet album, trop vieux pour être compressé à fond, m'a frappé comme une bénédiction. Il suffisait juste de traquer la version "Cacophonous Records" "Nihil 1CD" pour mettre toutes les chances de son côté !
Et quelle bonne surprise ! Un album bourré d'ambiances, pas fatiguant, alternant habilement les morceaux couillus et les interludes à l'église (amis des claviers et autres orgues vampiriques). La progression de certains morceaux est assez épique en sus de cela !
Alors certes, Dani n'ose pas encore monter dans les aigus, sa voix frôle parfois le ridicule (pour un peu qu'on l'imagine dans une combi à clous et une épée dans les mains), mais l'instrumentation suit parfaitement, la batterie sonne excellemment bien, quelle dynamique, c'est tellement jouissif d'entendre une batterie qui sonne vrai ! Écoutez l'intro de "Summer Dying Fast", quel naturel !
Les guitares sont parfaitement audibles, parfois plaintives ("A Dream Of Wolves In The Snow"), parfois carrément Thrash ("The Principle Of Evil Made Flesh") et la basse s'immisce même parfois dans le festival ("The Forest Whispers My Name", "To Eve The Art Of Witchcraft", "A Crescendo Of Passion Bleeding" etc), pour un album de Black (appelez ça comme vous voulez, ça a en a pas mal d'attributs), remarquable ! Les petits soli comme sur l'éponyme sont les bienvenus et tirent à vue avec réussite ! La qualité d'enregistrement de l'album est largement compensée par un excellent mastering, qui laisse intacte la dynamique du mix et ne transforme aucun pic en créneau (une seule chanson tape 0dB et sans écrêtage qui plus est !).
Les interventions des claviers sont assez maîtrisées à mon goût et l'aspect basique de leur jeu ne nuit en rien à la musique, au contraire. Ils rajoutent ce petit air si rafraîchissant sur les morceaux qui blastent et cette mélancolie sur les interludes ("A Dream Of Wolves In The Snow"). On n'a même droit à une petite reprise de Bach "Toccata in D minor, BWV565" au début de "Of Mist And Midnight Skies" couplée à quelques coeurs. Pour info, le rouquin de MEGADETH avait, lui, repris la "Fugue in D minor, BWV565" sur l'excellent "Killing Is My Business... And Business Is Good!".
Je rejoins toutefois Possopo sur la pénibilité des passages Death, qui coûtent sans doute à eux seuls la dernière étoile, je n'ai rien contre le Death en général, mais ça ne "suit" pas à l'aspect vampirique (allons-y gaiement) de la pièce. Le post-solo de "The Black Goddess" est particulièrement incongru.
Finalement, si l'on fait fi de la performance quelque peu "débutante" de Dani et de petites lourdeurs mal intégrées, on tient là un très bon album, unique en son genre.
Alors si comme moi, vous hésitiez, que vous avez aimé "Dusk And Her Embrace", foncez, et surtout, trouvez un original, fuyez les briques "remasterisées" comme la peste (si seulement c'était MFSL, AF, ou DCC qui s'en occupaient...), profitez de la basse, profitez de l'air, profitez de la dynamique du "Cacophonous" !